Petit bonhomme de chemin

Jour 182

Le 01/01/12, 16:06

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Je suis bien au chaud dans mon lit lorsque j’entends sonner à la porte avec insistance. Encore à moitié endormie, je me dis « mais bon dieu, que quelqu’un ouvre cette maudite porte ! ». Prenant conscience que cette personne ne pouvait être autre que moi, je me réveille en un sursaut et sors de mon lit en courant. La scène est suffisant grotesque pour faire rire à mon passage Juan José. Il faut dire que mon accoutrement vaut le détour : grosses bottines, pyjama, cheveux en pétard et yeux de Pandi Panda puisque je n’ai pas pris la peine de me démaquiller lorsque nous sommes rentrés 2 heures plus tôt. Ce que j’ignore à ce moment-là est que Juan José n’aura aucun souvenir de cette rencontre fortuite car il est en pleine crise de somnambulisme. Un visiteur qui se promène en dormant... Il ne manquait plus que cela...

Je reste toute la journée cloitrée à l’hospedaje pour répondre aux éventuelles demandes de mes clients et faire le check out des voyageurs en partance. Mais les sollicitudes sont rares. Je m’ennuie un peu. Ma présence n’est pourtant pas tout à fait inutile car je parviens à éviter un incident majeur. Trois gars visiblement éméchés se sont présentés à la porte en prétendant qu’ils logeaient à l’hôtel. Le Señor Delfín qui assurait la sécurité les a laissé entrer sur base de leurs dires (ou de peur de se frotter à trois ivrognes prêts à en découdre). Heureusement, j’arrive à ce moment et m’apprête à les mettre dehors. Malgré tout, ils sont trois et bien imbibés. Je prends donc une bonne respiration ainsi que mon courage à deux mains pour aller leur parler. J’avance vers eux d’un pas décidé. Ceci suffit à faire décamper les trois intrus. Comme quoi, mon regard de tueuse leur a fait passer l’envie de s’attarder plus longtemps chez nous. Eh bien, je ne me savais pas si impressionnante...

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Posté par Scrat

Jour 181

Le 31/12/11, 16:04

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Moi qui m’étais autorisée une petite demi-heure de sommeil de rab, je me fais finalement sortir du lit à 5h00 du matin par un nouveau coup de fil « intempestif ». Le couple de la chambre 208 vient d’arriver à Cusco. Nouveau réveil en trombe... Le temps de sauter dans un jeans, je pars à leurs devants pour les accueillir comme il se doit au portail d’entrée.

Une heure plus tard, ce sont quatre petits Frenchies qui débarquent également de bonne heure. La troupe est enfin au complet. Mes 16 visiteurs du week-end sont tous arrivés. Je me dis « voilà une bonne chose de réglée », pensant pouvoir lever un peu le pied à présent.

C’est à ce moment que Juan José, mon dernier arrivant de la veille, m’invite à prendre le petit déjeuner avec lui sous prétexte qu’il n’a pas envie de manger seul. « En plus de nettoyer les chambres, voilà que je dois faire dans le social », me dis-je. Je préférerais vaquer à d’autres occupations. En effet, à notre première rencontre la veille, il ne m’avait pas fait très bonne impression. Il était arrivé avec beaucoup de retard et j’avais dû négocier assez fermement pour qu’il accepte la « chambre-placard à balai ». Mais la relation clientèle se soigne, je me vois donc mal refuser la proposition. Au final, je me rends compte que j’avais Juan José un peu durement. Il est de compagnie plutôt agréable.

Le temps d’un repas, j’oublie quelque peu ma fatigue et mon amertume en me rendant compte que, ce matin, j’étais seule à mener la barque de l’Hospedaje Sol Ayni. De fait, à 5 heures du matin, le portier de nuit n’était pas à son poste pour ouvrir la porte aux premiers clients. Je n’étais pas censée travailler aujourd’hui et le Señor Javier aurait dû me relayer à 8h30. Sauf qu’il est presque midi et que je n’ai toujours pas aperçu mon cher collègue. Erland profite de son jour libre mais lui, je ne lui reproche rien car il bosse comme un dingue les autres jours.

Finalement, le Señor Javier arrive en début d’après-midi. Je peux enfin prendre une pause bien méritée et m’adonner aux préparatifs de la soirée. De fait, un nouvel an à Cusco ne s’improvise pas comme cela. La tradition est particulièrement codifiée et il faut se plier à un grand nombre de règles pour commencer l’an nouveau sous de bons auspices.

Tout d’abord, il y a la tenue. Pour se donner de la chance, il faut porter ce jour-là des sous-vêtements de couleur jaune. A moins que vous ne souhaitiez trouver l’amour... Il faudra alors opter pour le rouge. Et si vous privilégiez l’aspect financier, il vous faudra choisir le vert. Personnellement, je compte mettre toutes les chances de mon côté et décide de porter non pas une mais deux petites culottes ce soir, une jaune et une rouge. Pour trouver mon bonheur, je me rends sur le marché en compagnie de Frankie car, détail important, les sous-vêtements doivent vous avoir été offerts. Vous ne pouvez pas vous les acheter vous-même. Nous allons donc nous offrir réciproquement nos « petites tenues » de la soirée. Sur place, nous rencontrons une connaissance de Frankie. Un type qui ne parle qu’anglais. Lui aussi cherche de quoi se vêtir pour l’évènement. Frankie lui propose de se joindre à nous. Au début, je vois d’un assez mauvais œil le fait d’acheter des dessous en compagnie d’un mec que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam. Mais finalement c’est plutôt drôle. Nous lui trouvons un magnifique caleçon jaune avec un Machu Picchu rouge.


Mais ceci n’est qu’une partie de l’équipement de base. Pour s’attirer la chance à nouveau, il faut également porter de façon voyante un peu de jaune dans sa tenue. Moi j’opte pour un collier de fleurs et un sifflet, Frankie pour un loup. Il y a aussi les 12 raisins qu’il faut manger aux coups de minuit. Un raisin et un vœu par coup. Autant dire qu’il faut de l’imagination. Bref, avec tout cela, pas étonnant que certains poussent la chose jusqu’à venir sur la Plaza de Armas avec une valise. Le but de la manœuvre est de favoriser de futurs voyages. Cette idée de valise me plait particulièrement mais je finis par y renoncer sur le conseil d’un ami en raison du grand nombre de pickpockets qui seront également de la fête ce soir.

Chacun évidemment se plie à ces exigences de façon plus ou moins assidues. Mais à voir le nombre de petites échoppes vendant des slips jaunes qui ont fleuri sur les marché ces derniers jours, il doit y avoir pas mal d’émules. Et parmi toutes ces traditions, s’il y en a une qui est particulièrement chère aux Cusquéniens, ce sont les 3 trois tours de la Plaza de Armas qu’il faut effectuer en courant à minuit.

Je rentre à l’hospedaje en peu avant l’heure à laquelle j’ai rendez-vous avec la Belgique via Skype. Et oui, là-bas, les 12 coups de minuit ont déjà retenti. Je suis sur le point de lancer l’appel lorsqu’on me sollicite pour régler un petit souci. Il semblerait qu’il n’y a plus d’eau dans la chasse des toilettes de la 207. Mes connaissances en plomberie étant limitées, j’appelle à la rescousse le Señor Juan. Et c’est là que nous nous rendons compte de l’ampleur du problème. La pénurie d’eau ne se limite pas à la salle-de-bain de mes clients français mais s’étend à tout le quartier. Beaucoup de choses s’expliquent alors. Notamment, le peu d’eau chaude qu’il y avait ce matin. En effet, la société des eaux a diminué le débit de distribution. Par conséquent, faute de pression, l’eau ne peut plus monter jusqu’au troisième étage de l’édifice et atteindre les capteurs solaires pour être chauffée. D’un côté, c’est un soulagement de savoir que nos installations ne sont pas en cause mais le problème reste là. Il n’y a pas d’eau et il n’y aura probablement pas de douche ce soir. Il va falloir annoncer la mauvaise nouvelle à tous les clients.

Tous sont des plus indulgents. Il faut dire que j’ai la chance d’avoir hérité de clients particulièrement sympas et absolument pas chiants. Les seuls avec qui j’ai un peu plus de mal sont les petits Français. J’affectionne assez peu leur genre « on est jeunes, on est trop cools et on vous em... ». Mais, même eux comprennent très bien que dans cette histoire d’eau, je n’y peux rien et que je suis les mains liées. La seule chose à faire est de prendre son mal en patience.

C’est donc tous crades que nous rendrons à nos soirées de nouvel an respectives. La mienne aura lieu à l’Indigo Bar où j’ai organisé le réveillon officiel du Couch Surfing Cusco. Apparemment, au niveau de l’organisation des soirées, je n’ai pas perdu la main puisque ils sont presque soixante à avoir répondu à l’invitation. Pas facile de gérer un tel groupe... Tant qu’on est dans le bar, tout va bien même si les serveurs ont l’air un peu dépassés.

Les choses se corsent lorsqu’il faut faire bouger tout ce petit monde pour se rendre à la Plaza de Armas. Des 60, seule une bonne vingtaine arrive à destination... Le pourcentage de perte est spectaculaire. Je rebrousse chemin et finis par remettre sur la bonne voie une vingtaine de « brebis égarées en route ». J’escorte notamment un groupe d’Anglais dont l’allure titubante me fait deviner qu’ils ont déjà commencé le réveillon de bonne heure. Tout laisse à penser qu’il sera impossible de maintenir le groupe bien longtemps. J’ai déjà perdu Ignaqui et ses potes, un groupe d’Espagnols particulièrement sympathiques et assez mignons. Dommage...

La place grouille de monde, il y a de la musique et l’alcool coule à flot. Mais le plus frappant sont sûrement tous ces pétards qui éclatent de toutes parts, souvent au mépris des règles de sécurité les plus élémentaires. Et plus on approche de l’heure fatidique, plus explosions et déflagrations se font intenses.

L’arrivée de l’an nouveau se fait de manière un peu bizarre. Traditionnellement, les cloches de la cathédrale sonnent les douze coups de minuit. Cette année, pour une raison qui m’échappe, ce n’est pas le cas. Faute de compte à rebours final, le passage à 2012 n’est pas aussi retentissant que je l’aurais souhaité. Pour la tradition des raisins à minuit, c’est un peu raté et puis personne ne sais vraiment quand est-ce qu’on peut enfin s’abandonner aux cris de « Feliz Año nuevo ». C’est un mouvement de foule autour de nous qui nous fait comprendre que le moment tant attendu est enfin arrivé.


Après quelques brèves embrassades, je me fais entrainer par Jackie, Paul et Darcy pour les traditionnels tours de la Plaza de Armas. Normalement, ils se font en courant mais vu la foule, tout le monde avance au pas (on se croirait au départ du Post Laaf, la musique de Village People en moins). A ce rythme-là, on n’aura pas fini nos trois tours avant l’aube. Mais Jackie et Darcy me rassurent, un tour est largement suffisant. Tant mieux parce que par endroit, là où cela n’avance vraiment pas, cela frise le supplice.

Par exemple, sur l’esplanade de la cathédrale, la municipalité a monté une scène où un groupe joue des airs apparemment populaires que tous les Péruviens reprennent en cœur. A cette hauteur, une foule s’est amassée pour profiter du spectacle. Nous avançons donc encore plus lentement et encore plus collés-serrés. Des mains baladeuses se perdent... Un petit coup de coude, aussi discret qu’efficace, pour signifier à leur propriétaire que le contact n’est pas du tout de mon goût permet de faire rentrer les choses dans l’ordre.

A l’issue de notre tour, la pluie décide de s’inviter à la fête. Il va falloir trouver un endroit pour continuer la soirée. Evidemment, toutes les boites du coin ont profité de l’évènement pour appliquer des tarifs presque prohibitifs. Payer 60.- Soles d’entrée dans une discothèque où, d’habitude, ce sont les rabatteurs qui essaient de t’attirer à coup de verres gratuits, cela fait mal. Nous sommes nombreux à refuser de nous soumettre à cette fatalité et préférons poursuivre les festivités chez Jeremy, l’écrivain américain, qui a un appart à San Blas. Et un appart parfait pour faire la fête, avec une terrasse incroyable...


Comme à l’accoutumée, il y a les habitués et les voyageurs de passage. Parmi eux, un certain Luis, un ami de Juan Carlos à qui apparemment j’ai tapé dans l’œil. Il n’arrête pas de vouloir prendre des photos avec moi. Au début, ça va mais plus la soirée passe et plus les verres défilent, plus je trouve cela lourd. J’en touche un mot à Frankie qui me répond « T’es sûre ? Tu sais, il a une copine... » Depuis quand ce genre de détail arrête un Péruvien ? Mais Frankie aussi a droit à son boulet : un gros lourdaud américain dont le sujet de conversation exclusif est le rhum. Bref, vers 4h00 du mat, il est temps de s’enfuir pour aller danser. Nous tentons le Mythology mais malgré l’heure tardive l’entrée est encore à 30.-Soles. Nous trouvons sur place trois de mes clients, David, Jessica et Cecilia. Et décidons d’aller ensemble au Muse où l’entrée est gratuite. Evidemment, cela sent l’arnaque. Pas étonnant que l’entrée soit libre, il n’y a personne. Frankie capitule et nous laisse là. Après un dernier verre, nous décidons également de rentrer sagement à la maison. Mais d’abord un dernier détour par l’échoppe d’une marchande ambulante pour un petit hamburger de fin de soirée. Là, nous retrouvons Juan José.

Je ramène donc toute l’équipe à la maison. En arrivant sur le pas de la porte, après les vœux de rigueur, je demande à Juan si tout le monde est bien rentré. C’est le cas, nous sommes les derniers qui manquions à l’appel. Parfait, je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles.

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Posté par Scrat

Jour 177, 178, 179, 180

Le 27/12/11, 15:19

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Semana de locura... Ça y est, c’est officiel: je suis enfin formellement co-directrice de notre hôtel de Cusco avec Erland. J’ai un papier qui le dit... Belle promotion en six mois même si, en gros, cela ne change pas grand-chose. Je fais exactement le même travail et n’ai pas d’augmentation de salaire vu que de toute façon, je n’ai pas de salaire du tout. Je peux juste frimer avec mon nouveau titre même si, dans ce cas, être directrice signifie également nettoyer les chambres, déménager les lits, devenir experte en posage de lunettes de toilettes, administrer la réception, faire le marketing et le contact clientèle, jouer les plombiers, faire le portier, l’hôtesse d’accueil, la décoratrice d’intérieur... Bref, le lot de tout petit indépendant qui se lance dans ce genre de business.

Le mardi, je frotte, je brique, je récure, j’époussette, j’aspire... Il faut que tout soit nickel pour les quelques derniers jours de l’année qui s’annoncent plus que chargés. Je ne suis pas peu fière d’avoir rempli tout l’hôtel pour le nouvel an. Si nous arrivons à être à la hauteur des espérances des clients, cela pourrait nous permettre de nous lancer vraiment. Il va donc falloir assurer.

Ce sont Vanessa et Caroline, deux jeunes Allemandes, qui ouvrent le bal mercredi matin. L’occasion pour moi de faire mon tout premier transfert aéroport. Et qui dit toute première fois, dit erreur de débutante ... J’ai oublié de prendre note du numéro du vol de nos passagères, ne me rendant pas compte que les informations « vol en provenance de Lima de 11h » ne seraient pas suffisantes pour identifier leur avion parmi les 5 qui arrivent chaque heure de la capitale. Erland et moi sommes un peu sous pression. Et c’est dans ce genre de conditions que notre différence de logique se note le plus. Moi, j’analyse les priorités et vais droit à ce qui me parait le plus urgent. Erland a tendance à prendre ce qui me semble être des chemins détournés. Dans ce cas, il me reproche mon manque de précision, moi son heure de retard à notre rendez-vous. S’il était arrivé à 8h30 au bureau comme je le lui avais demandé, on aurait pu palier le problème. Bref, une fois encore, on se bouffe le nez. C’est le soulagement de voir finalement apparaitre Vanessa et Caroline qui nous réconcilie.

Le vendredi, les filles nous quittent pour se lancer sur le camino inca en nous laissant un petit cadeau, deux visiteurs surprise : Richard et Teresa, un couple également allemand. Il va falloir s’activer pour le nettoyage et réorganiser toute l’occupation des chambres. Mais nous ne pouvons pas dénigrer cette aubaine. Décidemment, la pénurie de lits d’hôtel à Cusco en cette période de fêtes nous aura également bien profité. Nous avons des clients partout y compris dans le placard à balai que nous reconvertissons in extrémis en chambre (transformant au passage ma propre chambre en dépôt provisoire)...

Il y aura deux autres arrivées ce jour-là. Le grand rush peut commencer. Nous jouons gros sur ce coups-là. Je me mets donc aux petits soins de mes clients. C’est un effort de tous les instants car, en mode vacance, mes voyageurs semblent ne pas avoir d’horaire et n’hésitent pas à venir me trouver dans ma chambre au-delà de 22h, voire à m’appeler à 1h30 du matin pour savoir s’il me reste un lit pour un couple avec qui ils viennent de sympathiser en soirée... Ceci cadre moyennement bien avec ma routine matinale de la semaine : lever à 5h00 pour nettoyer les salles communes et couloirs avant le réveil des clients, à 6h00 je prends le relais du portier de nuit dont la garde se termine, à 8h30 reprise du travail au sein de l’équipe de TURURAL. Autant dire que les nuits se font de plus en plus courtes et mes cernes de plus en plus marquées.

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Posté par Scrat

Jour 176

Le 26/12/11, 7:23

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Ce matin, comme prévu, nous nous rendons à Maras pour notre demande de rendez-vous auprès de l’alcalde. Tous les leaders de la communauté de Cruzpata nous accompagnent. Moi, par contre, je reste dans la voiture en compagnie de celui qui est peut-être devenu mon plus fidèle compagnon ici, mon très cher ordinateur portable qui ne me quitte presque jamais. J’attends patiemment mes compagnons et écoutant les annonces faites au speaker depuis la municipalité. On recherche de valeureux concurrents pour la prochaine course d’ânes...

Après la réunion, nous tombons sur Jaime, un des participants de Mullakas-Misminay. Cela tombe bien, nous voulions justement faire un détour par sa communauté pour visiter la fameuse casa-hacienda que les habitants envisagent de remettre à neuf pour en faire un camping. Ce sera également l’occasion de vérifier les conditions de logement des volontaires qui participeront au futur chantier international là-bas l’été prochain.

Jaime nous conduit donc d’abord à la casa-hacienda qui, malgré son délabrement, se révèle être un véritable petit bijou. La localisation, dans un écrin de verdure à deux pas de Moray, est idéale. La vue, splendide. La répartition des pièces est parfaite : les communs et la cuisine au rez-de-chaussée, les chambres à l’étage avec un immense balcon qui permet de profiter d’un panorama époustouflant. Pour l’instant, faute d’escaliers, l’accès à l’étage du haut demande un peu de gymnastique mais cela ne me fait pas revenir sur mon point de vue : cette maison a un cachet et un potentiel immense. Le travail pour la remettre en état ne manquera pas, mais si la communauté parvient à la réhabiliter, elle peut en faire un atout majeur.


Jaime nous emmène ensuite chez lui dans l’un des 5 secteurs de la communauté, celui de Sta Ana. Je veux vérifier de mes propres yeux si lui et le petit Edwin sont en position d’offrir un logement aux futurs volontaires qui travailleront dans la communauté ou si ces derniers devront se contenter de rester dans le secteur de Misminay. En effet, ce n’est pas parce que Misminay offre des conditions de logement optimales puisque les habitants travaillent déjà le thème du tourisme rural avec une grande agence de voyage, qu’il faut oublier les autres secteurs. Nous voudrions que tous nos participants de la communauté aient l’occasion de loger les volontaires, surtout Edwin qui est probablement un de nos étudiants les plus assidus. En effet, recevoir des volontaires est un bon moyen pour s’exercer à l’art de recevoir et échanger avec des visiteurs.

A vrai dire, je redoute un peu cette « inspection » et crains d’être déçue. A voir la cour intérieur de la maison de Jaime, je reste sur cette impression. En effet, avec les pluies qui se sont récemment abattues sur la région, les patios en terre battues de maisons rurales ce sont transformés en marres de boues. Et quand des animaux y sont élevés, comme c’est le cas chez Jaime, c’est pire encore car le fumier se mélange à la gadoue. C’est tout sauf accueillant. Mais Jaime nous explique qu’il compte recevoir ses visiteurs non pas chez lui mais dans l’ancienne maison de son père. Changement de perspective et de décor... La seconde maison située sur les hauteurs semble bien plus adaptée à l’accueil de voyageurs. Il y a de vastes chambres, la cour est beaucoup moins boueuse, l’endroit est très calme et il y a même un cabinet de toilette. Ici, je me fais beaucoup moins de souci pour mes volontaires.

C’est donc soulagée que je prends le chemin de la maison d’Edwin, plus loin encore sur les hauteurs. Et la montée ne se fait pas sans peine. Sous l’effort, j’ai l’impression que mon « Arroz a la Cubana » de 10 heures, un plat à base de riz, œufs et bananes. (Super bon...), va se rappeler à mon bon souvenir. J’arrive au sommet essoufflée, fatiguée, dans un assez piteux état. Et comme un malheur n’arrive pas seul, la maman d’Edwin nous propose une petite chicha pour nous requinquer. Mais personnellement, je doute que cela améliore ma condition, bien au contraire. Je ferais n’importe quoi pour passer mon tour...

Dire qu’Edwin tous les jours termine son trajet quotidien d’une bonne dizaine de kilomètres depuis Maras par cette horrible côte... Nous avions déjà beaucoup de respect pour cet adolescent qui malgré un particulièrement long trajet à pied ne rate aucune de nos séances de formation. Mais en me rendant compte sur place de l’effort que lui demande cette assistance assidue, je ne peux que m’incliner devant son courage. Malheureusement, Edwin n’est pas là pour que nous puissions le féliciter une fois encore. La visite sera de courte durée.

Sur le chemin du retour, une fois de plus, je pique du nez dans le 4X4. Il faut dire que pour avancer dans mon travail, je me suis levée à 5h du matin et la journée est loin d’être finie puisque cet après-midi, nous allons à Tankarpata pour distribuer aux enfants de la communauté les jouets que nous avons récoltés lors du repas du réveillon de Noël.

Nous avons proposé à tous les participants au repas de nous accompagner pour offrir en personne leur cadeau s’ils le souhaitaient. Entre les Couch Surfers qui ont répondu à l’invitation et les volontaires de Cooperarperu, nous sommes une bonne vingtaine à nous retrouver vers 15h00 à la Caja Mágica. Il faut donc organiser des équipes. Celle des filles part en éclaireur pour donner un petit coup de balai au centre où Cooperarperu travaille avec les enfants au sein de la communauté. Un autre groupe s’en va acheter quelques derniers cadeaux et surtout chercher le costume du papa Noël. Il reste deux autres équipes avec à leur tête Gustavo et moi-même. Et dans ma « troupe », il y a un atout de choc : Omar, l’un des artistes que j’avais interviewé dans le cadre de The Busking Project et qui a gentiment accepté de venir faire un spectacle pour les enfants. Autant dire que lorsqu’il arrive dans la communauté avec son monocycle, il ne passe pas inaperçu. Tous les enfants lui foncent dessus.

Comme Eduardo n’est pas encore arrivé, ce sont Jackie et moi qui prenons la direction des opérations. En effet, sans leur mentor pour leur donner des instructions, les volontaires de Cooperarperu semblent un peu perdus. Nous activons donc tout le monde pour faire installer les enfants à l’intérieur pour que Jackie puisse leur faire une petite présentation sur ce qu’est Noël, le Père Noël, les Rois Mages, etc. Jackie commence par un petit energizer censé capter l’attention des enfants. Seule la moitié participe, les autres se contentent de regarder, à l’instar de bon nombre des adultes présents qui, eux non plus, ne se mêlent pas au jeu. Personnellement, cela me dépasse. Pour moi, participer aux activités avec les enfants est une chose tellement naturelle.

Ensuite, Jackie essaie tant bien que mal de débattre avec les enfants et de leur expliquer qu’à Noël le plus important ne sont pas les cadeaux mais bien le fait de partager un bon moment avec ceux qui nous sont chers. Pauvre Jackie, les enfants sont très dissipés. La majorité n’écoutent absolument pas et préfèrent jouer avec leur voisin. Elle n’a clairement pas choisi la tâche la plus facile.

Ensuite nous allons dehors pour faire un petit jeu, une sorte de renard qui passe. Eduardo est enfin arrivé. Les choses commencent à prendre forme. Presque tous participent cette fois à l’activité, adultes y compris. Après le jeu, commence enfin le spectacle d’Omar. Pour lui aussi les conditions sont un peu difficiles, il faut interagir avec des enfants un peu plus turbulents qu’à l’habitude et qui, de temps à autre, tentent de lui chiper son matériel. Mais en soi, tout se passe relativement bien. Le spectacle est très réussi, la plupart des enfants semblent captivés et en redemandent.








Arrive le moment un peu difficile de « prendre congé » des enfants qui nous ont rejoints pour l’occasion mais ne participent pas régulièrement aux activités de Cooperarperu. En effet, eux aussi savent qu’il va y avoir une distribution de cadeaux et espèrent recevoir le leur. Or, les cadeaux sont en nombre limité et réservés aux enfants qui fréquentent quotidiennement le centre de soutien de l’ONG. Eduardo leur explique qu’ils peuvent s’inscrire aux activités à partir de janvier et pourront ainsi participer à la fête l’année prochaine. Malheureusement, aucun ne veut partir et il faut trouver un moyen de mettre dehors les non-habitués et de les empêcher d’entrer à nouveau. Pendant toute la session de distribution de cadeaux, ceux-ci frapperont à la porte pour qu’on les laisse prendre part à la fête.

Finalement arrive le tant attendu Père Noël pour la non moins attendue distribution de cadeaux. Chacun reçoit des mains de celui-ci un paquet cadeau à son nom et tous l’embrassent pour le remercier. Au niveau des jouets, il y en a pour tous les goûts : camion, voiture télécommandée, ballon de foot, dinette, poupée, perles pour faire des bijoux, etc. Lorsque le Père Noël donne le nom de l’un ou l’autre « ami secret » d’un des Couch Surfers présent sur place, celui-ci ne peut s’empêcher de vérifier discrètement si l’enfant a apprécié son cadeau. Personnellement, je suis ravie de voir que le journal intime que j’ai offert à la petit Flor semble lui plaire.







La distribution de cadeau s’éternise un peu à mon goût. Les enfants sont surexcités et veulent tous montrer à leurs camarades ce qu’ils ont reçu (parfois pour procéder à des échanges...). Cela crie dans tous les sens. Que d’émotions... Ce joyeux bordel commence pourtant à me fatiguer et à voir la tête des autres volontaires, je ne suis pas la seule dans ce cas. Après une ultime photo de groupe, nous sommes sur les genoux mais contents de pouvoir quitter le centre une fois notre mission accomplie.

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Posté par Scrat

Jour 174

Le 24/12/11, 6:34

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En cette veille de Noël, une frénésie particulière s’est emparée de la ville. Et Cusco n’est pas la seule à être agitée, je le suis tout autant car la journée s’annonce longue et bien remplie. Elle commence par un passage éclair sur la Plaza de Armas où s’organise chaque 24 décembre une sorte de bazar de Noël. On y trouve de tout, des bibelots, des vêtements, de l’artisanat (dont quelques objets au design intéressant).

Mais je ne peux guère m’attarder car j’ai rendez-vous vers 10h à la Caja Mágica, le QG de Cooperarperu. Depuis plusieurs jours, en effet, avec Eduardo et ses volontaires, nous préparons un réveillon de Noël afin de récolter des jouets pour les enfants de Tankarpata et pour faire connaître le travail de l’association. L’idée est de proposer à tous les étrangers de passage à Cusco un endroit pour passer Noël en toute convivialité même s’ils sont loin de leur famille. En plus de leur participation financière au repas, chacun peut également se soumettre au petit jeu de l’ « amigo secreto ». Pour ce, il doit apporter un jouet pour un des enfants de la communauté dont nous sommes chargés de lui communiquer au préalable le nom, le sexe et l’âge. Mon amie secrète, par exemple, est la petite Flor, 13 ans.

Et la proposition semble plaire car, alors que nous voulions limiter le nombre de participants à 20, nous avons reçu plus de 40 demandes de réservation. La gestion d’une telle tablée n’est pas des plus aisées. Autant dire que je passe tout mon samedi matin à jouer les secrétaires en tentant de caser mes 20 invités de dernière minute. Peu à peu, le stress monte...

Avec Eduardo et Elena, une des volontaires espagnols arrivés il y a quelques jours, nous nous rendons ensuite au marché pour acheter les derniers articles dont nous avons besoin. Cependant, ce n’est peut-être pas le meilleur jour pour faire ses courses. Que ce soit au Molino ou sur la place Tupac Amaru, les allées des marchés sont noires de monde. J’en profite également pour acheter quelques cadeaux pour les enfants. Des figurines Spiderman pour le petit Fernando, un journal intime pour Flor. Nous finissons nos achats au « Baratillo », le fameux marché du samedi où on trouve de tout pour presque rien. Notre mission est de dégoter des chaussures pointure 36 que Luna, une autre volontaire de Cooperarperu, pourra offrir à son amie secrète. La tâche n’est pas évidente car il faut négocier ferme pour entrer dans le budget imposé de 20.- Soles par cadeau. Nous y parvenons presque en obtenant un prix de 25.- Soles pour une paire de jolies bottines bien chaudes.

Le temps de prendre une douche éclair, me voilà de retour à la Caja Mágica juste pour l’arrivée des premiers invités. La maison semble prête pour accueillir tout ce petit monde, des odeurs alléchantes s’échappent déjà de la cuisine. Je m’installe à la caisse (après 6 ans de travail dans une banque, les histoires de sous cela me connait). On peut donner son top départ à la soirée. En fait, il y a pas mal de désistements mais aussi de nombreux participants imprévus. L’un dans l’autre, nous sommes 36 convives, un résultat plus qu’honorable.

Parmi les participants, il y a notamment Raymond, un Luxembourgeois qui a étudié au Séminaire à Bastogne. Cela fait un peu bizarre de tomber, à l’autre bout du monde, sur quelqu’un qui a fait ses études dans la même petite école que vous. Lorsque je lui demande ce qui l’amène au Pérou, il me répond « le grand classique : la traversée du continent américain de l’Alaska jusqu’à Ushuaïa ». Sur le même ton blasé que lui, je réponds par un simple « Ah, oui ». Il faut croire que je fréquente trop de voyageurs, car à ce niveau peu de choses m’impressionnent à présent.

Il est déjà plus de 22h et les ventres commencent à crier famine. Seul petit hic : Eduardo veut passer une vidéo présentant le travail de l’ONG avant le repas. Mais la vidéo n’est toujours pas terminée. Il me supplie : « je t’en prie, laisse-moi encore 5 minutes ». Je cède et il tient sa promesse : 5 minutes plus tard, nous diffusons une de ces vidéos si attachantes dont Eduardo a le secret. On peut enfin passer à table pour goûter le fameux lechon de Fanny, notre cuisinière du soir. Celui-ci est accompagné des toutes aussi célèbres « papas morayas » ou Chuño blanc, des pommes-de-terres gelées, séchées puis réhydratées avant d’être cuisinées. Celles-ci ont un goût particulièrement prononcé. Au dessert, nous avons droit à l’incontournable paneton puis au Pisco Sour maison d’Eduardo.





Il est presque deux heures de matin quand je peux enfin m’assoir pour profiter des derniers invités. Mais le répit est de courte durée. C’est décidé, ce soir on sort. Notre première étape est le Washuma, un bar reggae. Drôle de lieu pour passer un réveillon. Ok, Noël est la célébration de la paix et de l’amour mais de là à se retrouver dans un endroit si « peace and love »... Nous enchainons ensuite avec l’habituel Mythology.

C’est l’occasion pour nous de passer par la Plaza de Armas et découvrir la face cachée du réveillon à la Cusquénienne. A l’occasion du grand marché de Noël qui a eu lieu dans la journée en cet endroit, de nombreuses familles paysannes sont venues en ville vendre du lichen, particulièrement prisé ici pour les décorations de Noël. En général, les parents emmènent avec eux leurs enfants dans l’espoir que des touristes leur offrent des cadeaux pour l’occasion. Souvent, ces familles ne peuvent effectuer le voyage de retour le jour-même et n’ont pas de quoi s’offrir une chambre d’hôtel. Ainsi, à la nuit venue, c’est par centaines que les arches de la Plaza de Armas accueillent ces gens qui n’ont d’autre lieu où dormir. Les voir ainsi sur leur lit de fortune à même le sol, grelottant de froid, pendant que d’autres (nous y compris) vont écumer les boites de nuit, vous fait un peu vous demander à quoi rime le fameux esprit de Noël.

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Jour 173

Le 23/12/11, 5:01

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C’est aujourd’hui le branlebas de combat à CENPRODIC. En effet, nous avons réuni tous les employés de l’ONG dans les infrastructures de Sta Ana pour effectuer un grand nettoyage de printemps (et oui, ici, à cette époque c’est le printemps). Nous attendons environ 20 personnes pour venir nous prêter main forte. Et vu l’état de désolation de notre jardin qui s’apparente bien plus à un terrain vague, ce ne sera pas du luxe. Seul petit hic : la pluie, elle, ne l’entend pas de cette oreille et a bien décidé de nous mettre des bâtons dans les roues.

Une fois toute la troupe au complet, il faut se répartir les tâches. Il n’est pas facile de motiver ce petit monde qui n’a clairement pas envie de se mouiller. C’est incroyable à quel point on fait toute une histoire avec la pluie ici. Habituée au climat belge, cela fait longtemps que je me suis fait une raison à ce niveau: s’il faut reporter un truc à chaque fois qu’il pleut autant ne plus rien faire. Heureusement, Erland prend les choses en main et propose dans un premier temps de vider les dernières petites maison du fond de la propriété pour faire l’inventaire de tout ce qu’on y trouve avant de tout entreposer ailleurs. Ainsi, nous libérons de la place pour les futurs concierges de l’hospedaje.

Même s’il faut être derrière eux à tout moment, la plupart de collaborateurs de CENPRODIC se mettent à l’ouvrage. Seul un petit groupe d’irréductibles tire-au-flanc (les ingénieurs de Maras en premier) sont impossible à mobiliser. Quand il faut donner des ordres, il n’y a pas de problème, ils sont là. Mais lorsqu’il faut mettre la main à la pâte, c’est une autre paire de manches. Bien qu’on leur ait confié des tâches, ils ne décollent pas de l’endroit où se prépare le barbecue de midi. Comment n’ont-ils pas honte de se la couler douce pendant que les autres s’activent ?

La répartition des tâches s’est faite de façon tout à fait naturelle : les hommes dans les entrepôts et les femmes aux fourneaux. Enfin, sauf moi qui préfère porter meubles et matériaux de construction avec les hommes que de me cantonner à préparer le repas. Serait-ce par militantisme féministe ou par simple aversion pour la cuisine ? Probablement un peu des deux...

Pendant ce temps, bien au chaud (ou du moins au sec), Waël et Jimmy planchent sur le prototype de chauffage d’eau à énergie solaire. Les deux ont l’air de s’entendre comme larrons en foire. Au-delà du financement des projets de CENPRODIC, le centre de logement de Sta Ana a également pour vocation de favoriser les échanges entre les voyageurs, créer des synergies autour d’une même vision de solidarité Nord-Sud. Voir ainsi collaborer le Péruvien et le Français fait donc chaud au cœur. A ce niveau, nous sommes sur la bonne voie.


Vers midi, nous nous retrouvons tous près du feu du barbecue afin de nous sécher un peu. Guillermo s’improvise barman et sert à chacun un petit verre de Rhum Coca bien tassé. Lorsque certains se plaignent du mélange trop corsé, il répond qu’il nous faudra bien cela pour nous réchauffer. On installe ensuite une grande plaque métallique circulaire qui nous servira de grille de barbecue. La cuisson peut commencer. Au menu, saucisses, poulet, côtelettes de porc et pomme-de-terres. En notant l’absence de légumes, je ne peux m’empêcher de penser à Kamel qui se plaint déjà de nos barbecues belges ou du Nord de la France essentiellement carnivores. Ici, c’est encore l’échelon au-dessus. Mis à part cela, le repas est délicieux et bien arrosé. A voir se détériorer au fil des verres l’état de mes collègues, mes espoirs que l’on reprenne le travail pour s’attaquer au nettoyage du jardin s’évanouissent peu à peu.




Et je ne vaux pas mieux que les autres. Lorsque Waël nous amène quelques amis français, je n’en mène pas large. Je dois jouer les relations publiques, présenter notre travail et discuter d’éventuelles possibilités de volontariat pour certains d’entre eux. Pas facile, facile avec un petit verre dans le nez... Mais je crois que nos visiteurs sont indulgents et comprennent la situation. Et puis, eux aussi ont droit à une petite bière.

Waël et ses amis finissent par prendre congé de nous. Le temps de danser est arrivé. Et comme la gente féminine a peu de représentantes, nous sommes particulièrement sollicitées. Je suis invitée à danser par tous les membres fondateurs de l’ONG. De par le passé, mes collègues m’avaient demandé à plusieurs reprises mes critères en matière d’homme. Exaspérée par les maintes réitérations de la question, j’avais fini par répondre « vieux et friqué ». Me voyant donc danser avec tous ces hommes d’un âge certains, Erland et Goyo me lancent avec un clin d’œil complice « alors, Sophie, on prospecte... ».


Les petits vieux sont relativement indulgents avec ma maîtrise approximative du Huayno. Ils me laissent faire un peu n'importe quoi sans se permettre de commentaires. Il faut dire que dans la bande, Erland est le seul qui danse réellement bien. Et, pour me les avoir appris à la première semaine de mon arrivée, lui, sait que je connais les pas. Avec lui, pas question de me défiler et de me contenter de faire de la figuration. Il s’agit de respecter les règles de l’art. L’occasion de me rappeler à quel point cette danse est fatigante. Cela finit par m’achever...

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Jour 172

Le 22/12/11, 0:09

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Cet après-midi, nous nous rendons à nouveau à Cruzpata pour une seconde réunion concernant l’organisation de chantiers internationaux. Cette fois, l’assemblée a tout ce qui a de plus officiel et se fait en présence du président de la communauté, des trois présidents sectoriels et de l’alcalde menor. Chacun représente un niveau de pouvoir différent. En effet, le Pérou est divisé en 25 régions, elles-mêmes composées de provinces, formées par un ensemble de districts qui comptent plusieurs communautés qui, à leur tour et en fonction de leur importance, peuvent comprendre plusieurs secteurs. Dans le cas de Cruzpata, les présidents sectoriels sont à la tête de chacun des 3 secteurs de l’entité communautaire. Actuellement, la communauté dépend de Maras mais est en passe de devenir un district à part entière. Pour cette raison, elle compte déjà avec un alcalde menor, soit un alcalde subalterne qui dépend de celui de Maras. Il y a également un secrétaire qui prend note des « actas de sesión », soit des minutes officielles de la réunion qui apparaitront dans les registres de la communauté. C’est donc tout ce qui a de plus sérieux.

Pour moi, il s’agit de la première fois que j’assiste à une réunion de cette importance. C’est l’occasion de découvrir tout le protocole de mise pour ce genre d’évènement. Avant de prendre la parole pour la première fois, il est de rigueur de saluer personnellement chacun des participants en faisant référence à son titre. On s’adresse à Erland, par exemple, en tant que Licenciado. De temps à autre, nos interlocuteurs se trompent et mon chef devient alors Ingeniero voire Arquitecto. Ce n’est pas bien grave même si, connaissant l’opinion d’Erland sur les ingénieurs, cela ne doit pas le ravir. Moi, je reste Señorita Sophie. Cela me convient parfaitement et je me vois mal insister pour qu’on m’appelle Licenciada.

Malgré le froid qui s’est emparé de la salle de réunion spécialement aménagée dans la maison du président, les débats sont relativement productifs et nous parvenons à deux accords. L’un concerne directement les chantiers internationaux, l’autre la réalisation d’un ponton sur la lagune afin de promouvoir l’activité touristique à Cruzpata. La prochaine étape sera de demander audience à l’alcalde de Maras pour lui soumettre ce dernier projet et solliciter la participation financière de la municipalité, voire de la province d’Urubamba. Pour ce faire, nous nous donnons à nouveau rendez-vous lundi mais à Maras cette fois.

Je suis assez contente de la réunion car notre message est bien passé semble-t-il. Je crois que les différents participants ont bien compris ce qu’était un volontaire et qu’il n’était pas à confondre avec un touriste. Cet aspect pour moi est des plus importants car le bon déroulement du chantier en dépend grandement. Lundi, après notre rendez-vous de Maras, nous repasserons à la petite école du District de Chequere pour terminer de définir les travaux que réaliseront les volontaires durant ce premier chantier. Après de multiples prises de contact, je suis soulagée de voir qu’on avance enfin à ce niveau.

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Jour 169

Le 19/12/11, 0:12

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Le lever se fait vers 4h40 et surtout au pas de course. A peine assise dans la salle d’attente de la gare d’Aguas Calientes, j’apprends que mon train aura une heure de retard. Dans les faits, il en aura deux. Mon rendez-vous de 10h à Cusco semble compromis. Tant pis...

Il nous faut un temps infini pour parcourir les 50 km qui séparent Aguas Calientes d’Ollantaytambo, plus de 2h30. A la descente du train, je me fais presque emportée par la foule de porteurs. Ils n’ont pas une minute à perdre et n’hésitent pas à me pousser gentiment (ou pas) pour que je leur cède le passage.

Le temps de prendre deux combis, me voilà de retour à Cusco vers 13h30. Je suis morte. Après une petite sieste, je décide de plancher sur le « dossier réveillon de Noël » et pour cause, j’ai une réunion à ce propos avec Eduardo à 19h30. Réunion que j’expédie au plus vite pour rentrer me recoucher. Concentrée en permanence sur mon PC, ce soir, je n’ai peut-être pas été des plus sociables avec les volontaires et le visiteur bulgare d’Eduardo. Tant pis, aujourd’hui ma priorité est mon lit, pas ma vie sociale.

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Jour 168

Le 18/12/11, 22:21

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Le contraire aurait dû être étonnant... Je suis la seule capable de me lever comme prévu à 5h30. Comme j’ai finalement décidé de rester une nuit de plus pour profiter davantage du coin et pouvoir à mon tour sortir un peu, je ne suis finalement pas bien pressée et laisse une heure de répit à mes collègues.

Malgré cela, la petite bande reste difficile à faire sortir du lit et à faire bouger. Le temps de boucler les sacs, d’acheter les entrées et billets de train de chacun, de prendre un petit déjeuner au marché, il est plus de 10 heures quand nous montons enfin dans le bus qui doit nous mener au sommet de la montagne où se trouve le fameux Machu Picchu.


En raison d’un lendemain de veille difficile et d’une prise de tête au guichet de la gare, Erland est d’une humeur massacrante. Ce n’est pas bien de se réjouir du malheur des autres mais j’en profite pour prendre ma revanche de la veille : « Erland, tu râles ? ». D’un côté, je comprends son effroi. Voir comment Peru Rail, la compagnie ferroviaire qui exploite la ligne de Ollantaytambo a Aguas Caliente, traite les usagers locaux donne envie de crier au scandale. Les Péruviens ne peuvent pas se mélanger aux touristes. Au mieux, ils voyagent dans un autre wagon mais parfois carrément dans un autre train. Et ils ne peuvent prendre le train que deux à trois fois par jour tandis que les touristes en ont un presque toutes les heures. C’est dingue, on se croirait au temps de l’apartheid. Du point de vue des touristes, tout n’est pas rose non plus. Peru Rail et les autres pourvoyeurs de services touristiques tentent de leur « sucer le sang jusqu’à la dernière goutte ». Mine de rien, mon billet de train m’a couté neuf fois le prix de celui de mes collègues. Et encore, j’ai réussi à obtenir un des moins chers.

Fin prêts, nous attendons que le bus démarre. Du véhicule, nous apercevons José, un autre participant au projet TURURAL. L’un des benjamins du groupe. Il est venu en excursion avec le Club des Jeunes de sa communauté, Mahuaypampa. J’ai l’impression qu’il aurait préféré ne pas tomber sur nous. Je suppose qu’aux yeux des amis de son âge nous devons passer pour de vieux ringards. Nous n’insistons pas...

Le bus part enfin. Sur le chemin qui nous emmène à la Cité Perdue des Incas, je ne peux m’empêcher de me demander à quoi rime tout ce cirque. Dans un certain sens, j’ai l’impression d’être là sous une sorte de pression sociale et de n’être qu’un mouton de plus qui se plie au dictat de la visite obligatoire du Machu Picchu. J’espère qu’au moins cela en vaudra la peine. Mais au vue de tout ce matraquage touristique, je me dis que rien n’est moins sûr.

Sur place, j’ai la chance de faire la visite en compagnie de trois guides : Erland, Beatriz et Rolando. Goyo me fait remarquer que je dois être richissime pour bénéficier des services d’une telle équipe. Je me contente de répondre que vu la gueule de bois générale du groupe, il m’en faudra bien trois pour obtenir les résultats d’un seul frais et dispos. Et je ne me trompe pas. Au début, les explications sont plus que laborieuses. Beatriz se souvient vaguement que le site est divisé en deux parties, une agricole et une urbaine. A part cela, elle a tout oublié de ses cours. Merci Bea pour cette importante contribution...


Finalement, c’est Erland qui prend le relais et m’explique que le site était une citadelle imprenable destinée à défendre l’empire incas d’éventuelles attaques des peuplades rivales vivant dans la forêt amazonienne. Erland partage avec nous ses connaissances en matière de construction, d’organisation et de culture inca. Autant que faire se peut, il tente de donner la parole à Beatriz et Ronaldo dont le savoir en la matière semble assez vague. Bien sûre, ils ne sont encore qu’étudiants mais leur manque de maîtrise du sujet me laisse perplexe.

Malgré tout, le site est impressionnant. Peut-être pas exactement à la hauteur de tout le battage qu’on en fait mais remarquable quand même. En tout cas, Rolando qui, tout comme moi, visite l’endroit pour la première fois, mitraille avec son numérique. Et comme c’est un gentil garçon, il me propose à tout bout de champs de me prendre en photo avec mon propre appareil pour que j’aie quelques images immortalisant mon passage au cœur de ce qui est considéré comme une des sept merveilles du monde contemporain. Je pense n’avoir jamais eu autant de photos de ma petite personne sur ma carte mémoire...








Après la visite, nous décidons de regagner Aguas Caliente en empruntant le sentier réservé aux piétons. Il nous faut 45 minutes pour descendre cet escalier de pierre aux marches peu régulières. Je crois que cela finit d’achever mes collègues qui sentent de plus en plus les effets des excès de la veille. Il leur reste 5 heures à patienter avant de prendre leur train et semblent tous décidés à comater pendant ce temps. Mais moi, je ne suis pas vraiment de cet avis. Hors de question de zoner toute l’après-midi dans une chambre d’hôtel. Je pars me balader puis profiter du soleil et écrire mon carnet de voyage sur la petite place du village où trône un intéressant « sapin-crèche » fait de bouteilles de plastique vert, probablement de récupération.









José Luis est également de passage à Aguas Caliente avec un groupe de touristes. Nous passerons donc la soirée ensemble. Le petit guide francophone est toujours d’aussi agréable compagnie et a des verres à l’œil dans les bars qu’il recommande à ses clients. Que demander de plus ?

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Jour 167

Le 17/12/11, 22:37

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Au lever, j’ai une méga tête dans le c... Il n’y a pas d’autres mots pour exprimer à quel point le manque de sommeil me rend presque inerte et ronchon. Le pire de tout est qu’au final, j’aurais pu dormir quelques heures de plus car nous devons attendre Goyo qui rentre de Puno. Au lieu de partir à 6 heures comme prévu, il est en plus de 9 lorsque nous quittons Ollanta. Qu’est-ce que j’aurais donné pour une ou deux heures supplémentaires de sommeil, surtout en sachant la journée qui nous attend... Et pas même le chocolat chaud de la maman de Goyo n’arrive à me réconforter. Ni encore moins les questions à répétition d’Erland qui interprète mon mutisme matinal pour de la râlerie :
- « Tu râles ? »
- « Non... »
- « Tu râles ? »
- « Non... »
- « Tu râles ? »
- « Maintenant, oui, je râle. Erland tu m’énerves !!! ».

Il est presque 10 heures lorsque nous commençons enfin notre randonnée au niveau du kilometro 82. Comme Beatriz nous a également rejoints, nous sommes cinq à nous lancer dans l’aventure. L’idée est de suivre le chemin de fer en empruntant des sentiers parallèles. Dans un premier temps, la solution semble plus que satisfaisante. Ces petits chemins permettent de profiter des mêmes magnifiques paysages que les usagers du train tout en marchant à l’abri de tout danger et en profitant de petits sites archéologiques récemment mis en valeur par le ministère de la culture.


On remarque bien que nous nous situons environ mille mètres plus bas que Cusco. La chaleur ici se fait plus moite, la nature plus luxuriante, les fleurs plus nombreuses.





Evidemment, le chemin est un peu plus vallonné que la voie ferrée. Nous grimpons jusqu’à 50 mètres au-dessus de celle-ci pour mieux redescendre et ainsi de suite. La route est jalonnée de petits ponts de bois, de barrières à bétail aux ingénieuses charnières faites en semelles de chaussures usagées. Astucieux système D. Le tout donne encore plus de charme à la ballade.




Sur le trajet, nous croisons quelques porteurs du «camino inca ». Presque au pas de course, ils avancent l’échine courbée sous le poids d’énormes sacs presque plus grands qu’eux. Pauvres bêtes de somme humaines. Malgré cela, ils te saluent tous par un cordial « Buenos días ».

Bien entendu, de temps à autres, nous devons traverser la voie ferrée, voire même y marcher pour une à deux centaines de mètres mais c’est un moindre mal. Cependant, au bout de dix kilomètres, les petits chemins qui m’avaient jusque-là tant ravie disparaissent. Dans un premier temps, nous marchons sur un sentier qui longe les rails à une distance raisonnable. Mais peu à peu, ce sentier disparait à son tour. Réaliser que les vingt kilomètres restant se feront sur le chemin de fer réduit à néant le peu d’entrain que j’avais récupéré. Premièrement, ce genre de marche est ennuyante et éprouvante. Dès le matin, j’avais senti les effets secondaires des efforts de la veille et cela va de mal en pis. J’ai la plante des pieds en feu et un début d’ampoule à hauteur du coup de pied. Et puis le but de cette expédition n’était-il pas d’ouvrir une nouvelle route à commercialiser ? Honnêtement, je pense qu’aucun touriste ne paierait une agence pour qu’elle l’emmène ici.

Il faudra retenter notre chance en passant par les hauteurs. Cela signifie donc qu’il faudra sûrement revenir. Ce qui va être compliqué en raison des restrictions budgétaires qui nous sont imposées. Avant de partir, nous avions une obligation de résultats et il faut admettre qu’à ce stade, notre succès est mitigé. Il va probablement falloir renégocier ferme avec Aurelio...

Plus le temps passe, plus le moral de troupes baisse. La marche est vraiment épuisante et il est presque 19h lorsque nous arrivons enfin à notre destination, Aguas Caliente.


Petite communauté rurale sans histoire, au fil des ans, Aguas Caliente s’est développée pour devenir aujourd’hui cet étrange de point de modernité au milieu de nulle part. Ses rues pavées, ses cafés branchés me donnent vraiment une drôle d’impression. Il faut dire qu’avec l’essor du Machu Picchu, la bourgade s’est convertie en l’une des destinations les plus visités du Pérou.

Nous nous rendons dans un hôtel bon marché connu par Erland. La chambre ne paie pas de mine mais il y a l’essentiel : un lit, des draps propres et de l’eau chaude.

Comme nous nous sommes exclusivement nourris de fruits sur le trajet, nos ventres crient tous famine. Nous partons en quête de quoi nous rassasier et échouons dans une pollería. Une fois repus, Erland nous convoque tous à une réunion de la plus haute importance pour définir le programme de la soirée. Tous veulent sortir. Tous, sauf moi. Je suis crevée et je veux être en forme pour la visite du lendemain. Non sans mal, j’arrive à prendre congé de mes camarades pour me reposer un peu. Pourtant, j’ai du mal à fermer l’œil. L’insonorisation de l’hôtel laisse à désirer. Entre la musique du restaurant d’en bas et la clique qui fait la fête dans la chambre d’à côté, je peine à trouver le sommeil.

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Jour 166

Le 16/12/11, 22:14

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Aujourd’hui est le premier jour de notre grande expédition de Cusco à Machu Picchu, ou Mapi comme disent les pros ici (et puisque je suis en passe de devenir pro, moi aussi, je dis Mapi même si Goyo me reproche mon manque de respect envers le patrimoine inca...). En effet, nous avons fait le pari un peu fou d’ouvrir une nouvelle route alternative à destination de la Cité Perdue des Incas. Celle-ci aurait l’originalité d’être la seule à partir directement de Cusco tout en étant économiquement plus accessible et, surtout, tout en passant par la zone où se développe notre projet. Sur le papier, la chose est faisable. Il ne reste plus qu’à vérifier sur le terrain.

C’est la raison pour laquelle, Erland, Rolando (un de nos participants de la communauté de Senca) et moi sommes ce matin dans un combi à destination de Cruzpata. En effet, nous faisons l’impasse sur le tronçon Cusco-Cruzpata qu’à présent nous connaissons presque par cœur car notre objectif du jour est déjà particulièrement ambitieux : relier en un jour Cruzpata et le kilometro 82, soit le 82e km de la voie ferrée qui va de Cusco au Machu Picchu. Cela revient à marcher en un jour ce que nous proposerons à nos touristes de faire en deux. Autant dire que nous n’avons pas une minute à perdre.

La première partie du trajet se passe relativement bien. Nous marchons à un bon rythme et, après un passage par Mahuaypampa et Moray, nous arrivons à Kallcayraccay vers 12h30 pour un pique-nique bien mérité. La maman de Rolando a pensé à nous. Au menu, riz, œufs et frites, un grand classique ici.

Nous ne tardons guère et prenons la direction de notre prochaine étape, Ollantaytambo. Nous empruntons un charmant petit sentier qui nous fait sillonner le long des crêtes montagneuses. Par endroits, cependant, le passage a été coupé par de la terre et des gravats en raison de petits glissements de terrain. Il faut donc se lancer sur ce qui ne ressemble plus vraiment à un chemin et ce, à quelques centimètres à peine du précipice. Tout ce que je déteste... Mais nous pouvons difficilement rebrousser chemin. Quand il faut y aller, il faut y aller...




Je me fais la même réflexion lorsque nous rencontrons deux taureaux à l’air peu affable et aux cornes acérées. Nous tentons de les croiser au plus vite mais les deux bestiaux ne semblent pas enclins à nous simplifier la vie. Au lieu de poursuivre leur route, ils font demi-tour pour nous ouvrir le chemin. Nous marchons ainsi plus d’un kilomètre derrière les deux animaux. A ce rythme-là, nous arriverons à Ollanta non pas à trois mais à cinq. Il est grand temps de sortir notre Joker, Rolando qui est clairement plus habitué qu’Erland et moi à faire paitre le bétail. Par un petit subterfuge, il parvient à nous faire fausser compagnie à nos nouveaux camarades.



Cette petite mésaventure nous a fait perdre pendant quelques instants la notion du temps mais mine de rien, cela fait un bon moment que nous marchons. Bien évidemment, les sinueux chemins de montagnes sont rarement les plus directs mais il serait maintenant grand temps que nous amorcions notre descente vers le Valle Sagrado. Après une demi-heure de marche supplémentaire, nous nous rendons à l’évidence : le chemin que nous avons choisi se contente de contourner le sommet. Il va donc falloir improviser...

Le plus prudemment possible, nous descendons à flanc de montagne. Sous nos pieds, la terre rougeâtre à l’aspect plutôt molasse a un côté plutôt rassurant. Si nous tombons, nous ne devrions pas nous faire bien mal. Mais il faut rester vigilant car ce ne sont rien de moins que 700 mètres de dénivelé qui nous attendent. C’est tout sauf une promenade de santé et nous ne sommes pas à l’abri d’un pépin ou l’autre. Surtout quand la pluie et le vent décident de s’en mêler comme c’est le cas aujourd’hui.

A mi-chemin, je connais ma première déconvenue. Je marche sur une énorme épine qui transperce la semelle de ma chaussure. Je serre les dents et n’en dis rien aux garçons. Notre situation me semble déjà assez critique comme cela. Pas besoin d’en rajouter. Même si cela fait un mal de chien... 10 mètres plus loin, je me prends les pieds dans un trou et m’étale de tout mon long. Je ne plaints toujours pas, mais il est grand temps que je me reprenne si je veux rentrer en un seul morceau.

Notre ambitieux objectif du kilometro 82, semble à présent encore plus inaccessible. Nous n’irons probablement pas plus loin qu’Ollanta. Nous reprenons un peu confiance en voyant que nous parvenons peu à peu à rejoindre le fond de la vallée mais mieux vaut ne pas se réjouir trop vite : en dessous de nous, les énormes pilonnes électriques semblent encore tout petits.

Après une bonne heure et demie, nous finissons par « toucher terre », non sans déception. En effet, la seule façon de descendre était en allant vers Urubamba, soit en repartant vers l’arrière. Lorsque je vois apparaitre la Curba del Diablo, un virage sur la route entre Urubamba et Ollanta tristement célèbre pour ses nombreux accidents, je déchante complètement. D’en haut, j’avais déjà repéré cet endroit trois heures auparavant. Retour à la case départ... Autant dire que nous avons donc marché trois heures pour rien... Et nous sommes maintenant épuisés. Erland veut prendre un taxi pour parcourir les derniers kilomètres jusqu’à Ollanta. Moi qui, en général, mets tout en œuvre pour atteindre mes objectifs, j’ai du mal à me résigner à cette décision qui a pour moi le goût amer de l’échec. Pourtant Erland a probablement raison. La route de demain est encore longue. Pas besoin de se fatiguer inutilement.

Ce qui me tracasse surtout est que, si la distance était aujourd’hui un obstacle de taille, la définition de l’itinéraire n’aurait pas dû en être un, surtout en comparaison avec ce qui nous attend le lendemain...

Lorsque nous arrivons à Ollanta, où nous devions de toute façon passer la nuit, nous trouvons porte close. Goyo a dû partir à Puno et sa maman est allée travailler au champ. Nous décidons donc d’aller manger un bout en attendant. C’est l’occasion pour moi de me rendre compte à quel point Ollanta est « touchée » par le tourisme : il n’y a pas un seul restaurant pour les locaux et les prix sont exorbitants. Quand on sait à quel point les Péruviens ont l’habitude de sortir pour manger, on se demande vraiment comment font les gens ici.

Lorsque nous rentrons, nous sommes accueillis par la maman de Goyo qui nous annonce que le repas sera servi dans une heure. Le regard effrayé de Rolando me fait sourire. Dans les communautés, il n’est pas rare qu’on nous serve à manger presque de force. Le village de Rolando ne fait pas exception à la règle. C’est donc un peu l’arroseur arrosé. Il va comprendre ce que c’est que d’avoir à faire deux repas complets en une heure.

Mais avant cela, une petite sieste s’impose... Je partage ma chambre avec Nelly, une Liméenne de passage dans la région pour venir en apprendre un peu plus sur le tourisme rural à Cusco. Elle veut s’inspirer de l’expérience cusquénienne pour mettre en œuvre un projet de ce type sur la côte. A ce titre, elle était venue nous faire un petit coucou à notre formation en housekeeping la semaine précédente. Nelly est sympa mais un peu trop grande gueule à mon goût. Et puis elle parle sans arrêt. Ses questions m’assomment, moi qui n’ai qu’une seule envie : dormir...

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Jour 165

Le 15/12/11, 0:40

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Cet après-midi, nous avons rendez-vous à Cruzpata pour discuter avec le président de la possibilité d’organiser un chantier international dans sa communauté.

Mais avant cela, nous devons d’abord remplir une mission que nous avons repoussée depuis trop longtemps déjà : aller apporter les photos de notre passage à Huila Huila à la famille qui nous avait abrités pendant notre glaciale première randonnée VTT. Apparemment, cela fait longtemps qu’elle attendait les fameuses images... Une fois notre devoir accompli, nous nous rendons à Cruzpata.

En route, nous tombons sur un accident. Encore un... Cette fois il s’agit d’un camion de bière qui a raté un virage et a déversé son chargement dans la nature. Tout le monde s’affaire autour de la carcasse du véhicule. Quelques bonnes âmes ramassent les débris, les autres profitent de l’aubaine...

Arrivés chez le président nous trouvons porte close. Il est hors de question d’avoir fait tout ce chemin pour rien. Dès lors, nous partons à sa recherche et finissons par le débusquer dans un petit magasin. Dans les communautés, les petits établissements commerciaux tiennent souvent lieu également de bar. Nous ne nous faisons donc guère d’illusion sur l’état de sobriété de notre homme. Et lorsque que je le vois débouler vers nous, je me dis qu’en effet l’intuition était bonne. Cela n’augure rien de bon pour la discussion qui doit avoir lieu. Mais Beatriz me rassure : « non, ça, c’est son état normal ». A bon ? Je dois avoir affaire au Michel Dardenne local...

Nous nous rendons à divers points de la communauté pour vérifier sur place les différents types de travaux que nous propose le président, notamment la conversion d’un immense entrepôt en salon communal, la remise en état d’une sorte de petit restaurant sur les rives de la laguna de Huyapo (structure construite initialement par CENPRODIC dans le cadre d’un ancien projet. Celle-ci avait été remise à la communauté à la fin du programme puis avait été complétement laissée à l’abandon par les habitants), la construction d’un ponton sur la lagune, des travaux d’aménagement de la petite école de Chequere. A l’issue de cette visite,non sans organiser une nouvelle réunion en présence de toutes les entités décisionnelles de la communauté, nous prenons congé du président.

Après un « obligatoire » repas chez la Señora Rosa pendant lequel nous continuons de peaufiner les détails du chantier international, nous nous rendons chez un paco, une sorte de prêtre habilité à faire des dons à la pacha Mama. En effet, nous avons reçu un message de potentiels clients qui souhaitent faire du « tourisme mystique ». Nous devons donc trouver quelqu’un qui puisse nous aider à satisfaire cette demande.

Lorsque nous rentrons à Cusco, il est déjà 20h30 mais le travail est encore loin d’être terminé. Erland et moi devons encore plancher sur la rédaction de textes pour notre nouvelle page web. Ensuite, je dois me rendre chez Eduardo pour organiser le réveillon de Noël. Autant dire que je ne suis pas encore couchée. Et dire que demain je me lève à 5h du mat pour partir en randonnée...

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Jour161

Le 11/12/11, 22:02

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Comme aujourd’hui notre atelier pratique a lieu à Urubamba, nous avons loué pour l’occasion un minibus pour emmener tous notre petit monde sur place. Le « ramassage » prend bien plus de temps que prévu car, bien évidemment, il faut attendre les retardataires.

En route, nous croisons de nombreux groupes folkloriques. Quelque chose d’important se prépare à Cusco... Le pèlerinage annuel au sanctuaire du Señor de Qollyoriti vient d’être reconnu par l’Unesco patrimoine immatériel de l’humanité. Pour cette raison, tous les « pablitos » des différentes « Naciones », un genre de fraternités liées à ce culte, sont de sortie. Les « pablitos » sont considérés comme les intermédiaires entre le Señor de Qoylloriti et les hommes. Ce sont eux qui maintiennent la discipline durant le pèlerinage qui rassemble chaque année plus de 10000 personnes. Ils sont particulièrement reconnaissables à leur costume d’ours et leur cagoule. Aujourd’hui, tous affluent des quatre coins de la province de Cusco pour venir défiler en ville et participer à une bénédiction qui ouvrira une année de festivités sans précédent. A voir passer tous les camions qui emmènent les différents groupes, je regrette quelque peu de ne pas pouvoir assister à l’évènement.

Mais, au bout de quelques kilomètres, j’oublie vite ma déception pour un dur retour à la réalité assez choquant. A la sortie de Cachimayo un bus est dans le fossé et un corps gît sous une couverture à même l’asphalte. Les pantoufles de la victime qui ont atterri à quelques mètres du corps témoignent de la violence du choc. Il y a de grandes chances que le chauffeur du bus se soit endormi au volant. En raison de l’irrespect total des régulations en matière de temps de travail chez les conducteurs de transports, cela est monnaie courante ici.

Lorsque nous arrivons à Urubamba vers 10h30, il est plus que temps de se mettre au travail. Mabel explique aux participants comment nettoyer les différentes chambres mises à disposition pour le module de formation. Première étape, l’équipement de chacun. Gants, masque et charlotte obligatoires. Nous avons plus l’air d’étudiants en médecine que d’apprentis femme de ménage... Au moins, cette petite séance de déguisement met de la bonne humeur dans le groupe avant de s’atteler à la tâche, qui, personnellement, me semble particulièrement ingrate. Il est clair que les chambres n’ont pas vu torchons et serpillères depuis longtemps...





Vers 13h, c’est l’heure de « papas rellenas » bien méritées. Mais le travail n’est pas pour autant terminé pour nos bénéficiaires. Nous ne leur laissons pas une minute de répit puisque nous profitons de l’heure de table pour leur faire répondre à un questionnaire conçu par Waël afin d’identifier leurs besoins en eau chaude pour réaliser par la suite un prototype de système de chauffage de l’eau par énergie solaire.

La classe reprend pour aborder un point crucial : comment faire un lit. Et elle se termine par le pliage des serviettes des invités. La Señora Brigida est particulièrement douée à ce niveau. Sourire aux lèvres, elle m’explique qu’elle doit recevoir des membres de sa famille le mois prochain et qu’elle compte bien mettre en pratique ce dernier apprentissage pour leur en mettre plein la vue...


Nous nous réunissons ensuite avec tous les élèves pour régler quelques points pratiques concernant les prochains cours. C’est à ce moment que Beatriz prend la parole pour demander l’avis de ses « camarades de classe ». En effet, suite à la pasantía, elle a pris l’initiative d’écrire une lettre de remerciement à l’attention d’Aurelio et elle voudrait que tous les bénéficiaires la signent. Elle nous lit donc à haute voix la missive. A la fin de la lecture, tous acceptent d’apposer leur signature au bas du document. Certains semblent d’ailleurs un peu émus par le texte rédigé par Beatriz, et parmi eux, je suis probablement la plus touchée. Même si la lettre ne m’est pas directement adressée, c’est pour moi le plus beau des compliments que les bénéficiaires pouvaient me faire, la récompense ultime après avoir travaillé d’arrache-pied pendant ces cinq derniers mois.

Après toutes ces émotions, un peu de divertissement s’impose. Et c’est une partie effrénée de football qui s’improvise dans une ambiance bon enfant. Il y a-t-il meilleure façon de clôturer notre dernier cours de l’année ? Non, enfin presque... Après le match, certains réclament une petite chicha. Comment refuser ? Sur le chemin du retour, nous faisons donc une halte pour déguster une frutillada, de la chicha mélangée avec un peu de fraises. C’est la première que goûte Waël. Sa réaction est à peu près celle de ma première dégustation. Il ne semble guère convaincu par le breuvage. Mais nous faisons tous deux bonne figure, le verre nous a été offert de tellement bon cœur...

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Jour 160

Le 10/12/11, 19:41

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Ce matin, Erland et moi nous rendons au centre-ville pour acheter le matériel nécessaire à l’atelier Housekeeping du lendemain. Il nous faut tout le nécessaire de la petite femme de ménage...

Je ne connais guère les samedis cusquéniens puisqu’en général, nous organisons les formations ce jour-là. Mais quelque chose me dit que celui-ci est un peu plus animé que les autres. Même si c’est en bien moindre mesure qu’en Europe, la frénésie des achats de Noël s’empare également de la capitale inca. Peu à peu, cette ambiance si caractéristique de préparatifs de fêtes s’insinue dans les rues. Les décorations commencent à faire leur apparition. La Plaza des Armas s’est couverte d’enseignes lumineuses représentant tantôt un âne, tantôt un chameau, en référence à la crèche et aux rois mages.

Un petit détail attire mon attention : si comme presque partout ailleurs, Noël se réfère avant tout à la famille et à la foi catholique, ici, bien souvent il signifie aussi Coca-Cola. La plupart des décorations dans les rues sont à l’effigie de la marque. L’arbre de Noël aux boules rouges et blanches qui trône sur la place Espinar en est un bon exemple. Mais le géant américain du Soda n’est évidemment pas la seule entreprise à profiter de cette ambiance propice aux dépenses. L’opérateur téléphonique Claro, qui ne sait probablement plus quoi inventer pour se faire remarquer, a posté devant ses magasins des pères Noël musiciens qui jouent des airs andins. Drôle de mélange... Après le syncrétisme religieux, le commercial ?





Cela fait un petit bout de temps que je ne suis plus sortie le samedi soir en raison du boulot qui empiète pas mal sur mon temps libre ces dernières semaines. Mais ce soir, j’ai promis aux filles d’aller écumer avec elles les pistes de danse. Une promesse est une promesse et ce n’est pas mon genre de faillir à ma parole. La soirée commence crescendo. D’abord un petit café chez Bondiet pour faire connaissance avec Peter, un ami de Francesca, puis, le dorénavant traditionnel concert de salsa du samedi soir à The Muse qui nous donne l’occasion d’observer un groupe de bricheros en pleine parade amoureuse. Fiers comme des pans, tous nous font la démonstration de leurs talents de salseros. Mais le plus intéressant est d’analyser leurs techniques d’approche. Le nombre de tactiques qu’ils ont développées pour se frotter ou se coller au petites gringas qui s’aventurent dans leurs parages me laisse pantoise. Quelle ingéniosité...

Nous terminons ensuite la soirée à la discothèque « The mythology ». A trois heures du matin, je n’ai pas vraiment envie de partir mais il le faut. Dans un peu plus de quatre heures, il faudra être fraîche et dispose pour une nouvelle journée de formation.

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Jour 158

Le 08/12/11, 21:02

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Ce matin, nous sommes au départ de notre troisième ascension du Huaynacorcor. L’expédition part cette fois de Senca. Je m’attends à marcher en compagnie de Rolando, du président et l’un ou l’autre représentant de la communauté et à avoir, comme d’habitude, à m’adapter aux pas des hommes. Quel n’est pas mon étonnement de voir que Rolando n’est en fait accompagné que de trois dames, les participantes à notre programme de formation.

A l’étonnement s’ajoute une certaine anxiété lorsque je me rends compte de l’équipement de fortune de nos compagnes de voyage. Deux sur les trois sont chaussées des traditionnelles sandales en caoutchouc si répandues dans les communautés rurales. A défaut de sac à dos, chacune a emporté un de ces cabas multicolores qui fait partie de la panoplie de toute paysanne andine qui se respecte. Et puis, la Señora Marcelina n’est pas venue seule, elle porte sur son dos, sa « Wawa », sa petite fille d’un an à peine. Erland veut me rassurer en me disant qu’il n’y aura aucun problème. Selon lui, les dames sont habituées à marcher ainsi. Notre drôle d’équipée se met donc en route.




Mais il n’y a rien à faire, je ne suis pas tranquille. Le ciel est menaçant et je ne vois pas d’un bon œil d’aller s’exposer à tous vents là-haut avec un enfant en bas âge. Sans parler du fait que la montée doit être épuisante pour la Señora Marcelina. Pour chasser les sombres nuages qui s’accumulent au-dessus de nos têtes, de temps à autres, cette dernière souffle en l’air. Aussi dérisoire que cela puisse sembler, cette méthode marche pourtant bien car nous passons entre les gouttes et arrivons à destination secs et saufs.


Et nous ne sommes pas montés pour rien car tout au long du parcours, nous avons pu observer diverses possibilités d’activités à mettre en œuvre par la communauté. Et puis, la récompense d’un bon petit moté à quelque 4300 mètres d’altitude vaut bien nos quelques efforts.


La descente pour une fois est relativement douce et se fait au son du rire communicatif de la Señora Marcelina qui semble être satisfaite de son exploit de la journée.
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Jour 157

Le 07/12/11, 18:48

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Ce matin, Cusco est plongé dans le chaos. Depuis deux jours, les étudiants bloquent l’Avenida de la Cultura pour contester l’augmentation du prix des trajets en combi, ces minibus destinés au transport urbain. En effet, le ticket vient de passer de 0.60 à 0.70 centimes. La veille, les jeunes ont manifesté pacifiquement et la protestation est passée presque inaperçue. Comme il semblerait qu’au Pérou on n’obtient rien sans violence, ils ont décidé ce matin de donner à l’artère principale de la ville des airs de champs de bataille. Les actes de vandalisme se multiplient et certains n’hésitent pas à attaquer à coup de pierres les rares bus qui ont osé s’aventurer dans la zone.

A cela s’ajoute une panne générale de l’Internet. Tu parles d’une journée!

Et pourtant, il y a une lueur au bout du tunnel... C’est bien la première fois que cela arrive : aujourd’hui, Erland et moi travaillons sur un truc prise de tête sans nous engueuler une seule fois. On pourrait même dire que ce fut une collaboration efficace où chacun mit ses points forts au service de l’autre. Mais que nous arrive-t-il ?

Ce soir, après une réunion avec Aurelio, nous passons au tout nouveau restaurant de Marco et Mili, un établissement lounge à la carte plutôt branchée. Dans l’assiette, par contre, les promesses ne sont pas tenues. La salade de pâtes que j’ai commandée me laissera peut-être un souvenir inoubliable mais dans le mauvais sens du terme. Vite un coca pour faire passer le goût...

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Jour 156

Le 06/12/11, 18:37

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J’arrive encore à peine à croire ce que je suis en train de faire. Pourtant, ce matin, je suis bien en route pour Tipón pour aller consulter « una bruja », une sorcière. Honnêtement, il me semble avoir bien autre chose à faire que de perdre mon temps à ces bêtises mais mes collègues ont insisté pour que je les y accompagne. Ils pensent que la diseuse de bonne aventure pourra nous dire si les augures concernant CENPRODIC sont bons ou pas.

Je ne suis déjà guère convaincue du bien-fondé de ma présence mais en plus, une fois sur place, il faut prendre son mal en patience... A notre arrivée, il y a déjà une longue file d’attente devant la maison de la voyante.

C’est enfin notre tour. On nous fait pénétrer dans une pièce peu éclairée uniquement meublée d’une table et de quelques chaises. Au mur, est affiché un nombre impressionnant de diplômes et certificats. On se croirait dans le cabinet d’un médecin...

Pour lire l’avenir et résoudre les mystères qui lui sont soumis, la médium utilise des feuilles de coca qu’elle déverse sur un tissu spécial. Elle interprète alors la façon dont celles-ci tombent sur l’étoffe. Elle y voit un avenir serein pour CENPRODIC. Selon elles, les résultats de notre projet ne seront pas mirobolants mais tout de même positifs. C’est déjà ça...

Après cette première lecture, la Señora Rosa demande à la dame de s’occuper de son cas. Une fois la consultation terminée, je cède finalement à la curiosité et demande moi aussi qu’on me lise mon avenir. Le seul petit souci est que comme la cérémonie se fait essentiellement en Quechua, j’ai besoin de mes collègues pour jouer les interprètes. Ainsi, je me vois mal poser des questions trop personnelles. Et puisque que je ne sais pas trop quoi demander, Erland se mêle de poser les questions à ma place. Ce genre d’initiative a le don de m’énerver et je le lui fais bien sentir... Au final, je ne suis toujours pas convaincue par ce genre de science occulte. La plupart des choses que me dit la dame sont très vagues et sujettes à diverses interprétations. La seule information qui ne semble pas prêter à confusion est qu’apparemment, je vais devenir très riche. Ah bon ? Ce n’est pourtant guère compatible avec mon nouveau plan de carrière...

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Jour 155

Le 05/12/11, 18:30

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Ça y est, je l’ai enfin fait. Cela fait des semaines que je veux reprendre la course à pied sans y parvenir. A chaque fois, je trouve une bonne excuse pour reporter le moment fatidique où je rechausse mes baskets. Il faut dire que je redoute un peu le moment. Cela fait plus de six mois que je n’ai pas couru et se remettre en condition à plus de 3000 mètres d’altitude n’est probablement pas choisir la facilité. Mais aujourd’hui, je suis plus que déterminée à m’y remettre. D’autant plus que reprendre le sport devient urgent. D’ici peu, je n’arriverai plus à fermer mes pantalons. Ah... les bienfaits de la cuisine péruvienne...

J’arrive sur la piste d’athlétisme du « coliseo deportivo » vers 18h, soit juste à l’heure de la fermeture. Cela commence bien... Qu’à cela ne tienne, je tente ma chance quand même on verra bien si je me fais jeter ou pas. Et j’ai eu plutôt bonne intuition. Peu à peu, les derniers sportifs se retirent pour me laisser la piste à moi toute seule. L’éclairage laisse un peu à désirer mais un gardien veille sur moi de loin. J’ai décidé de commencer en douceur avec un tout petit objectif de 6 km (je dois aller marcher jeudi, je ne peux pas me permettre d’être sur les rotules pour le restant de la semaine). Je suis contente d’atteindre mon but mais déchante un peu en me rendant compte en quel temps exécrable... Pour compenser, je décide donc de rentrer à pied. Dans un premier temps, tout va bien mais peu à peu je me rends compte que j’ai présumé de mes forces. Comme je suis têtue, il est hors de question que je prenne un taxi pour rentrer. Mais dans quel état j’arrive à la maison ! Ce sont là les joies du sport...

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Jour 154

Le 04/12/11, 18:25

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Ce matin, j’ai rendez-vous sur Skype avec la Belgique. Puisque mes neveux ont été sages comme des images (ou presque), St Nicolas ne les a pas oubliés cette année encore. La Saint Nicolas est l’une de mes fêtes préférées, je n’aurai donc raté cela pour rien au monde.

Et d’ailleurs, le Saint patron ne m’a pas oubliée non plus et m’a gâtée avec un visiteur surprise, Waël. En fait, nous avions été en contact quelques semaines auparavant. Mais entre-temps, il m’était un peu sorti de l’esprit. Quel n’est donc pas mon étonnement de recevoir un appel de sa part qui m’annonce qu’il est sur la Plaza de Armas et qu’il arrive dans 5 minutes. Panique à bord... Heureusement, il y a une chambre de prête pour lui.

Moi qui pensais me la couler douce, je crois que cette journée ne va pas encore être de tout repos. Il va probablement falloir jouer le guide aujourd’hui... Comme Waël semble souffrir du mal de l’altitude, je lui sers immédiatement un maté de coca. J’en profite pour lui présenter un peu notre travail. Au cours de la discussion, je me rends compte qu’il semble très enthousiaste à l’idée d’éventuellement nous donner un coup de main. Il sera donc notre tout premier volontaire et si son activité est tout ce qui a de plus improvisé, elle n’en sera pas pour autant moins utile. En effet, Waël a des compétences qui pourraient s’avérer particulièrement pertinentes dans le cadre du projet TURURAL. Il est spécialiste en énergies renouvelables et se propose de faire un diagnostic des habitations de nos bénéficiaires. Nous qui sommes en train de nous demander comment nous allions mettre en œuvre l’amélioration des maisons des participants au programme... Cela ne pouvait pas mieux tomber...

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jour 153

Le 03/12/11, 18:26

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Ce samedi, après les écoliers de la région de Maras, c’est aux bénéficiaires du projet TURURAL d’aller faire un petit tour au vivier de CENPRODIC. Aussi attentivement que leurs prédécesseurs en culottes courtes, ils écoutent sans en perdre une miette les instructions de l’Ingeniero Venero (surnommé depuis peu Veneno (venin, poison) par tous ses collègues à cause du lapsus d’une petite gringa qui ne parvenait pas à retenir son nom, oups...).



Le retour de Maras se fait pour moi à la péruvienne, c’est-à-dire dans la benne du 4X4 en compagnie des bénéficiaires. Et oui, d’habitude, on me réserve toujours la place du convoyeur qui, malgré être la « place du mort », est avant tout la plus confortable. Mais comme l’Ingeniero Venero s’est imposé pour le voyage retour, il faut bien que quelqu’un se dévoue pour aller dans la benne. Je me vois mal demander cela à Maribel, notre consultante en housekeeping, et encore moins aux deux mamans avec leurs bébés en bas âge. Il ne reste donc plus que moi et, même si ma présence à l’arrière du camion a l’air d’en préoccuper plus d’un, je suis contente de montrer que « la princesse européenne » n’a pas nécessairement besoin de tous les égards avec lesquels on la traite généralement ici. Je ne suis quand même pas en sucre. Ce petit voyage ne va pas me tuer. Et puis, je n’ai pas à me plaindre, aujourd’hui, il ne fait pas froid. De plus, admirer le paysage à l’air libre et cheveux au vent est encore plus époustouflant que de l’habitacle.

Evidemment, le confort n’est pas optimal. Par moment, nous sommes tellement secoués que je manque d’en perdre mes lunettes. Sans parler du passage de nombreux dos d’ânes lors de la traversée de localités. Mais ce qui me tracasse le plus, c’est le passage du contrôle de police hebdomadaire à Poroy. Il y a des agents postés à cet endroit stratégique presque tous les samedis. Et chaque semaine, c’est la même rengaine : nous nous faisons arrêter et le policier nous avise qu’il est strictement interdit de transporter des personnes dans la benne du 4X4 (même si absolument tout le monde le fait ici). S’ensuit une longue négociation pendant laquelle Erland explique que nous sommes une ONG et que nous œuvrons pour les populations locales... Jusqu’à présent, nous avons toujours réussi à nous en tirer à bon compte. Jusqu’au jour où on tombera sur un agent encore plus con que les autres... Oui, oui, j’ai bien dit « encore plus cons que les autres ». Progressivement, mes collègues commencent à me contaminer avec leur aversion pour les forces de l'ordre. Moi aussi je commence à penser qu’au mieux les flics ici sont incapables au pire corrompus. Peu à peu, je deviens complétement « réac » sur ce point. Va falloir que je surveille cela car à ce rythme-là, dans quelques mois, je fais des tags « fuck la police » un peu partout.

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Jours 151 et 152

Le 01/12/11, 18:05

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Une fois de plus, je me sens dans la peau d’une business woman. J’ai passé ces deux derniers jours à assister à des « repas d’affaire ». Jeudi soir, Erland et moi avons rencontré Eduardo pour discuter avec lui d’une éventuelle promotion commune de nos deux associations. En effet, Cooperarperu travaille le tourisme solidaire au Parque Manu et nous le tourisme alternatif à Cusco. Ce sont des activités relativement similaires mais pas concurrentes en raison de leur distance géographie. Pourquoi ne pas réaliser un catalogue commun qui reprendrait nos activités et les leurs ?

Pour le vendredi, ce sont Jae et Guru qui se sont chargés de mon agenda. Et oui, comme toute femme d’affaire qui se respecte, j’ai des assistants... A vrai dire, même si cela vient d’une bonne intention, j’apprécie moyennement l’attention. Dans ce genre de démarche, j’aime avoir l’initiative. Mais Guru et Jae veulent absolument me faire rencontrer les responsables du projet pour lequel ils ont effectué un volontariat ces derniers jours.

Erland est censé m’accompagner mais me fait faux bond au dernier moment. En effet, sur le temps de midi nous avons fêté l’anniversaire du Señor Javier avec le traditionnel gâteau. Mais les collègues semblent vouloir poursuivre les festivités avec un repas. Et c’est le genre d’obligation à laquelle on peut difficilement faillir ici. Mon chef me laisse donc carte blanche pour la réunion et j’apprécie cet acte de confiance. De toute façon, Erland se serait déplacé pour rien. Franklin, mon interlocuteur, veut collaborer avec nous mais il ne sait pas vraiment en quoi. J’ai beau l’asséner de questions, je n’arrive pas à comprendre ce qu’il veut vraiment. La réunion n’est pas très productive mais tout n’est pas perdu quand même. Ce sera pour moi l’occasion de découvrir ce que je cherche depuis un petit moment, un restaurant pas cher où on vous sert de délicieuses pâtes en quantité industrielle.


Le soir, on remet cela, en compagnie cette fois de Magali la nouvelle petite copine de Jae mais surtout du Père Tomas qui est le véritable leader du projet de Libitaca. Le prêtre Sud-Coréen est un personnage assez curieux. En fait, il me fait un peu penser à un gosse capricieux et hyper actif. Il veut tout, tout de suite et donne des ordres à tout le monde. Lui non plus ne sait pas vraiment en quoi CENPRODIC pourrait apporter son soutien. Par contre, il veut absolument que je prenne le bus mercredi prochain pour me rendre sur place. Je n’aime pas me faire forcer la main ainsi et tente de recadrer un peu les choses. Décidemment, ce « Padre » ne me plait guère. A nouveau, la seule chose qui vaut vraiment le détour, c’est le restaurant. Le père Tomas sait ce qui est bon qu’il s’agisse de la nourriture ou du vin. Vraiment un drôle de personnage...

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Jour 150

Le 30/11/11, 19:44

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Aujourd’hui nous assistons à une séance d’éco-éducation au vivier de Maras. Les ingénieurs apprennent à un groupe d’écoliers et collégiens diverses techniques de plantation, greffe, bouturage, production d’insecticides végétaux, etc. La plupart des participants notent très assidument les indications du personnel du vivier. Cela fait plaisir de voir tout ce petit monde tant concerné par la protection de l’environnement.






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Jour 147

Le 27/11/11, 0:09

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Pas encore de repos dominicale pour ce dimanche. Ce matin, nous assistons à l’assemblée communale de Senca. Et la réunion commence à 6h du matin. Oui, oui, 6h du matin... Mais nous, nous arrivons vers 7h30. La plupart habitants sont réunis sur la petite place bétonnée qui sert de terrain de foot. Dans le milieu rural, de nombreux biens et terrains sont encore détenus en commun, au nom de la communauté. Ce qui explique les fréquentes réunions destinées à gérer les possessions de la communauté et à défendre ses intérêts. Chaque communauté a à sa tête un président élu qui est assisté dans sa tâche par un secrétaire, un trésorier, entre autres. Il y a aussi des comités qui se chargent de questions spécifiques : eau et assainissement, routes, artisanat, pêche, etc.

Lorsque nous arrivons, il est question de l’eau, sujet crucial pour de nombreuses localités. Les habitants de Senca doivent faire reconnaitre officiellement l’une de leurs sources. A cet effet, le responsable du comité en charge du problème rappelle à ses voisins que chaque famille doit participer aux frais pour mettre à jours les actes notariés.

Nous assistons aux débats pendant environ 30 minutes, jusqu’au moment où un intervenant fasse remarquer notre présence et demande que nous nous retirions. Nous avons été invités par le président avec qui nous discutons de la possibilité d’appuyer de petits travaux communaux qui favoriseraient le tourisme. Mais apparemment, notre visite n’a pas été annoncée officiellement. Nous ne voulons pas faire de vague, donc nous allons attendre la fin de la réunion dans ce que nous appelons notre bureau mobile, notre 4X4.

Quelques minutes plus tard, Rolando nous rejoint et nous explique que la personne qui nous a gentiment chassés n’habite plus dans la communauté mais est le président de la carrière où la plupart des hommes du village travaillent. Il a donc encore son mot à dire à Senca. Et s’il voit d’un si mauvais œil notre participation à la réunion c’est parce que son fils a une agence de voyage et qu’il ne veut pas que d’autres personnes se mêlent du développement de l’activité touristique à Senca. Comme quoi, on ne peut pas plaire à tout le monde...

L’assemblée se clôture aux environs de 9h et le président nous invite à venir discuter avec le groupe des artisanes. Là non plus, notre projet ne fait pas l’unanimité ou plutôt suscite l’envie. En effet, le soutien que nous offrons concerne de petits projets qui vont favoriser toute la communauté. Nous envisageons également de faire collaborer des volontaires à ces travaux dans le cadre des chantiers internationaux que nous organiseront l’an prochain. Ces volontaires auront besoin d’être logés. En toute logique, ce seront chez les bénéficiaires du projet TURURAL qu’ils séjourneront puisque ces derniers ont suivi une formation qui font d’eux les personnes plus à même de recevoir des voyageurs. Evidemment, nos bénéficiaires généreront un petit bénéfice sur leur prestation de logement. Et c’est sur ce point que les jaloux et opportunistes ne sont pas d’accord. Eux aussi veulent leur part du gâteau. A présent, ils veulent tous participer à notre programme de formation. Certains auront même la mauvaise foi de dire qu’ils n’ont jamais été invités à y prendre part. Mais Erland reste inflexible, hors de question que ces personnes se joignent à la formation à ce stade avancé. Avant de nous retirer, Erland tente toutefois d’apaiser les esprits les plus échauffés et parvient plus au moins à rétablir le calme. Mais la trêve est probablement de courte durée. Une fois que nous aurons quitté le lieu, la foire d’empoigne pourra recommencer de plus belle et c’est probablement Rolando qui en fera les frais. Le pauvre...

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Jour 146

Le 26/11/11, 23:47

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Ce matin, nous sommes de retour Maras pour l’habituelle formation du samedi, toujours sur le thème du service de chambre en compagnie de Maribel. Aujourd’hui, l’une des participantes de Senca est venue avec sa sœur cadette, la petite María. Malgré ses sept ans, la petite est une élève modèle, probablement celle qui participe le plus activement à la classe. Elle répond à toutes les questions, répète les nouveaux mots de vocabulaire à la suite de Maribel, rien ne lui échappe.

Après deux bonnes heures de cours, elle finit cependant par montrer les premiers signes d’ennui et de dissipation. Pour ma part, je pique carrément du nez. C’est donc dans un élan magnanime que je propose d’emmener la fillette faire une petite promenade pour ne pas déranger le reste de la classe. Quel sens du sacrifice...

María est adorable et super câline. Elle n’arrête pas de venir se blottir dans mes bras et cela ne me dérange pas particulièrement. Ce petit détail n’a évidemment pas échappé à mes collègues, plus habitués eux, à mon côté dure, râleuse, voire parfois revêche. Les commentaires ne se font pas attendre : « c’est bien, il faut que tu t’entraines un peu... ».

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Jour 145

Le 25/11/11, 23:43

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Cet après-midi, je me rends dans le coin de l’aéroport pour rendre une petite visite à Eduardo qui veut me faire connaitre un peu mieux le travail de son ONG. J’arrive comme prévu à l’arrêt de bus «Kiosko » et, selon les instructions d’Eduardo, j’attends que quelqu’un vienne me chercher. Un quart d’heure plus tard une toute jeune fille se présente à moi en tant que l’envoyée d’ « Edu » et m’invite à la suivre jusqu’à Tankarpata, une communauté en périphérie de la ville. Après une petite marche de 15 minutes à peine qui nous fait traverser cette zone étrange qu’est la ceinture péri urbaine où le bétail broute sous les réverbères, nous changeons totalement de paysage. En dépit de se trouver aux portes de la ville, avec ses chemins de terre battue et ses maisons en adobe, Tankarpata ressemble à n’importe quel autre village de la montagne.

Je rejoins Eduardo dans le petit local aménagé par son ONG. Je n’ai même pas fait deux pas dans la pièce qu’un gamin, Clemente, me saute dans les bras avec un naturel déconcertant. C’est comme si on se connaissait depuis toujours. Aujourd’hui, « Edu » est seul à travailler avec les enfants et est visiblement débordé. Il me demande de lui donner un coup de main en m’occupant d’un groupe d’enfants pendant que lui se charge de terminer les devoirs avec les plus grands. Plus facile à dire qu’à faire. Cela fait à peine cinq minutes que je suis arrivée et mes lunettes sont déjà sur le nez d’une petite fille, ma montre au poignet d’une autre. Plus habitués à la manière forte qu’à la diplomatie, ces enfants sont presque ingérables. Ils n’en font qu’à leur tête et n’arrêtent pas de se disputer. Ils sont pourtant loin d’être méchants. C’est juste qu’ils feraient n’importe quoi pour se faire remarquer. En effet, pas besoin d’être un grand spécialiste pour se rendre compte ce que la plupart réclame avant tout est de l’attention.

Vers 18h30, il est temps de remballer le matériel et de faire se brosser les dents à tout ce petit monde. La journée est finie. Eduardo et moi sommes sur les genoux. Pourtant, les enfants ne veulent pas rentrer chez eux. Nous devons presque les mettre à la porte. Et apparemment, c’est comme cela tous les soirs. Sur le chemin du retour, Eduardo m’explique un peu mieux la situation de ces mômes à qui il consacre presque tout son temps depuis près d’un an et demi. Les principaux problèmes qu’ils rencontrent au quotidien sont liés à la santé et l’éducation. En effet, l’école du village est loin de jouer son rôle et beaucoup d’écoliers ne savent pas lire à la fin de leur parcours primaire. Eduardo et ses partenaires essaient comme ils le peuvent de palier le problème. De même, ils tentent de sensibiliser les parents de la communauté au fait que l’eau que consomment leurs enfants est contaminée et source de nombreuses maladies. Mais, même si les avancées en la matière sont tangibles, il reste encore pas mal de chemin à parcourir pour préserver les petits des nombreuses affections qui les menacent.

Les gamins nous ont épuisés et pourtant, la journée est loin d’être finie. Le but de ma visite était avant tout de donner un petit coup de pouce à Eduardo dans la promotion de son travail afin de trouver des volontaires qui pourraient s’engager quelques temps dans le projet. Et en effet, un peu d’aide ne serait pas du luxe. Eduardo m’emmène donc dans l’appartement qui tient lieu à la fois de maison des volontaires et de logement pour les touristes de passage. L’endroit ne ressemble pas vraiment à un hôtel. Au niveau de l’infrastructure, notre hospedaje est bien plus élaboré. Par contre, l’auberge de cooperarperu est tout à fait opérative, contrairement à la nôtre. Il y a du personnel pour servir les clients, leur faire à manger, leur ouvrir la porte. Et cela, ça fait toute la différence. Si seulement, les responsables de CENPRODIC pouvaient comprendre ce point...

Vers 21h, Eduardo reçoit un message de Lisa, sa prof d’anglais qui, en toute bonne Américaine, célèbre ce soir Thanks Giving. Nous avons tous les deux très faim. L’invitation ne se refuse pas. Sur place, je retrouve quelques visages connus : Frankie, Ricardo et son ami. En fait, Ricardo et son ami son deux des musiciens que j’avais interrogés pour the Busking Project. Les autres convives sont le colocataire italien de Lisa et quelques amis péruviens.

Dans un premier temps, je me joints à la conversation pseudo-intellectuelle de mes voisins de gauche. Cela parle de phénomènes de société, de politique, etc. C’est un peu à qui étalera le plus ses connaissances. Dans ce cas, l’adage selon lequel « la culture c’est comme la confiture : moins on en a, plus on l’étale... » s’applique peut-être... L’un des invités tente de m’instruire en matière de tourisme alternatif. Il n’a même pas pris la peine de me demander ce que je faisais dans la vie et ignore que, même si je ne suis pas encore une experte, le sujet ne m’est pas tout à fait inconnu. Je décide d’éviter pour une fois le « rentre-dedans » qui me caractérise en général dans mes relations avec les Péruviens et me contente de hocher poliment de la tête de temps à autre. Si ce type savait...

Apparemment, la conversation ennuie l’autre partie de la tablée qui finit par lancer une partie d’UNO. Ce changement de programme n’est pas pour me déplaire. D’ailleurs, nous jouerons jusqu’à la fin de la soirée.

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Jour 142

Le 21/11/11, 23:26

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La journée s’écoule tranquillement jusqu’au retour de Jimmy qui, évidemment, à envie de discuter. Le contraire m'aurait étonnée... Lui-même se définit comme un géologue qui se prend pour un psychanalyste. Sauf que pour moi, un psychanalyste se contente d’écouter et de hocher la tête de temps en temps. Alors que Jimmy, lui, parle, parle et parle encore.

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Jour 141

Le 20/11/11, 23:24

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Je compte consacrer cet après-midi à mon blog même si je sens que cela va être difficile, surtout si Lorenzo et Jimmy s’en mêlent. La motivation n’y est pas vraiment et je suis à plusieurs reprises détournée de ma tâche. Je reçois d’abord un coup de fil sur Skype de la part de Lorenzo. Cela me fait plaisir d’avoir de ses nouvelles, d’autant plus qu’il a l’air rayonnant. Il m’explique à quel point la traversée de la Bolivie a été éprouvante en raison du mauvais état des routes. Son van a énormément souffert et a fini par jeter l’éponge au Chili. Il a fallu plus de trois semaines pour le remettre d’aplomb. Mais ces mauvais souvenirs sont déjà derrière lui. En effet, il n’est maintenant plus qu’à 600 km d’Ushuaïa. Après avoir quitté l’Alaska il y a environ deux ans et demi, il touche enfin au but de son voyage sur le continent américain et il semble ravi à l’idée d’atteindre enfin son objectif. La prochaine étape sera le Japon...

Ensuite, c’est Jimmy que se charge de me distraire de ma mission initiale. Jimmy est très sympa, ouvert et intéressant mais qu’est-ce qu’il parle... Notre conversation ressemble plus à un cours magistrale où il m’expose son point de vue sur diverses réalités péruviennes et où je me permets de temps à autre de faire un commentaire. Cela ne me dérange pas vraiment, j’apprends beaucoup. Il m’explique notamment le phénomène de délinquance à Lima qu’il relie notamment à la natalité incontrôlée au Pérou. Comment des enfants peuvent-ils bien tourner si, dès la naissance, leurs parents n’ont pas de quoi les élever correctement ? Si Jimmy réprouve les stérilisations forcées effectuées sous le régime de Fujimori, il pense que le gouvernement devrait faire quelques choses à ce niveau. Pourquoi ne pas rembourser ce genre d’intervention si celle-ci est souhaitée ? Pour lui, l’insécurité qui fait de Lima un véritable enfer est aussi due au terrorisme des années 80-90. « Nous sommes la génération de la violence », beaucoup de jeunes n’ont connu que cela. Par conséquent, comment pourraient-ils s’exprimer autrement que par l’agressivité ?

Nous embrayons ensuite sur le thème du métissage. Selon l’expression consacrée, il m’explique à quel point le Pérou est « de todas las sangres » (de tous les sangs), comment le peuple inca s’est mélangé avec les conquistadores espagnols, puis les esclaves africains, puis les coolies chinois , une main d’œuvre docile venue travailler les terres agricoles une fois l’esclavagisme aboli, puis avec les Japonais qui remplacèrent les Chinois une fois que ceux-ci devinrent trop nombreux et firent planer un trop grand risque de rébellion face aux mauvais traitements dont ils étaient victimes. En écoutant parler Jimmy, je ne peux m’empêcher de penser à José Luis qui a en effet, un grand-père chinois, une grand-mère chola, deux autres grands-parents africains et dont la photo de famille ressemble étrangement à une pub pour Benetton.

Nouveau thème de conversation : l’éducation au Pérou. Jimmy reconnait que celle-ci est assez mauvaise mais que des efforts sont faits pour l’améliorer. Le gouvernement tente notamment d’augmenter le nombre d’heures de classe. D’autre part, il m’expose un paradoxe de l’éducation privée. Même s’il est reconnu qu’elle est souvent meilleure que l’éducation publique, elle n’est cependant pas à l’abri de certains travers. Le fait que ces écoles soient payantes et excessivement chères fait qu’il arrive que les étudiants achètent leur diplôme plus qu’ils ne le gagnent aux prix de leurs efforts.

Cela fait probablement deux heures que nous discutons et Jimmy ne se fatigue apparemment pas de parler. Il semble littéralement intarissable. Moi, je continue à écouter mais commence un peu à décliner. La conversation ressemble de plus en plus à un monologue. Le seul sujet sur lequel je ne peux m’empêcher de réagir est celui de l’exploitation minière que Jimmy considère comme un moindre mal. Il faut dire qu’en tant que géologue, il dépend beaucoup de cette industrie. Moi, je ne peux m’empêcher de penser au combat de nombreuses communautés indigènes latino-américaines face à ces entreprises qui polluent, s’accaparent les ressources et se croient au-dessus de lois. J’ai donc du mal à adhérer au point de vue de mon interlocuteur. Mais je n’ai pourtant pas la force d’entrer dans de grands débats. Du peu que je connaisse Jimmy, j’imagine que cela pourrait durer des heures encore. Mieux vaut trouver une excuse pour mettre fin à la polémique au plus vite.

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Jour 140

Le 19/11/11, 23:11

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Ce matin nous donnons la formation du programme TURURAL en staff réduit. Goyo est en voyage avec les membres du réseau régional de tourisme rural. Le Señor Javier doit vaquer à d’autres occupations et puisqu’il a passé le relais à Mabel, une collaboratrice spécialisée dans la formation au service de chambre, l’Arquitecto a décidé de prendre congé.

Comme chaque samedi, nous passons chercher nos participants de Senca et Huila Huila avant de nous rendre à Cruzpata où a lieu la formation. Erland nous dépose vite fait, bien fait, pour aller chercher les derniers participants dans le coin de Maras. Au collège de Cruzpata, nous sommes accueillies bruyamment par une vingtaine d’ouvriers. A les entendre, je me rends compte que, pour une fois, nous sommes uniquement entre filles. Cette prise de conscience me fait une drôle d’impression. Je suis tellement habituée à l’inverse... Mais mes compagnes, elles, ne semblent absolument pas décontenancées ni par la situation, ni par les sifflements du comité d’accueil. Elles se contenteront d’une simple remarque « tiens, il y a beaucoup d’oiseaux dans le coin... ».

Cette première formation donnée par Mabel se passe bien. Elle donne son cours de façon assez vivante et elle a à cœur de faire participer au maximum toute la classe. C’est appréciable. A la fin de la journée, nous prenons quelques minutes pour regarder les photos de la pansantía de la semaine dernière. Les commentaires fusent de partout. J’observe notamment d’un œil amusé les dames de Senca et me rends compte qu’il y a certaines préoccupations féminines qui sont universelles. En effet, même si leur conversation est en Quechua, il n’est pas bien difficile de comprendre la nature de leurs propos. Toutes se trouvent trop grosses sur les photos...

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Jour 139

Le 18/11/11, 23:07

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Une fois de plus, Guru et Jae sont à l’origine d’un certain remue-ménage à Sta Ana. Comme ce sont leurs derniers jours à Cusco, ils organisent une sorte de soirée d’adieu. Ce soir, de nombreux Péruviens ont répondu à l’appel. Yerson arrive le premier. Comme il n’y a personne pour l’accueillir je lui propose de me tenir compagnie. Malgré son jeune âge, à peine 18 ans, Yerson est un virtuose des langues. Il parle français, anglais et japonais presque à la perfection. Et comme il est particulièrement francophile, nous nous entendons plutôt bien.

Un peu plus tard, arrivent Liz qui est à peine remise de sa soirée d’anniversaire, la nouvelle petite copine de Jae et toutes ses amies ainsi que Jimmy, un Liméen de passage. Il y a aussi deux Allemands. Guru et Jae ont eu pas mal de succès. En tout, nous sommes treize convives.

Le temps de boucler quelques tâches de dernière minute, j’arrive assez tard à la soirée. Des odeurs alléchantes s’échappent déjà de la cuisine. Comme à l’habitude, la gastronomie indienne et sud-coréenne sont à l’honneur, mais les invités péruviens ne sont pas venus les mains vides non plus. Liz, par exemple, a préparé une délicieuse salsa huancaina, une sauce à base de piment jaune, de fromage, de lait et d’huile.


Il est temps de passer à table. Les estomacs crient famine et beaucoup ont envie de se mesurer au défi de la soirée, le curry hyper épicé de Guru. Nos deux hôtes sont aux petits soins avec leurs invités et s’assurent que personne ne manque de rien. Jae est visiblement déjà bien éméché mais ne failli pourtant pas à son devoir.


Après une vaisselle vite expédiée, les premiers convives s’en vont. Mais Jae et Guru ne comptent pourtant pas en rester là. Ils ont prévu une petite séance de danse sur les tables (heureusement de les membres de l’ONG ne sont pas là pour voir cela). Personne n’y échappera. Je préfère pourtant rester dans mon coin à discuter avec Yerson et Jimmy.

Je suis assez fatiguée mais les soirées organisées par Guru et Jae sont toujours une bonne occasion de faire connaître le projet. Ce soir, j’ai noué quelques contacts intéressants et j’ai trouvé un nouveau client, Jimmy qui viendra s’installer le lendemain. Bref, cela valait la peine de veiller un peu.

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Jour 138

Le 17/11/11, 22:52

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Ce matin, nous nous préparons à une nouvelle ascension du Huaynacorcor. Mais en sens inverse cette fois, en partant de Koricancha. En effet, à ce stade, nous sommes encore en train de chercher le meilleur itinéraire, soit celui qui favorise au mieux les communautés participant à notre projet. Aujourd’hui, nous marcherons en compagnie de David et Tomas, deux habitants de Koricancha qui suivent très assidument notre programme de formation.

Après une brève halte à la boutique du village pour acheter un peu de pain, du coca et de la coca, David et Tomas nous emmènent au temple colonial. Une petite église tombée en désuétude. Bien que la bâtisse semble prête à s’effondrer, l’endroit a des airs de jardin secret plein de charme. C’est un potentiel à ne pas négliger...



Ensuite les choses sérieuses commencent, il faut rejoindre la crête. Cette bonne petite grimpette se fait au son des flutes de pan. A croire que David ne puisse pas vivre sans musique. Comme à son habitude, il nous diffuse à l’aide de son téléphone portable des airs des plus variés, de la musique andine au dernier tube de Pitbull. En chemin, nous trouvons un énorme champignon. Il parait que ce produit s’exporte particulièrement bien. Je suis donc priée de gouter. Mouais... Pas fameux...


Nous traversons une forêt de pin et arrivons sur la pampa. Au loin, nous apercevons un troupeau de lamas. De temps à autres, nous sommes surpris par l’envol d’une perdrix sauvage effrayée par nos pas. Nous décidons de nous arrêter pour un pique-nique non loin d’un monticule de terre qui marque le point de jonction entre les provinces d’Urubamba, Alta et Cusco. Un peu de repos n’est pas de refus car le plus dur reste encore à faire : l’ascension du Sencacondor, le sommet le plus haut du massif, situé à environ 4500 mètres d’altitude près de 100 mètres plus haut que le Huaynacorcor que nous avions gravit précédemment. Quelques 40 minutes plus tard, nous sommes sur place.








Cette fois encore, nous nous rendons compte que monter est une chose mais redescendre en est une autre... Plus question de jouer les touristes. On range les appareils photos car nous deux mains libres risquent de nous être bien utiles pour prévenir les chutes. Et dans cette histoire, les hautes herbes sont nos alliées. Il faut bien s’accrocher...

La descente et assez éprouvante sans parler du fait que nous tombons sur des obstacles imprévus : deux ravins, une carrière. Mais nous finissons par arriver à bon port vers 16h30.

Ce soir Liz a décidé de fêter son anniversaire à l'Indigo bar en compagnie de Couch Surfers. Elle aura droit à une chanson d’anniversaire dans la langue de tous les convives : anglais, néerlandais, allemand, français, brésilien, langue des signes. Tant qu’à faire, autant jouer à fond la carte de l’internationalité...

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Jour 135, 136 et 137

Le 14/11/11, 6:44

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Ce lundi ouvre une semaine de travail semblable à tant d’autres, ponctuée de temps à autres de quelques évènements. Lundi, c’est Aurelio qui est mis à l’honneur. A l’occasion de ses 65 ans, nous allons tous manger dans son restaurant préféré situé sur les hauteurs de la ville. Il semblerait qu’il compte bien célébrer cet anniversaire à la péruvienne, c’est-à-dire « comme s’il s’agissait du dernier jour de sa vie » (de l’expression du propre intéressé). Autant dire qu’on ne va pas beaucoup travailler cet après-midi. Les tournées de Cusqueña s’enchainent. A plus d’une reprise, je tente de passer mon tour mais c’est peine perdue. Tout comme il est vain de chercher à échapper aux questions indiscrètes d’Aurelio et des autres membres fondateurs de l’ONG qui manifestent aujourd’hui un intérêt particulier pour notre vie privée à Erland et à moi. Ils n’y vont pas par quatre chemins et les questions sont parfois à la limite de la crûdeur. Je ne m’attendais pas à une telle conversation avec ceux que j’appelle désormais « mis viejitos », mes petits vieux.

L’évènement phare du mardi n’est autre que la rencontre en football Equateur-Pérou qui s’avère décevante et se solde, qui plus est, par une défaite du Pérou.

Mercredi, Erland et moi allons sur le terrain pour faire les repérages préliminaires d’un futur circuit VTT ainsi que la « convocatoria », soit le rappel à tous les participants à notre programme de formation de la date et de l’endroit du prochain cours. C’est assez fastidieux de se prêter à cet exercice chaque semaine, mais c’est la seule manière d’assurer une assistance plus ou moins satisfaisante aux classes. A cette occasion, Erland me laisse pour la toute première fois le volant du 4X4. Cela fait environ cinq mois que je n’ai plus conduit et le monstre doit faire environ 3 fois ma petite Renault Clio. Autant dire que je ne suis pas trop à l’aise. Mais je ne m’en sors pas si mal même si ma conduite pourrait être plus eco-friendly. A me voir manœuvrer le véhicule, David, l’un de nos bénéficiaires, fait des yeux ronds comme des billes. Apparemment, les blagues et préjugés sur la conduite au féminin ne semblent pas avoir épargné le Pérou. Ici, on dit “mujer al volante... es como darle pistolas a un mono” (laisser le volant à une femme c’est comme donner un fusil à un singe).

L’après-midi est consacrée à la visite de nos malades à l’hôpital car ce début de semaine porte également son lot de mauvaises nouvelles. Juan s’est blessé la cheville lundi et Rosa, qui devait être prochainement opérée au foie, a finalement été hospitalisée d’urgence car elle ne pouvait plus supporter la douleur de ses crises. Tous deux se trouvent dans le même hôpital, à deux pas de la place Tupac Amaru. Apparemment, l’établissement est l’un des mieux réputés de la ville. La chambre où est alité Juan n’a rien à envier aux chambres d’hôpitaux en Belgique. Mais Rosita, elle, n’a pas eu la même chance que notre gardien de nuit. Faute de lit en suffisance, cela fait plus d’un jour qu’elle attend aux urgences. Et là, le décor est tout autre. Une dizaine de patients, hommes et femmes, s’entassent dans une même salle. Certains sont relativement peu vêtus et cela empeste. Moi qui ne suis pas une grande habituée des hôpitaux, je suis quelque peu choquée par cette vision qui, pour moi, s’approche du chaos.

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Jour 133

Le 12/11/11, 6:34

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Aujourd’hui est le jour « J » de la pasantía, l’excursion que nous avons organisée pour les participants à notre programme de formation. Cette journée s’annonce sympa mais surtout bien chargée. A 7h30, les premiers arrivants sont déjà là. Je m’improvise donc guide et leur fait visiter nos infrastructures : les bureaux, l’étage réservé au logement des visiteurs, les futures classes d’ECOCAT Cusco, la casita verde... Le « waw » d’admiration de la Señora Brigida en entrant dans une des chambres du deuxième étage, me fait sourire.

Après l’obligatoire photo de groupe, nous grimpons dans deux minibus direction la vallée sacrée. Erland se charge d’un groupe, moi de l’autre. L’ironie de la situation est pour moi flagrante : dans mon bus, je suis la seule à ne pas être du coin et c’est pourtant moi l’accompagnatrice de groupe. Je dis bien « accompagnatrice » car le rôle de guide c’est Beatriz que l’endosse très spontanément. Et je lui en suis reconnaissante. Après tout, elle termine une licence en tourisme. Elle est bien plus apte que moi pour ce genre de boulot. Ainsi, sur le trajet, à tout moment, elle prend la parole pour expliquer l’une ou l’autre particularité à ses compagnons de voyage.



Notre première visite de la journée est celle du gite rural de la Señora Mabel dans les alentours de Pisac. Pour nous, l’intérêt de l’endroit est avant tout de nous permettre d’illustrer par l’exemple qu’il ne faut pas nécessairement de gros investissements pour rendre une maison accueillante. Avec les moyens du bord, Mabel et son mari ont aménagé leur logis afin de recevoir les touristes de façon très réussie. Leurs fameux lits en adobe en sont le meilleur exemple.

L’atelier bijouterie organisé sur place a beaucoup de succès. Beatriz demande même pour passer à la pratique et nous confectionne quelques perles. Nombreux sont ceux qui achètent un petit souvenir. Ce geste attire particulièrement mon attention. Nous sommes à peine à 50 km de chez la plupart des participants au programme. Et pourtant, ils se comportent comme de véritables touristes en plein dépaysement. Je serais vraiment curieuse de connaître l’expérience de voyage de chacun. Après un bon café et une tartine à l’avocat, nous reprenons la route.



Notre deuxième escale est le petit village de Chichubamba à deux pas d’Urubamba. Il s’agit encore d’artisanat puisque nous visitons d’abord un atelier de céramique. Nous passons ensuite à l’étape qui nous intéresse le plus Beatriz et moi, l’atelier chocolaterie. On demande un volontaire pour broyer les fèves de cacao dans le moulin. Une fois de plus, c’est Beatriz qui se propose (et oui, encore), puis Tomas. Mais après l’effort, le réconfort : la dégustation pour tous.




Notre visite du village se poursuit par la rencontre avec un apiculteur. Il demande à quelqu’un de l’assister dans son travail. Devinez-qui lève sa main la première ? Beatriz... Cela commence à bien faire. Mais cela à l’air de lui faire tellement plaisir. De toute façon, au final, tout le monde ou presque aura droit à son petit moment de gloire immortalisé sur une photo où tous poseront avec à la main un cadre de la ruche noir d’abeilles. Les plus intrépides, moi en premier, s’aventureront à se laisser couvrir la main de butineuses. Je suis fière de mon « exploit » mais franchement, je ris jaune...









Après un bon repas, nous quittons Chichubamba en espérant que nos étudiants ont bien saisi le message qu’ont tenté de leur faire passer nos divers interlocuteurs. Le travail et la persévérance sont le seul secret de la réussite. A Chichubamba, l’association de tourisme rural a commencé avec 80 membres. Ils ne sont plus que 14 à présent mais leurs efforts ont fini par payer. Nous espérons également qu’ils comprendront que les possibilités sont multiples et que l’activité touristique ne se limite pas au logement de voyageurs, que tout dépend avant tout de l’ingéniosité dans la mise en valeur du patrimoine de chacun et qu’au niveau du tourisme rural, le bio joue un rôle clé.

Nous faisons un passage éclair à ECOCAT Urubamba avant de nous rendre à notre dernière visite de la journée, le musée de la biodiversité à Ollantaytambo où nous accueille Maribel. Dans la salle du fond où est aménagée une cuisine cusquénienne traditionnelle, plusieurs instruments de musique décorent les murs. Très vite, un mini concert s’improvise : Juan Carlos à la flute de pan, José Luis à la guitare, Edwin à la flute à bec.




Déjà, il est l’heure de partir. Nous voulons éviter à la plupart des bénéficiaires d’avoir à reprendre le chemin de leur communauté de nuit. Pour cette raison, le temps presse, nous ne pouvons pas à nous attarder à Ollenta. Il est pourtant prés de 19h lorsque le minibus me dépose à Cusco.

Juste à temps pour me rendre à la « Cevicheria » organisée par Juan Carlos et Caroline. Le Ceviche est un plat typique péruvien préparé à base de poisson cru mariné dans du jus de citron. Je n’en ai pas encore goûté. C’est donc l’occasion idéale pour rectifier le tir. Sauf que j’ai mal lu l’invitation : le repas était prévu à midi et non le soir. En effet, le Ceviche ne se mange normalement pas en soirée. Lorsque j’arrive donc chez Juan Carlos et Caroline mon gâteau sous le bras, je retrouve toute la troupe autour d'un bon pollo frito.

Apparemment, la journée a été bien arrosée et la plupart sont à présent un peu amorphes. Pour réveiller les troupes, Juan Carlos décidé d’allumer la télévision et de nous faire partager l’une de ses plus grandes passions, les combats ultimate fighting. Très vite les commentaires fusent. Les avis sont, en effet, très partagés. Certains apprécient les affrontements, d’autres les comparent un très mauvais remake du « secret de Brokebake Mountain ». Lorsque son favori se fait éliminer, Juan Carlos ne supporte pas et monte dans sa chambre. Probablement pour aller pleurer... Une nouvelle activité s’improvise : un Pictionnary. Ça, c’est plus mon trip. Enfin, surtout la partie où il faut deviner. Le dessin, c’est une autre paire de manches...


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Jour 131

Le 10/11/11, 5:46

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Il y a ce matin sur le parvis de l’église de la Compañía de Jesús une agitation inhabituelle. Aujourd’hui est le grand jour pour une trentaine de premières communiantes. Il n’y a pas un seul petit garçon, que de jeunes demoiselles facilement reconnaissables dans la foule à leur robe blanche immaculée qui leur donne des airs de mini mariées.



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Jour 129

Le 08/11/11, 5:35

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Et c’est reparti pour un nouveau jour de tournage. Ce matin, au détour d’une rue, je me suis faite accoster par un jeune homme qui m’aborde avec un « on se connait, non ? ». Réponse : « Euh..., non ». Par contre, il ne m’a pas échappé que mon interlocuteur porte sur lui un instrument un peu bizarre, une sorte de didgeridoo tout tordu. L’instrument à vent provient d’Amazonie, plus précisément de la région d’Iquitos, où il est utilisé dans divers domaines : la musique, les rites shamaniques où il sert à libérer les énergies des chaque patient, la chasse au cours de laquelle il permet d’attirer quelques animaux tels que les singes ou certains oiseaux.

C’est ainsi que nous nous retrouvons au mirador du Templo San Cristobal pour filmer une nouvelle séquence. Aujourd’hui, je travaille avec Nick et Mardy. Comme Gino n’est pas là pour mener l’interview, c’est à moi que revient ce rôle clé. On me colle le micro dans les mains et c’est parti... En fait, il s’agit surtout de traduire en espagnol les instructions de Mardy, même si je de temps à autre j’ajoute ma touche personnelle avec quelques questions supplémentaires. Très clairement, le fait qu’on m’ait confié cette mission de reporter d’un jour flatte mon égo.

Je ne suis cependant pas tout à fait naïve. L’entretient sera probablement coupé au montage car nos quatre amis « peace and love » parlent de tout sauf du sujet et sont en fait d’assez piètres musiciens. Avec eux, tout est dans la tchatche et la seule gamme qu’ils semblent dominer sur le bout des doigts serait avant tout celle des multiples produits hallucinogènes que l’on peut trouver à Cusco (Ayawasca, San Pedro, champignon, etc.). Rien à voir avec la musique...


Après la séance de questions-réponses, le leader du groupe veut me faire un petit cadeau. Pour purifier mon esprit, il veut me donner un « bain de pierre ». Un bain ? Je suis déjà relativement sceptique quant à ces méthodes de « médecine » alternative, hors de question d’enlever mes fringues ! Mais il s’agit en fait d’un exercice de relaxation des plus bénins. Je suis assise sur le sol de la petite place où nous nous trouvons, les yeux fermés, mains sur mes genoux, paumes vers le ciel. Je dois tenter de me relaxer pendant que le « guérisseur » à l’aide d’une pierre qu’il passe sur mon visage et mes mains fait le diagnostic de mon énergie. Dans mon cas, celle-ci n’est pas endormie. Ça, c’est une bonne nouvelle ! Mais le contraire m’aurait étonné. Par contre, il semblerait que cette énergie soit bloquée, réprimée. Toute l’aide du guérisseur consistera donc à tenter d’ouvrir les portes pour la laisser jaillir. Il y a probablement du boulot... Tout au long de la séance, mon interlocuteur me parle de ma personnalité. Il semble voir relativement juste mais cela ne me convainc toujours pas de ses pouvoirs car son analyse reste assez vague, dans les grandes lignes. Avec un peu de pratique et de feeling, ce genre de « lecture » est à la portée de tout le monde. Il se propose ensuite de me dire mon avenir sur trois thèmes de mon choix : voyage, emploi et amour. Au niveau des voyages, il semblerait que je ne vais pas m’en arrêter là. Cela tombe bien c’est ce qui était prévu. Mais surtout, ma bonne étoile continuera à veiller sur mes déplacements. Au niveau de l’emploi, il semblerait que je vais changer à plusieurs reprises de fonctions mais que cela sera toujours pour un mieux. Cela tombe à nouveau bien, c’était également ce que j’envisageais. Et pour les amours, chut... Ça, c’est mon secret...

Après cette toute première expérience mystique, je rejoins Mardy et Nick qui se sont installés un peu à l’écart et semblent particulièrement occupés avec leur appareil photo. Mais que peuvent-ils bien fabriquer ? En fait, ils essaient de réaliser une de ces scènes où l’on voit en accéléré une ville et son agitation (comme dans le générique de « Des racines et des ailes », par exemple). Et cela n’est pas une mince affaire. Il faut prendre une photo à intervalle régulier toutes les X secondes. C’est fastidieux mais à priori l’étape de la prise d’images n’est rien en comparaison avec le casse-tête du montage qui attend Nick par la suite. En tout cas, cela nous donne le temps de discuter. Evidemment, Nick me demande mes impressions sur le « bain de pierre » que je viens d’expérimenter. Nous échangeons nos avis sur les diseurs de bonne aventure. Il semblerait que Mardy ai eu droit aux mêmes boniments que moi. Le fait que notre ami pseudo-guérisseur raconte la même chose à tout le monde me fait encore plus douter de l’efficacité de sa science. Dommage, ce qu’il m’avait prédit m’avait bien plus. Nous revenons ensuite à des sujets plus terre à terre et parlons, par exemple, de l’expérience professionnelle de Mardy au sein d’une chaine de télévision à Singapour.

De retour en ville, nous sommes en train de nous dire au revoir en face du Mc Do lorsque nous sommes interrompus par deux jeunes cireurs de chaussures. Ils veulent s’occuper du cas désespéré de mes vieilles Kickers. Devant mon refus, ils se proposent alors de nous chanter un petit air. A la fin de la chanson, la demande pour une petite pièce ne se fait pas attendre. Partagée entre l’envie d’aider et mes principes quant à la mendicité, je finis par refuser de leur donner de l’argent mais invite les deux gamins à m’accompagner à manger. Je pense que c’est probablement trop cher payé pour une telle prestation mais au moins je suis certaine que ce que je leur offre arrive directement dans leur estomac et non dans la poche d’un adulte qui les exploite. Et puis, je trouve cela intéressant de pouvoir discuter un peu plus longtemps avec eux. Et je ne dois pas être la seule à penser ainsi car Nick et Mardy nous emboitent également le pas.

Ce qui me chagrine malgré tout, est que les deux jeunes n’ont pas hésité une seule seconde avant d’accepter ma proposition et de nous suivre jusqu’à Sta Ana. Nos intentions sont tout à fait honorables. Mais ce n’est pas le cas de tous les voyageurs à Cusco. Même si la prostitution infantile ne semble pas être un problème majeur ici, elle existe tout de même. Et puisqu’il s’agit d’un sujet relativement tabou, les chiffres en vigueur sont probablement en-dessous de la réalité. Les principales victimes semblent être les enfants des rues qui sont complétement livrés à eux-mêmes.

Ce n’est cependant pas le cas de Daniel et Rodrigo, nos jeunes invités, qui grandissent au sein d’un noyau familiale et sont scolarisés. En effet, ils ne travaillent que l’après-midi de 14 à environ 17 heures car le matin ils étudient. A Cusco, l’éducation suit un système de rotation horaire : certains étudiants assistent aux cours le matin, d’autres l’après-midi, et un autre groupe prend le relais le soir. C’est un peu comme à l’usine. J’imagine que cette organisation est due à un manque d’infrastructure ou de personnel enseignant. Mais cela a pour conséquence que les élèves n’ont droit qu’à quatre heures de cours par jour. Pas étonnant que l’instruction soit si pauvre...

Lorsque nous interrogeons les petits sur la façon dont ils voient leur avenir, Daniel ne se prononce pas. Par contre, pour Rodrigo, il n’y a pas de doute, il sera guide touristique (encore un...). Et lorsqu’on lui demande pourquoi. Il répond que c’est parce qu’il adore l’anglais. Au contact des touristes, il a appris quelques mots. Son vocabulaire est des plus limités mais il semble décidé à poursuivre dans cette direction. Je ne peux qu’acquiescer devant son engouement pour les langues, j’étais exactement la même à son âge. A l’écouter, sa voie est déjà toute tracée : il sera guide touristique anglophone ou... joueur de foot professionnel...

Rodrigo est un fervent supporteur du club de la ville. C’est ainsi que lui aussi s’était retrouvé dans la rue lors de l’émeute où un jeune avait été « malencontreusement » abattu par la police il y a quelques mois. Rodrigo semblait d’ailleurs bien connaitre la victime. Il me chante un hymne que son ami avait composé à la gloire de leur passion commune, le Cienciano. Ironie du sort la chanson commence par ces paroles : « rien ne nous séparera, pas même la mort... ».

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Jour 128

Le 07/11/11, 1:40

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Ce matin, je me lève à l’aurore pour boucler mon travail au plus tôt car j’ai à nouveau offert mon aide à l’équipe de the Busking Project.

Puisqu’on ne travaille pas le ventre vide, l’après-midi commence par un petit restaurant en compagnie de Mardy et Gino. Nous rejoignons ensuite Chris et Belle qui mangent sur le pouce sur la Plaza de San Francisco.

C’est à ce moment que Gino se fait littéralement happer par un groupe de collégiennes. Toutes veulent lui mettre le grappin dessus sous prétexte d’un soi-disant devoir en anglais. Il doit écrire ses impressions sur le Pérou dans leur carnet de notes. De loin, on a l’impression d’avoir affaire à une rock star et ses groupies. S’ensuit une séance de photos qui ne semble pas déplaire à Gino. Cela fait-il vraiment partie des consignes du devoir ? Finalement, les demoiselles me demandent également de rédiger un petit texte dans leur cahier et j’ai aussi droit à la petite photo-souvenir. L’excuse n’était peut-être pas aussi fallacieuse qu’elle n’y paraissait de prime abord. Il est toutefois clair que Gino et moi n’exerçons pas le même pouvoir d’attraction. Avec moi, les jeunes filles sont cordiales et sympathiques. Avec le grand Australien, elles sont en extase ou à la limite de l’hystérie.

Après toutes ces émotions, il est grand temps d’aller retrouver Omar et ses amis à San Blas, le point de ralliement de nombreux artistes à Cusco. C’est ainsi que nous rencontrons un virtuose du berimbau, un arc musical dont on joue surtout au Brésil comme principal instrument de la capoeira. Mardy et Gino décident de l’interviewer.



Evidemment, l’apparition de micros et de caméras sur la place en intrigue plus d’un. Pour laisser travailler Mardy et Gino tranquillement, j’essaie de gérer les curieux. C’est ainsi que je fais la connaissance de la plupart des bobos du coin. Ou devrais-je dire « bo » ? En effet, de bourgeois, ils n’ont pas grand-chose. Par contre, ils cultivent à merveille le côté bohême.

Parmi cette foule bigarrée, il y a Sasa, un artisan qui crée des bijoux en macramé. Il souhaite d’ailleurs me faire un petit cadeau et me demande de choisir la pièce qui me plait le plus sur son présentoir. Je lui indique un bracelet vert avec de jolies perles couleur prune. Apparemment, je n’ai pas fait le bon choix et Sasa décide de m’en offrir un autre. Je déchante un peu lorsqu’il me tend deux fils de couleur turquoise reliés entre eux par trois nœuds. Mais il parait que c’est le bracelet de la chance. Alors là, cela change tout... Je dois d’ailleurs faire un vœu lorsque Sasa me l’attache autour du poignet. La drague au bracelet brésilien... Moi qui croyais que cette technique était réservée aux adolescents de quinze ans...

Je fais aussi la connaissance de Flor, une petite fille de 11 ans habillée en costume traditionnel qui, en échange de quelques piécettes, propose aux touristes des photos avec son lama, Pablito. A mes yeux, Flor est la personnification même de la plupart des effets négatifs du tourisme contre lesquels je m’insurge : des pratiques proches de la mendicité, une mise en scène de la culture et de la tradition, la mise au travail des enfants, etc. Mais il y a toujours un écart entre la théorie et la pratique. La petite est particulièrement intelligente et mature pour son âge. Il est très agréable de discuter avec elle. Moi qui, d’habitude, méprise tous ces touristes qui cèdent à la tentation de la photo pittoresque à un Sol, je me surprends à jeter un regard noir à une dame qui s’est permise de prendre un cliché de Flor sans lui donner son pourboire...

Mardy et Gino décident finalement de ranger leur matériel et de profiter de la fin de l’après-midi pour visiter un peu la capitale inca. Je m’improvise donc guide touristique et les emmène au Cristo Blanco pour leur faire admirer le panorama sur la ville.

Un groupe d’étudiants en voyage de promotion à tout bonnement envahi le promontoire où se dresse la statue pour prendre quelques photos souvenirs de Cusco. Beaucoup semblent hésiter entre le traditionnel portrait avec le lama ou une version plus originale avec... Gino... Au final, au grand damne de la propriétaire du camélidé, il résulte que Gino a volé la vedette à l’animal. Tous, ou plutôt toutes, se l’arrachent. On est au bord de la mini émeute.

Il est 17h et le jour commence déjà à baisser. D’après mes renseignements, à cette heure, les employés du boleto turistico ne contrôlent plus les billets d’entrée au parc archéologique de Sacsayhuaman, un des haut-lieux touristiques de la ville. Nous n’allons pas rater cette aubaine... Même si la visite est de courte durée, je suis contente d’enfin pouvoir pénétrer sur le site. En chemin, nous rencontrons deux jeunes enfants qui nous emboitent le pas pour rentrer au centre-ville avec nous. Une fois de plus, Gino à la cote. Les petits Péruviens n’en n’ont que pour lui. Mardy et moi passons clairement au second plan. Mais qu’est-ce qui peut bien expliquer cet engouement ? Serait-ce, par hasard, son bronzage rouge écrevisse qui le rend plus exotique que nous ?


Les gamins nous laissent au Mirador du Templo San Cristobal où nous profitons d’un magnifique coucher de soleil.

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Jour 127

Le 06/11/11, 1:19

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Malgré être rentrée au petit matin, je ne peux pas trop m’attarder au lit. J’attends une visite qui promet d’être intéressante. En effet, depuis environ une semaine, je prépare l’arrivée à Cusco de l’équipe de « The Busking Project» (www.thebuskingproject.com), soit six passionnés qui ont fait le pari fou de réaliser un documentaire sur les artistes de rue dans le monde entier. Grâce au soutien de leur producteur, Jamie Catto, qui n’est autre qu’un des membres fondateurs de Faithless et One Giant Leap, ils se sont donné dix mois pour parcourir quarante villes et cinq continents à la recherche de jongleurs, danseurs de claquettes, musiciens, charmeurs de serpents, avaleurs de sabres et autres. L’objectif de ce projet est d’analyser les différences quant aux endroits où se pratique ce genre d’art afin de mieux comprendre comment les lois, l’économie, les traditions et l’environnement peuvent influencer la liberté d’expression d’une communauté déterminée.

Ainsi, depuis quelques jours, je tente d’établir une liste de contacts pour faciliter la tâche à mes amis réalisateurs. A chaque fois que je croise un artiste en rue, je l’aborde, lui parle du projet et tente d’obtenir un numéro de téléphone. Plus les jours passent, plus je trouve cela sympa. En effet, sans ce documentaire, je n’aurais probablement jamais adressé la parole à ces gens. Cette initiative me permet de découvrir un nouvel aspect de Cusco, d’autres modes de vie aussi. Autant dire, que je suis de plus en plus excitée par le projet.

Bref, dimanche est le grand jour de l’arrivée de Mardy et ses compagnons de voyage. Nous nous sommes donné rendez-vous sur la Plaza San Francisco où Omar un jongleur-acrobate que j’ai repéré pour eux fait son show cette après-midi. A leur caméra, je repère très vite dans la foule Mardy et Gino (même si je m’attendais à du matériel un peu plus impressionnant). Même si Omar n’est pas le meilleur artiste qu’il m’ait été donné de voir, son spectacle se laisse regarder. Il faut dire que je suis bon public et que surtout le temps est magnifique. C’est la journée est idéale pour paresser sur la place, un de ces dimanches pop-corn, barbe à papa, pomme d’amour auquel s’adonnent un grand nombre de familles cusquéniennes et qui donne à la Plaza San Francisco des allures de kermesse avec ses jeux d’argent, son karaoké de rue, sa musique...





Après le spectacle, Mardy et Gino interviewent Omar et ses amis. Ce qui ressort de leurs dires est apparemment un fait commun à un grand nombre d’endroits visités par the Busking Project : presque partout, le fait de se produire dans la rue est interdit et réprimé par les forces de l’ordre qui vont jusqu’à confisquer le matériel des artistes. Ce fut notamment le cas d’un des amis d’Omar qui, pas plus tard que la veille, s’est fait retirer les objets avec lesquels il jonglait à un feu rouge. (Les feux rouges sont ici très prisés par les artistes de rue. C’est en général là qu’ils font leurs armes et qu’ils gagnent de quoi vivre.) Selon les « saltimbanques », cette chasse aux artistes serait due au fait que les municipalités préfèrent encourager la consommation plutôt que l’art dans les endroits les plus fréquentés de chaque ville. On en revient au thème de la privatisation des espaces publics d’où la culture serait bannie. Et dans ce phénomène le tourisme joue un rôle important. En effet, sur la Plaza de Armas, on préfère offrir des restaurants et des bars aux voyageurs qu’un espace de détente et de divertissement à la population locale. Cela donne à réfléchir.


C’est donc pensive que je rentre chez moi. Une fois de plus, Jae et Guru m’ont invitée à manger en leur compagnie et celle d’une de leurs amies suisses. Mais aujourd’hui pas question de se la couler douce. Mon aide est requise et je suis commise d’office à la découpe des légumes. Et comme lorsqu’ils cuisinent, Guru et Jae ne font rien à moitié, la préparation du repas dure plus d’une heure. Au final, il y a de quoi nourrir un régiment. Nous avons droit à un plat de chaque pays : la Suisse, l’Inde et la Corée du Sud. La Belgique passe son tour... Enfin, j’ai quand même apporté un dessert. La soirée se déroule de façon tout aussi tranquille qu’agréablement. Evidemment, cela parle surtout voyage...

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Jour 126

Le 05/11/11, 0:42

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Le thème de la formation de ce samedi a tout pour me plaire. On parle du tourisme durable et des effets négatifs du tourisme traditionnel. Et cela, c’est mon dada. Je suis particulièrement intriguée par la réaction qu’auront nos étudiants à ce sujet. La présentation théorique est suivie d’un exercice pratique où il est demandé aux participants de relever les points positifs et négatifs à la réception de touristes chez soi et la façon de remédier aux éventuels aspects néfastes. Le résultat est plutôt bon. Nos bénéficiaires ne sont pas dupes, ils sont conscients que l’activité touristique n’est pas un remède à tout dépourvu d’effets secondaires.

Certaines de leurs conceptions du touriste sont cependant parfois un peu à côté de la plaque. Par exemple, une des jeunes qui présente le travail de son groupe cite parmi les effets négatifs le fait que les touristes peuvent apporter des maladies au sein de la famille hôte. Ce qui est tout à fait judicieux. Par contre, la justification qu’elle donne prête un peu à sourire. « En effet, nous savons tous que les touristes sont beaucoup plus malades que nous. Par exemple, eux, ils ont le sida. Nous pas. » Préjugé quand tu nous tiens... Mais je suis contente de voir que, pour une fois, ce n’est pas moi qui tombe dans le cliché.

Et de cliché il est encore question ce soir. En effet, j’ai proposé une sortie sur le site du Couch Surfing et, contre toute attente, seuls des Péruviens ont répondu à mon invitation. Il y a Pamela, Eduardo et Alberto. Tous veulent connaître mes impressions sur le Pérou, ses coutumes, ses habitants. Ils me cuisinent également sur la Belgique, notamment sur ses bons petits plats. Quelle n’est pas leur déception lorsque je leur réponds qu’au pays de Manneken-Pis, l’un des produits phares de l’art culinaire sont les frites. Ils ont du mal à comprendre en quoi passer des pomme-de-terres à la friteuse peut être tout un art... Heureusement, j’arrive à faire remonter le pays dans leur estime en leur expliquant que les Schtroumpfs viennent aussi de chez nous.

Ensuite, la conversation dévie sur nos boulots respectifs. Eduardo est coordinateur de projet pour une ONG qui travaille en faveur de communautés rurales. Pour financer ses actions, l’association a ouvert un hôtel à Cusco et collabore avec des volontaires. Tiens, tiens, cela me dit vaguement quelque chose... En gros, mis à part le fait que son projet se concentre plus sur le travail social et le nôtre sur les aspects environnementaux, les deux initiatives sont presque identiques. Nous avons donc pas mal de choses à partager.

Mais après cela, trêve de discussion. Il est plus que temps d’aller danser. Notre mini « Barathon » qui nous conduit du Lek au Mythology en passant par le Mama Africa, nous mène jusqu’au bout de la nuit. En effet, lorsque nous sortons de la dernière boite, le soleil commence à se lever. En quatre mois, c’est la première fois que je sors si tard. Il était grand temps de remédier à la chose...


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Jour 125

Le 04/11/11, 0:31

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Ce vendredi 04 Novembre est un jour placé sous le signe de la mémoire pour certains Péruviens. Souvenir des combats du passé, évocation des nombreux autres qu’il reste à porter pour faire du Pérou une terre de justice. En effet, un petit groupe s’est réuni sur la Plaza des Armas pour commémorer le début de la révolte initiée en 1780 par Tupac Amaru II contre les occupants espagnols. Pour diverses associations de défense des populations indigènes, cet évènement est l’occasion de faire une démonstration de force et de se rappeler au bon souvenir de l’opinion publique.

De mémoire, il est encore question ce soir au ciné-club. Dans le cadre du programme, DocumentaPeru 2011, les organisateurs diffusent le documentaire d’Amanda Sanchez « La Cantuta, en la boca del Diablo ». Ce documentaire suit pas à pas le reporter Edmundo Cruz qui, afin de rédiger un livre sur le cas qui l’a le plus marqué dans sa carrière, revient sur les faits du massacre de la Cantuta.

Il y a presque vingt ans, le 18 juillet 1992, neuf étudiants de l’Université la Cantuta et leur professeur furent assassinés par un escadron de la mort mandaté par les services secrets péruviens. Un groupe d’officiers militaires dénonça anonymement le massacre. Mais, le gouvernement de Fujimori démenti ces allégations en prétendant que les victimes auraient orchestré un faux kidnapping et seraient toujours en vie. Cependant, le 08 juillet 1993, la revue « Si » reçu une carte qui situait précisément l’endroit où étaient enterrées les corps des victimes. Les journalistes se rendirent sur place et prévinrent les autorités de la découverte de restes humains sur le site. S’en suivit une enquête qui prouva que les ossements étaient bien ceux des victimes. En 1994, la Cour militaire fut considérée comme la seule autorité compétente pour juger le cas. Elle condamna 10 des assassins à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison. Ces peines ne furent cependant jamais appliquées en raison de l’adoption en 1995 de la loi sur l’amnistie qui prévoyait la libération de tous les militaires et officiers de police condamnés pour des crimes perpétrés dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme », et plus particulièrement contre les agissements du Sentier Lumineux. Il faudra attendre plus de 10 ans pour que justice soit enfin faite. En effet, c’est notamment sur base du cas de la Cantuta que la Cours Suprême du Pérou put demander l’extradition de Fujimori du Chili. Il fut jugé en 2007 et condamné à 25 ans de prison pour violation des droits de l’homme pendant sa présidence.

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Jour 122

Le 01/11/11, 0:19

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Le 1er Novembre, les pays d’Amérique latine, Mexique en tête, célèbrent tous les saints avec une ferveur probablement plus intense qu’en Europe. Au Pérou, ces festivités s’accompagnent d’un folklore surtout gastronomique. C’est l’occasion de manger le lechon (du cochon de lait), des tamales, des figurines en pain appelées T’antawawas et des biscuits décorés. Bref, il y en a pour tous les goûts. Pour ma part, n’étant toujours pas devenue une grande mangeuse de viande, je fais l’impasse sur le lechon. Par contre, les biscuits sur les étalages du marché San Pedro me font de l’œil...



Mais ce qui m’intrigue le plus aujourd’hui, c’est ce qui se passe dans les cimetières. Les familles s’y réunissent pour commémorer leurs morts d’une manière assez festive. On partage des plats traditionnels, en particulier ceux que préférait le défunt, au son de la musique et des prières. En toute honnêteté, je suis partagée entre deux sentiments. D’un côté, je suis très curieuse. D’un autre, cette indiscrétion me pose question. N’est-elle pas irrespectueuse voire malsaine ? J’hésite donc à me rendre sur place. Au-delà du cas de conscience, un aspect pratique me freine également dans mon élan : je n’ai aucune idée d’où se trouvent les cimetières de la ville. Je décide donc de me contenter d’aller flâner en ville.

Mais dans la rue, le fait de voir plusieurs familles bouquet de fleur à la main ravive mon intérêt. Je décide donc d’emboiter le pas à l’une d’entre elles et de la suivre discrètement. Ma filature s’arrête environ 200 mètres plus loin, à l’arrêt de bus... Grimper dans le combi avec ces gens serait probablement pousser le bouchon trop loin. Loin de me laisser abattre par cette première tentative avortée, je décide d’adopter une autre tactique en allant me promener du côté de l’hôpital national. Si mes souvenirs sont bons, quelques semaines auparavant, en cherchant l’endroit sur le plan, j’avais remarqué qu’il était situé près d’un cimetière. Une fois sur place, il n’y aura qu’à suivre à nouveau les « gens aux fleurs ». Mais mon enthousiasme est un peu trop débordant. Dans le quartier, pas l’ombre d’un seul bouquet. Et comme ma conscience continue à me tourmenter encore un peu, je jette l’éponge. On se contentera aujourd’hui du concert qui a lieu sur la Plaza San Francisco.

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Jour 121

Le 31/10/11, 4:09

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Aujourd’hui est un jour un peu spécial au Pérou, celui d’Halloween ou celui de la chanson criolla, c’est selon les goûts... En effet, pour combattre l’invasion de la fête commerciale « made in US », les Péruviens ont adopté une stratégie peut-être plus efficace que le boycott généralement prôné en Europe. Ils ont inventé une nouvelle célébration pour la contrecarrer. C’est ainsi qu’est née la fête de la chanson criolla. Par «criolla», on entend de la côte, et plus précisément les airs issus de la fusion entre les musiques européens et africains au Pérou. Il s’agit d’un style tout-à-fait différent des rythmes andins (ou amérindiens), plus caractéristiques des régions montagneuses (et avec lesquels, j’ai personnellement peu d’atomes crochus). Par conséquent, les airs criollos sont surtout mis à l’honneur à Lima. A Cusco, c’est Halloween qui l’emporte.

Et les festivités commencent très tôt. Toutes les caissières du supermarché travaillent grimées. De nombreuses mamans emmènent à l’école leurs petits bouts qui arborent fièrement leur plus beau déguisement. Le Spiderman est très en vogue cette année...

En soirée, les rues sont particulièrement animées. Les costumes et les masques sont de sortie. La Plaza de Armas est noire de monde. Petits et grands s’y sont tous retrouvés. C’est à croire qu’une grande partie de la ville a finalement succombé aux tentations des coutumes importées. Seul petit bastion de résistance, sur la place Regocijo, un groupe de musiciens joue du cajón, un instrument de percussion en forme de caisse, symbole de la musique criolla. Mais il y a aussi d’autres exhibitions d’un genre un peu moins conventionnel. Par exemple, le fan club du groupe musical Sud-coréen SS501 reprend les chorégraphies de ses idoles dans la rue.


Après un petit tour en ville pour m’imprégner de l’ambiance, je rejoins mes amis au Muse. C’est le dernier soir de Pablo à Cusco, je me devais d’être là. Apparemment, ce serait aussi celui de Yann mais, comme à son habitude, il n’arrivera que plus tard. Il est encore en pleine séance maquillage... Je suis une des rares à ne pas être déguisée. L’intention y était mais je n’ai pas vraiment eu le temps de trouver un déguisement. Par contre, mes amis ont rivalisé d’ingéniosité pour se distinguer de la masse. Notamment Leo et Paul dans leur costume de ninja. Ils remporteront d’ailleurs le concours du meilleur déguisement organisé par le bar.

J’avoue que ce soir, je découvre Paul sous un nouveau jour. Moi qui voyais le petit (enfin, pas si petit) Australien comme un mec timide et très posé, quel n’est pas mon étonnement de le voir grimper sur la scène pour nous gratifier de quelques mouvement de « robot dance » plutôt réussis. Ce à quoi je ne m’attendais pas non plus, c'est de me retrouver à mon tour sur cette même scène quelques minutes plus tard, poussée par l’enthousiasme (un peu trop) débordant de Frankie...





Vers 2h du matin, les rangs commencent à se défaire. Il est grand temps que les coloc’s de Frankie la ramène chez elle. Mais Pamela et moi, sommes encore en état de faire la fête. Nous suivons donc Leo et Paul dans un autre bar. Ils sont encore complètement dans leur trip... Dans ces conditions, difficile de passer inaperçu sur la Plaza de Armas. Le déplacement à la ninja n’est-il pourtant pas censé permettre de se mouvoir ni vu, ni connu ?


Nous débarquons à l’Ukukus, une des boîtes les plus connues de Cusco qui vient tout juste de rouvrir ses portes. L’endroit est parait-il très prisé. Et en effet, il faut montrer patte blanche pour pouvoir entrer. Mais Leo semble connaître tout le monde ici, du videur au DJ. Nous passons donc le comité d’accueil sans entrave. Leo n’est pas nécessairement la personne avec qui je m’entends le mieux parmi les couch surfers mais sur ce coup-là, il gagne des points... Et la boîte en effet vaut le coup. Il faudra revenir...

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Jour 120

Le 29/10/11, 2:54

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Encore un lever difficile... Je commence à vraiment subir le contrecoup de cette semaine de folie. Mais aujourd’hui c’est la révision du plan de développement touristique de chaque communauté en présence de tous nos bénéficiaires. Même si Erland me propose de rester à Sta Ana pour me reposer, je ne veux pas manquer à l’appel. A tort peut-être car, au final, il s’agit plus d’un acte de présence qu’autre chose. Je passe ma matinée à travailler sur mon PC en écoutant d’une oreille discrète les présentations des étudiants.

Sur le chemin du retour, je ne peux m’empêcher de piquer du nez dans la voiture. Qu’est-ce que je donnerais pour pouvoir faire une petite sieste. Mais nous sommes invités ce soir par Goyo à Ollantaytambo à l’occasion de la fête d’anniversaire de la ville. Le temps de garer la camionnette à Sta Ana et nous repartons pour la gare routière... Heureusement, je vais pouvoir me reposer un peu pendant le trajet d’une heure et demi jusqu’à Ollenta. Ce sera encore l’occasion d’impressionner Erland par ma capacité à dormir n’importe où, n’importe quand et dans presque n’importe quelle position...

Lorsque nous arrivons à Ollantaytambo, la fête bat son plein. Un groupe se produit sur la grande scène installée sur la place principale. Les gens dansent dans la rue. Certains titubent déjà un peu. Les effluves de bière qui se dégagent des ruelles ne laissent guère de doute sur la raison de leurs vacillements.


Nous allons déposer nos affaires chez Goyo qui nous attend en compagnie de Beatriz. Comme promis, la maman de Goyo a préparé pour nous le fameux cuy. C’est l’heure du verdict... En fait, en dépit de mes appréhensions, ce n’est pas mauvais. Mais à mes yeux, ce n’est pas non plus, le délice que mes amis péruviens m’avaient vanté. Bref, ça se laisse manger. Sans plus.

Je m’attends à ce que l’on regagne ensuite la place principale pour se joindre à la fête. Mais une pluie torrentielle en a décidé autrement. De toute façon, Erland et Beatriz ne sont pas fans des bains de foule. Comme nous avons en outre de quoi faire la fête dans notre coin, nous restons à la maison en compagnie d’une bonne bouteille de rhum.

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Jour 119

Le 28/10/11, 1:53

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Vendredi nous avons prévu de nous rendre au vivier de Maras pour suivre une formation organisée par les ingénieurs responsables du projet. Il est intéressant pour nous de connaître mieux cette autre initiative de CENPRODIC pour éventuellement la présenter à nos futurs touristes tout comme à nos bénéficiaires.

Mais Erland me passe un coup de fil aux petites heures du matin pour m’annoncer que la formation est finalement annulée. Je réponds de ma voie la plus caverneuse car je suis encore au lit. Quelle heure peut-il bien être ? Six heures moins dix... Ici, il ne semble pas y avoir d’heure convenable pour appeler quelqu’un. Aurelio n’a par exemple eu aucun scrupule à réveiller Erland à cinq heures et demi pour le prévenir du changement de programme. Pire encore, si Erland n’avait pas répondu, je suis persuadée qu’Aurelio le lui aurait reproché...

Le plus ennuyeux dans cette histoire est que nous avions proposé à Guru de l’emmener en compagnie de ses amis à Maras. Il va falloir que je lui explique que nous ne sommes plus en mesure de le faire. Moi qui pensais pouvoir gagner des points grâce à cette initiative... Je suis un peu confuse du peu de fiabilité dont nous faisons preuve. Pour essayer de rattraper le coup, j’emmène moi-même nos touristes à la station de bus et me débrouille pour leur trouver un transport à un prix raisonnable.

Il est donc sept heures et demie quand je rentre à Sta Ana pour me mettre enfin au boulot et j’ai déjà une heure de marche dans les pattes... De toute façon, je ne me fais guère d’illusions quant à mon programme qui aujourd’hui encore ne sera probablement pas respecté. Il en a été ainsi pendant toute la semaine. Et pourtant, j’ai l’impression de ne pas avoir arrêté une minute. Il n’y a pas de miracle : pendant qu’Erland, Rosa et moi-même passons notre temps à terminer l’équipement de l’hospedaje, nous n’avançons pas au niveau de notre travail respectif.

Nous sommes justement en train de parler de toutes ces choses avec Erland et Rosa en plein séance d'achats au magasin de bricolage lorsque nous sommes interrompus par une secousse sismique. C’est ma première expérience du genre ici au Pérou. Honnêtement, si Erland et Rosa ne me l’avaient pas fait remarqué, je ne me serais même pas rendue compte que la terre venait de trembler. Mais ils ont raison. Le balancement de tous les écriteaux suspendus au plafond le prouve. Si à Cusco cette secousse relève plutôt de l’anecdotique, à Ica, près de l’épicentre, le séisme a eu une magnitude de 6.9 sur l’échelle de Richter. Ce qui n’est pas rien. Il n’y a cependant aucun mort à déplorer, juste 103 blessés légers et 134 maisons d’adobe détruites.

Lorsque nous arrivons au marché El Molino, une agitation inhabituelle règne au « rayon » TV-Hifi-Vidéo. Beaucoup de gens s’y sont réunis pour suivre, cette fois, la retransmission en direct de l’enterrement de Ciro Castillo Rojo, épilogue d’un fait divers qui met tout le Pérou en émoi depuis près de six mois. En effet, on vient tout juste de retrouver le corps de cet étudiant décédé en montagne dans des circonstances assez troubles. Partis en trekking dans le canyon de Colca, Ciro et sa petite copine, Rosario, avaient été portés disparus au début du mois d’avril. Trente jours plus tard, une équipe de sauveteurs avait localisé Rosario, vivante, mais Ciro restait introuvable. La récente découverte de son corps vient de relancer la polémique : Ciro est-il tombé tout seul ou a-t-il été aidé par Rosario ? A l’heure actuelle, le mystère demeure.

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Jour 117

Le 26/10/11, 1:00

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Après avoir travaillé deux jours de suite jusqu’à presque deux heures du matin, je suis vraiment claquée. Cette journée s’annonce pourtant encore mouvementée puisqu’il faut à nouveau apprêter une chambre pour deux potentiels nouveaux visiteurs.

Le manque de sommeil commence cependant à me mettre un peu à cran. Cette fois, c’est le Señor Javier qui en fait les frais. Je n’arrive pas à faire comprendre aux membres de l’ONG que, contrairement à eux, les touristes ne se lèvent pas aux aurores. Qu’ils sont en vacances pour se reposer et que, par conséquent, il faut arrêter de hurler dans les couloirs. Aujourd'hui, le Señor Javier prend pour tous les autres.

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Jour 116

Le 25/10/11, 0:56

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La journée commence à nouveau par une vidéo-conférence encourageante. J’ai un entretien avec une potentielle future volontaire. La personne présente un profil idéal pour donner un coup de pouce bien nécessaire à l’équipe technique. Elle semble très motivée et sur la même longueur d’onde que nous.

Avec la Señora Rosa et Erland, nous partons ensuite faire du lèche-vitrine. En effet, nous devons établir un budget de ce qu’il nous reste à acheter pour équiper notre hôtel ainsi que la casita verde. Pour ce faire, nous devons faire la « cotización » comme on dit ici. En d'autres termes, il s'agit d'aller vérifier le prix de chaque article dans différents magasins pour pouvoir ensuite demander au directeur de l’ONG d’en autoriser l’achat. C’est un exercice particulièrement fastidieux qui nous prendra le reste de la matinée et toute l’après-midi. Mais au moins cela m’aura permis de voir la seule véritable grande surface de Cusco, un magasin de matériaux de bricolage et de construction qui n’a rien à envier à nos GAMMA et autres Mr. Bricolage.

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Jour 114

Le 23/10/11, 0:45

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Rien de tel que de commencer un dimanche de farniente par un brunch dans un endroit sympa. C’est pour cela que j’ai lancé une sortie le dimanche midi au restaurant Aldea Aldea Yanapay. Le temps d’un repas, cet endroit aux allures d’énorme coffre à jouet vous fait retomber en enfance. La décoration est des plus colorées et il y a des peluches absolument partout. En plus, la cuisine est assez soignée et on a la satisfaction de soutenir un projet en faveur d’enfants démunis. C’est un exemple de réussite qui devrait inspirer CENPRODIC...

En plus de deux de mes compères de la veille, Frankie et Pamela, Cintia se joint à la tablée. Cet Argentine très sympa connait bien la Belgique pour y avoir travaillé pendant un an au sein de la société Inbev. C’est le genre de personne avec qui on peut parler de tout : de l’expérience professionnelle de Pamela sur un bateau de croisière 6 étoiles pendant six mois, des problèmes de prostitution à Cusco, des salons de beauté du centre-ville...

Un des thèmes sur lesquels je suis tout à fait d’accord avec elle est le peu d’intérêt qu’a « voyager pour voyager ». Au contact de tant de routards et globe trotteurs, l’une comme l’autre en sommes arrivées à la conclusion que poser son baluchon pour un certain temps dans un nouveau pays et y apprendre comment est la vie là-bas est probablement bien plus riche que de crapahuter de ville en ville sans vraiment pouvoir s’imprégner d’un lieu. Et cela tombe bien puisque c’est le mode de voyage que nous avons choisi l’une comme l’autre.

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Jour 113

Le 22/10/11, 0:34

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Jae et Guru me mettent ce matin quelque peu sous pression. Lorsqu’ils étaient venus visiter l’hospedaje mercredi, c’était la kitchenette de la casita verde qui les avait convaincus de séjourner chez nous. Comme je leur avais dit que les travaux seraient finis pour le week-end, ils ont invité des amis à manger ce soir. Quoi qu’il arrive, il faut donc que la cuisine soit prête. Ce qui est loin d’être le cas pour l’instant. Entre autres problèmes, nous ne parvenons pas à régler l’alimentation en gaz du petit réchaud qui tient lieu de cuisinière.

Comme nous avions d’ores et déjà prévu, le Señor Delfin et moi, d’aller acheter aujourd’hui du mobilier pour cette fameuse cuisine, je me dis que ce sera l’occasion de régler le souci. Mais le Señor Delfin est en mode promenade aujourd’hui. Au lieu d’aller directement au magasin où nous avions repéré il y a plusieurs semaines un buffet qui conviendrait parfaitement à la casita verde et qui serait dans notre budget, il m’emmène dans un tas de dépôts où les meubles sont plus chers les uns que les autres. Le temps passe et il ne se rend pas compte que si la cuisine n’est pas prête, nous allons au-devant d’un fâcheux malaise. Moi, par contre, je suis sur des charbons ardents et insiste lourdement (et pas nécessairement sympathiquement) pour qu’on s’occupe de la cuisinière et non du mobilier.

Vers 18h, comme prévu, les invités de Jae et Guru commencent à arriver. Les deux compères sont derrière les fourneaux pour concocter un plat de leur pays respectif. Je n’accompagne nos nouveaux visiteurs que le temps d’une bière car ce soir j’ai organisé une sortie avec les Couch Surfers.




Nous sommes d’abord censés nous retrouver au Real MacCoy pour un repas et/ou un verre. Mais à 20h, je suis la seule dans les parages. Heureusement, Frankie qui travaille depuis peu dans le pub n’a pas encore terminé son service et me tient compagnie entre deux commandes. Nous sommes ensuite rejointes par Leo puis Anabel et Octavio. La semaine a été longue pour la plupart d’entre nous. Nous sommes tous avachis dans le canapé. Le seul qui a l’air plein d’énergie est Leo qui est une vraie pipelette. Dans son flot de paroles, le seul truc qui m’intéresse est sa proposition de m’envoyer un groupe de touristes nationaux à l’hospedaje de Sta Ana. Il n’est peut-être pas de très bonne augure que je commence à faire du business pendant mes sorties nocturnes. En effet, c’est une bien trop bonne excuse pour sortir jusqu’à pas d’heure en ayant bonne conscience...

Un ami d’Octavio vient renforcer l’équipe. Si l’orientation sexuelle de notre copain brésilien ne fait guère de doute, celle de nouvel arrivant est plus énigmatique. Ce sera le sujet d’un grand nombre de messes basses. Alors, gay ou pas gay ? C’est le seul mec un peu mignon du groupe. Evidemment,il s'avère finalement être homosexuel.

Vers 23h, nous décidons de changer de crémerie pour nous rendre à The Muse puis au Mythology. Les deux endroits sont bondés. Les mecs sont collants. Il faut se battre pour se ménager un espace de survie au danser. Ce n’est pas une soirée exceptionnelle pour moi.

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Jour 112

Le 21/10/11, 7:04

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Ce matin, je me suis levée de bonne heure pour assister à un séminaire sur le thème « inclusion et développement » organisé dans le cadre de la journée mondiale du refus de la misère. La première conférence est censée commencer à 7h45. Les organisateurs de l’évènement arrivent sur place à 8h15. Hora peruana... J’assiste donc à tous les préparatifs. A première vue, il me semble y avoir ici moins de professionnalisme qu’au sein de Huaman Poma, moins de moyens aussi. L’un explique peut-être l’autre...

Mais peu à peu, je me laisse convaincre par les ONG présentes. ATD Cuarto Mundo, l’un des principaux instigateurs du séminaire, cherche à mettre les plus nécessiteux au cœur du combat contre la misère. Si cette démarche semble des plus logiques, elle n’est pas nécessairement des plus habituelles. Ainsi, l’association invite « un pauvre » à la table des orateurs. Personnellement, c’est la première fois que je vois cela.

Les deux premières conférences se déroulent de la même façon. Un invité issu des classes les plus défavorisées de la région expose ses conditions de vie. Les trois membres d’un panel d’experts sont ensuite amenés à réagir à ce témoignage avant de répondre aux questions du public. La première intervention est faite par un porteur qui exerce son métier dans un des nombreux marchés de la ville. Il décrit à quel point lui et ses collègues sont dénigrés par leurs employeurs et les clients du marché qui n’hésitent pas à les insulter ou les qualifier de bêtes de somme. De plus, ces travailleurs sont totalement invisibles aux yeux des autorités qui ne font rien pour que les lois qui veillent à leur sécurité ou à une juste rétribution de leur labeur soient respectées. Les membres du panel sont justement des représentants des autorités municipales ou régionales. Mais leur réaction est plutôt langue de bois...

Le deuxième exposé est fait par le représentant d’une communauté paysanne. Il explique qu’en tant qu’indigène parlant principalement le Quechua, il subit de nombreuses discriminations en matière d’accès à l’éducation, à la santé et à l’emploi. Il rapporte à quel point l’enseignement dans les écoles rurales, où les enseignants hésitent rarement à frapper les enfants, peut laisser à désirer. Il commente également que dans les hôpitaux, puisqu’elles ne peuvent expliquer leurs maux qu’en Quechua, les populations indigènes sont souvent mal reçues lorsque qu’on ne refuse pas tout simplement de les examiner.


Le séminaire se clôture par une conférence du sociologue Hector Bejar qui tente de donner une définition de l’exclusion, de déterminer qui sont les exclus dans la société péruvienne et d’imaginer comment serait le Pérou sans exclusion.

Ma journée se poursuit par un rendez-vous avec les représentantes d’une école d’espagnol que j’ai récemment contactées. Une fois de plus, je me rends compte que le milieu des écoles d’espagnol est sans pitié. Mes interlocutrices m’expliquent qu’elles viennent tout juste de se lancer sur le marché après avoir été licenciées de façon injuste par une autre école très connue ici à Cusco. Evidemment, elles critiquent leur précédent employeur, surtout au niveau de sa politique envers les volontaires. Lorsque j’avais rencontré leur ancien patron (un Belge qui plus est), il m’avait pourtant fait bonne impression. Difficile de savoir dans cette histoire qui sont réellement les victimes et les coupables. Je sais que l’instinct dans ce genre de situation est loin d’être mon fort. Mais j’ai envie de donner une chance à ces trois mères célibataires. De toute façon, l’autre école n’a pas vraiment besoin de nous...

Après ma réunion, je file au centre-ville. Comme chaque vendredi, j’ai proposé aux Couch Surfers qui le souhaitent de m’accompagner au ciné-club. Et pour une fois, j’ai eu du succès. Nous sommes six à aller voir le film allemand « delisiciosa Martha ». Cette comédie romantique est assez sympathique. Mais pour la plupart de mes compagnons, l’histoire est connue car un remake a été fait avec Catherine Zeta-Jones. Oups...

Après le film, nous décidons d’aller grignoter un truc dans un salon de thé. La conversation va bon train. C'est pour moi encore l'occasion de me rendre compte à quel point il est facile de tomber dans le cliché lorsque l’on n’est pas natif d’un pays. Je discute avec Yuri qui est agronome de formation et lui annonce très fièrement que nous avons découvert parmi nos bénéficiaires un producteur de pommes-de-terres natives. Très gentiment, il me répond que c’est le cas de la plupart des paysans andins. Je suis quelque peu désarçonnée par cette déclaration qui va à l’encontre de tout ce que j’ai entendu depuis mon arrivée. Mais en approfondissant le sujet avec Yuri, je me rends compte qu’à ce niveau, les communautés avec lesquelles je travaille sont l’exception à la règle générale qui veut que les paysans, visant en premier lieu l’autosuffisance alimentaire, continuent à cultiver diverses variétés de pommes-de-terres. Les communautés bénéficiaires de notre projet, elles, se situent dans la zone où l’on produit les pommes-de-terres pour l’exportation. Cela explique pourquoi elles cultivent presque exclusivement des pommes-de-terres améliorées. Comme quoi, je prenais pour une réalité péruvienne, le cas spécifique des rares communautés que je fréquente.

A part sur ce point, le pauvre Yuri n’a guère voix au chapitre ce soir. Nous sommes cinq filles pour un seul garçon. Et au niveau des conversations, on a presque l’impression de se trouver dans un épisode de « Sex and the City ». On n’arrête pas de parler de mecs et de faire des comparaisons entre les Péruviens et les Européens. Pas étonnant que Yuri n’aie pas l’air trop à l’aise. Je crois qu’il atteint le point culminant de l’embarras lorsque Jackie nous fait part d’un tuyau que seules quelques rares privilégiées cusquéniennes doivent connaître. Elle connait le meilleur endroit où se rendre les jours où le Cienciano, l’équipe locale de football, joue à domicile : le spa où les joueurs vont profiter du sauna après leur match. Et apparemment, cela en vaut la peine. Rien que d’en parler, Jackie a les yeux qui brillent...

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Jour 111

Le 20/10/11, 6:35

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Ce matin, j’ai un rendez-vous avec plusieurs responsables de l’Académie des Beaux-Arts. Mon idée est de faire de notre « hospedaje » une sorte d’hôtel boutique où les élèves de l’école pourraient exposer leurs œuvres dans l’objectif de les vendre à nos visiteurs. La proposition semble plaire à mes interlocuteurs qui me font différentes suggestions en ce sens. Nous sommes sur la même longueur d’onde mais il y a cependant un petit bémol, d’ordre pécunier. La collaboration ne pourra se réaliser que si nous finançons le matériel. Je me doutais bien que d’une manière ou d’une autre, nous devrions mettre la main au portefeuille. Maintenant, il faut voir dans quelle mesure nous pouvons le faire. Malgré ce point négatif, je reste emballée par ce projet, convaincue que chacune des parties aurait beaucoup à gagner dans ce genre d’association.

Nous consacrons une bonne partie de l’après-midi à acheter des ustensiles pour équiper la cuisine de la casita verde. Comme Rosita et moi sommes les deux seules femmes au bureau, c’est évidemment à nous que la mission est confiée. On change difficilement les vieilles mentalités... Mais, à vrai dire, je suis bien contente d’être accompagnée de Rosa qui doit être bien plus à l’aise que moi au fourneau et qui a l’air de savoir de quoi elle parle. Il est juste intéressant de voir comment ses choix sont influencés par la cuisine péruvienne. Elle considère comme primordiaux certains articles que personnellement je n’aurais même pas regardés. Etant donné que Rosa s’est débrouillée pour que nous soyons largement en dessous du budget prévu, je ne la freine pas dans ses achats. De plus, puisque la maison est destinée à un public international, il faut essayer d’adopter une certaine ouverture d’esprit. D’autres étrangers estimeront peut-être aussi le sucrier comme un must...

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Jour 110

Le 19/10/11, 0:51

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Ce matin, je suis sur le pied de guerre car j’attends la visite de deux potentiels clients. Nos deux visiteurs nous viennent d’Asie. Jae et Guru sont respectivement Sud-Coréen et Indien. Après de âpres négociations, je parviens à convaincre les deux amis de séjourner chez nous au moins deux semaines. Ils viendront s’installer vers 18h. En attendant, la course contre la montre commence. Il faut terminer d’équiper la chambre. En effet, il manque quelques accessoires et un petit coup de ménage ne serait pas du luxe. Heureusement, dans cette affaire, j’ai une alliée de choix, Rosita qui n’a jamais peur de mettre la main à la pâte. C’est une chance de pouvoir se reposer sur elle car à 13h nous partons pour Maras pour réaliser avec les bénéficiaires du projet TURURAL leur plan de développement touristique.

A Maras, je dois avouer que le travail est vite expédié. Pour que nos deux toutes jeunes bénéficiaires terminent leur tâche dans un délai raisonnable, Indira tente d’éviter les «interactions » avec les garçons. Leur présence déconcentre les filles. D’ailleurs, je me demande bien à qui ce petit jeu de séduction plait le plus. Aux deux demoiselles ou à mes chers collègues ? Je peux comprendre l’émoi des deux adolescentes qui se font légèrement draguer par deux gars plus âgés. Par contre, le comportement d’Erland et Goyo me pose un peu plus question. Après tout, ils ont la trentaine alors qu’elles ont environ seize ans... Mais je crois qu’en la matière, ma façon de voir les choses est clairement européenne peut-être pas des plus pertinentes ici.

Le soir, je rejoins Jae et Guru à la réunion du Couch Surfing. Contrairement à la semaine dernière, il y a cette fois pas mal de monde (dont un petit Carolo). Si bien que je me laisse entraîner en boîte par le groupe. Nous débarquons au Mythology en plein quart d’heure 80’s. La musique n’est apparemment pas du goût de Jae et Guru qui prennent leurs jambes à leur cou. Ils sont probablement loin de se douter qu’il n’y a pas tant l’embarras du choix. Cusco tant réputé pour sa vie nocturne s’est vu privé, ces dernières semaines, de la moitié de ses boîtes qui ont été fermées par la municipalité. La polémique fait ici grand bruit et suscite le débat. Certains avancent que ces mesures vont tuer le tourisme et mettre beaucoup de gens au chômage. D’autres affirment qu’il s’agit d’une manœuvre financière visant à faire baisser le prix de ces établissements au profit de personnes connectées d’une manière ou d’une autre à la municipalité. Finalement, un autre groupe pense que cela ne serait pas arrivé si les propriétaires des night clubs payaient leurs impôts comme il se doit et mettaient leur discothèque aux normes. En temps normal, j’adopterais probablement ce dernier avis. Mais ici, il y a tant de corruption... L’Etat sert souvent des intérêts encore plus privés que ceux défendus par le secteur privé lui-même. Dans ce contexte, je comprends que l’on puisse hésiter à payer ses impôts.

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Jour 109

Le 18/10/11, 8:32

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Depuis quelques jours, il fait un temps exceptionnellement beau. C’est le veranillo, une sorte d’été indien qui a lieu pendant quelques semaines en octobre ou novembre. J’adore ce climat de vacances. Quel n’est donc pas mon étonnement en voyant à mon arrivée au supermarché les caissières porter des chapeaux de sorcières à l’occasion d’Halloween qui s’annonce bientôt. Cela fait une drôle d’impression...

Comme je suis pour l’instant dans une phase intello, je participe aujourd’hui encore à un séminaire. Mais cette fois, il ne s’agit pas de culture ni d’anthropologie mais d’architecture et de construction. Et oui, c’est à mes yeux un des grands intérêts de mon travail qui me pousse à m’informer sur des thèmes aussi nombreux que variés, de la préservation de l’identité culturelle andine à la construction de maisons « améliorées» (comme ce sera le cas aujourd’hui).

Etant donné que le séminaire a lieu dans le cadre Luegolandia, une exposition sur le thème de ce que sera, ou ce que devrait être, le Cusco de demain, j’en profite pour visiter les salles de l’Hôtel Cusco spécialement réaménagées à cette occasion. L’expo s’adresse en priorité aux écoliers. C’est donc tout naturellement que je me joins à un groupe scolaire pour profiter des explications de leur guide. C’est également l’occasion de voir comment se fait ici la sensibilisation environnementale auprès des plus jeunes.


Le séminaire est une fois de plus organisé par l’ONG Guaman Poma de Ayala. Décidément, je deviens complétement fan de leur action, notamment du volet du renforcement institutionnel auprès des autorités locales et organisations sociales. Comme quoi, si je ne me gêne guère pour critiquer les faux pas des ONG, je sais aussi reconnaître la valeur d'un bon travail.

La séance s’ouvre par un état des lieux du logement populaire à Cusco. L’élaboration d'habitations pour les classes moins favorisées est une question complétement négligée par les autorités qui voient la construction comme un outil de développement économique et non comme un instrument de résolution des problèmes sociaux. Au Pérou, il n’y a pas de véritable carence de logements mais le parc immobilier est de particulièrement mauvaise qualité. Dans ce domaine, les systèmes de financement promus par l’Etat ne s’adressent qu’aux classes moyennes ou aisées. En conséquence, les plus pauvres n'ont d'autre choix que de construire de leur côté avec « les moyens du bord ». En outre, dans la vallée cusquénienne, la quasi-inexistence de planification du développement urbain implique une croissance totalement désordonnée de la ville. Dès lors, la précarité des habitations n’a de cesse d’augmenter.

Ainsi, à Cusco, les populations à faible revenu économique se concentrent dans deux zones : le centre historique et les hauteurs en périphérie de la ville. Le centre historique est de plus en plus déserté par sa population traditionnelle qui y occupe des maisons insalubres qu’elle ne peut rénover en raison des nombreuses contraintes imposées pour la préservation du patrimoine culturel. L’envolée des prix des loyers dans ces quartiers très convoités par les grandes entreprises touristiques est également une raison qui pousse cette population à s’exiler à d’autres zones dans la vallée. Ainsi, la vieille ville se convertit peu à peu en une sorte de musée sans vie où seules les géants du tourisme, favorisés par la municipalité, ont voix au chapitre. En périphérie, les logements populaires se situent dans des zones particulièrement pollués, peu accessibles aux services d’approvisionnement en eau, en électricité ou de collecte des déchets. Sans parler du fait que ces habitations sont souvent construites dans des zones à risques. En effet, à Cusco, plus de 40% des logements sont situés dans des zones exposées aux risques d’inondation, de glissement de terrain ou aux risques sismiques.

Ces maisonnettes où s’entassent des familles nombreuses manquent évidemment d’intimité mais aussi bien souvent de la plupart des services de base. Peu de logements sont, par exemple, équipés de sanitaires et de système d’évacuation des eaux usées. Les habitants en sont donc réduits à faire leurs nécessités physiologiques dans des sacs en plastique.

Il est donc grand temps d’agir. Dans un contexte où la majorité des maisons sont réalisées en auto-construction, le principal obstacle auquel les classes populaires doivent faire face est le non-accès aux informations qui leur permettraient d’élaborer de meilleures habitations à base de matériaux traditionnels et peu onéreux. En outre, il faut agir au niveau des titres de propriétés des édifices et terrains à bâtir. En effet, 90% des logements populaires n’apparaissent pas dans les registres cadastraux ce qui empêche les propriétaires d’avoir accès aux prêts immobiliers tout comme aux programmes d’aide à la construction.

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Jour 106

Le 15/10/11, 8:01

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Nous nous rendons aujourd’hui à Cruzpata pour faire le plan de développement touristique de la communauté. A notre arrivée, la Señora Rosa nous annonce que deux des participantes sont en voyage de promotion et que nous devrons donc faire le travail avec elle et Beatriz uniquement. Et encore, c’est un bien grand mot car la Señora Rosa ne quitte pas ses fourneaux et Beatriz a un peu trop fait la fête la veille. Je ne lui jette pas la pierre, cela m’arrive aussi. D’ailleurs hier, même si nous ne nous sommes pas croisées, nous étions au même concert... Je suis juste rentrée un peu plus tôt qu’elle. Bref, Beatriz n’a vraiment pas la tête à la tâche et argumente que l'eercice doit être collectif et qu’elle ne peut le réaliser seule sans prendre en compte l’avis des autres participants de la communauté. En soi, elle a raison mais nous, de notre côté, nous avons un programme à respecter et, vu la limitation de notre budget carburant, nous ne pouvons pas nous permettre un voyage à Cruzpata pour des prunes.

Au prix de longues négociations, nous arrivons à convaincre Beatriz de réaliser une première ébauche du plan et de le compléter par la suite avec les autres membres de la communauté. Le travail est des plus laborieux... A onze heures, une première pause s’impose. Beatriz a besoin d’un break, personne n’a déjeuné et les odeurs de nourriture émanent déjà des casseroles de la Señora Rosa. A table ! Au menu, bouillon et mote.

Après le repas, Erland m’appelle à l’extérieur. C’était l’anniversaire d’Indira la veille. Les garçons se proposent d’aller chercher quelques bières pour fêter cela. En plus, ce sera l’occasion de contribuer d’une certaine façon au repas, car c’est déjà la quatrième fois que la Señora Rosa nous invite. Seul petit problème, les réjouissances s’éternisent un peu trop. Normalement l’atelier ne nous prend qu’une matinée. Là, il est 13h30 et nous sommes à peine à la moitié de notre besogne. Moi qui avais prévu d’assister pendant l’après-midi à la deuxième séance du Congrès des Jeunes, je crois que ma participation est maintenant plus que compromise.

Il est un peu plus de 15h lorsque nous pouvons enfin remballer notre matériel. Mais nous ne sommes toutefois pas encore partis pour la cause. Il faut faire honneur au plat de résistance que la maîtresse de maison a préparé à notre attention. Si j’avais su, je ne me serais pas empiffrée de mote à midi... Alors que nous terminons le repas par un maté bien chaud, Erland reçoit un appel de sa copine qui se demande où il a bien pu passer. Ce premier appel est bientôt suivi d’un second, d’un troisième puis d’un quatrième. Là, c’est clair, il faut vraiment qu’on y aille si on ne veut pas avoir une scène de ménage sur la conscience.

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Jour 105

Le 14/10/11, 7:50

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Après une matinée de travail au bureau et une mise au point avec Erland sur notre programme de volontariat, je décide de me rendre au 6e Congreso de los Jóvenes del Valle Cusco (Congrès des Jeunes de la vallée de Cusco). Le thème de cette édition est « nouvelles formes de penser et sentir notre culture ».

La rencontre a lieu dans le quartier de Santiago que je ne connais pas encore. Je prends donc mes précautions pour être certaine d’arriver à temps. Résultat des courses, je suis sur place avec plus d’une demi-heure d’avance. Comme il fait un temps magnifique, je décide de prendre le soleil en observant les passants sur une petite place à deux pas du collège où est organisé le congrès et située juste en face de l’hôpital national. De nombreux patients se rendent à leur consultation, parfois en se déplaçant à l’aide de béquilles de fortune. Ce qui me frappe particulièrement ce sont les enseignes des magasins de la place. Dans de nombreuses rues de Cusco, on se croirait encore au temps des corporations où telle ou telle artère était aux mains de tel ou tel corps de métier. Ainsi, sur une certaine avenue, se regroupent de nombreux garagistes, sur une autre plusieurs boulangers, et ainsi de suite. Dans le cas des environs de la place où je me trouve, en raison de la proximité de l’hôpital, les établissements qui pullulent sont les pharmacies, les fleuristes et les funérariums. C’est d’une logique implacable...

Avec près d’une heure de retard, le congrès commence par une conférence sur les politiques culturelles d’inclusion donnée par l’écrivain Lucho Nieto Degregori. L’orateur est un des organisateurs du séminaire sur les politiques culturelles auquel j’avais participé il y environ un mois et demi. Et en quelques semaines, son point de vue n’a pas vraiment changé. Il reste convaincu que malgré ses progrès dans le domaine économique, le Pérou a encore un long chemin à parcourir sur la voie du développement. Il reste un des pays les plus inégalitaires au monde, atteint de deux cancers particulièrement insidieux que les Péruviens se refusent à voir : le racisme envers les populations indigènes et le machisme, qui seraient responsables de la majorité des disfonctionnements de la société péruvienne. Pour le conférencier, la culture est une des réponses à ces maux de par le double rôle socialisateur qu’elle joue. En effet, la culture nous socialise et fait de nous ce que nous sommes et en même temps elle peut également déconstruire ce qu’elle a elle-même socialisé. Ainsi, malgré le fait que les Péruviens soient baignés depuis tous petits dans des idéologies racistes et machistes en raison de leur culture, celle-ci peut également jouer un rôle de remise en question de ces mêmes concepts.

Le politologue Jesus Manya prend ensuite le relais pour discourir sur le concept de bonne gouvernance. Sa présentation me semble un peu plus brouillonne que celle de son prédécesseur mais les idées maitresses que j’en dégage sont que le Pérou connait de grands problèmes de gouvernabilité à tous les niveaux du pouvoir, y compris au sein de la société civile. Dans ce contexte, la défense des droits doit être une préoccupation permanente puisque rien n’est jamais acquis à ce niveau. L’information est une arme importante dans ce combat car, pour pouvoir changer un pays, il faut d’abord le connaitre. Ainsi, la nouvelle génération pourra doter le pays d’un appareil d’Etat plus performant, porté par des gens qualifiés et un système de partis cohérent. C’est du moins là, la lourde tâche qui lui incombe.

Je m’éclipse vite fait à la fin de la présentation car j’ai rendez-vous au cinéma avec Frankie. Nous allons voir un film de Federico García Hurtado. Après avoir assisté à la conférence de la veille, je me devais de voir au moins un de ses long-métrages. Mon choix s’est porté sur une de ses œuvres les plus récentes, « el Socio de Dios » (l’Associé de Dieu). En chemin, je me fais héler par un jeune homme. Il s’agit de Manuel que je n’ai pas reconnu. Etant donné que, pour changer, je ne suis pas à l’avance, je lui propose de m’accompagner et il m’emboite le pas. Lorsque nous arrivons au Musée Inca où est projeté le film, on nous annonce que celui-ci commencera avec une heure de retard. Nous nous installons donc pour papoter. Discuter avec Manuel est toujours aussi agréable. Il me raconte ses histoires de cœurs...

Frankie nous rejoint pour le début du film. Malgré de gros efforts de concentration, j’ai beaucoup de mal à comprendre toute l’intrigue. En gros, l’œuvre relate le parcours Julio Cesar Arana, propriétaire d’une exploitation de caoutchouc et maître d’un véritable petit empire dans la forêt amazonienne où il assied son pouvoir sur l’exploitation inhumaine des tribus indigènes qu’il force au travail. Cette omnipotence sur la région et ses habitants lui vaut le surnom de Socio de Dios. Au terme d’un long combat, plusieurs activistes de la société antiesclavagistes britannique convainquent un juge péruvien d’arrêter le Socio de Dios et de démanteler sa compagnie. Mais cette décision signera l’arrêt de mort l’exploitation du caoutchouc en Amazonie car les activistes antiesclavagisme sont en fait manipulés par des grandes compagnies qui cherchent à évincer du marché le caoutchouc péruvien au profit de celui produit dans les nouvelles plantations du Sud-Est asiatique.

La dernière scène du film ne peut laisser indifférent. On retrouve les personnages principaux du film, el Socio des Dios et un indigène, projeté dans notre époque. Le Socio de Dios a alors les attributs d’un homme d’affaires exploitant les ressources minières amazoniennes et l’indigène ceux d’un mineur. Le message est clair : « A travers les siècles, rien a changé. Le combat doit continuer ».

Après le film, Pamela, une copine péruvienne avec qui nous étions sorties le samedi auparavant, nous rejoint et nous emmène manger dans un petit restaurant très sympa. Toute aussi sympa est la façon dont elle tente de nous faire mieux connaitre son pays. Elle nous parle notamment des relations quelque peu houleuses entre Cusquéniens et Liméens qui n’ont en fait rien de bien plus original que les habituelles chamailleries entre provinciaux et habitants de la capitale d’un pays.


Après le repas, nous nous rendons à l’Atika, une boîte où se produit ce soir Camarada Simon, un groupe qui reprend des groupes rock des années 90, principalement les Red Hot Chili Peppers.

Après avoir un peu cherché notre chemin, nous arrivons enfin à destination. Comme l’Atika n’est pas une boîte qui cherche à tout prix à attirer les touristes, ici, on doit payer notre entrée. En effet, à Cusco, c’est un peu le monde à l’envers. Dans les bars à touristes, aux Occidentaux qui ont un niveau de vie bien plus élevé que les locaux, on offre tout : entrée et shots gratuits. Les Péruviens, eux, doivent raquer à tous les niveaux (entrée, vestiaire, etc.). Bref, à 10.- Soles l’entrée, j’espère que le concert va en valoir la peine.

Et en effet, le groupe n’est pas trop mal. Ce qu’il chante ressemble vraiment à du Red Hot, même si capilairement parlant, on est plus proche des Jackson Five. Le public par contre est plutôt jeune, il y a tout un groupe d’étudiants en voyage de promotion. Plusieurs demoiselles de 17 ans à peine ne peuvent s’empêcher de grimper sur scène et chanter avec le groupe pour se rendre intéressantes. Ce sont les joies de l’adolescence... A la fin du concert, nous estimons que nous avons fait assez de babysitting pour la soirée. Frankie, Pamela et Henri décident de changer d’endroit. Moi, je rentre tranquillement à la maison car je bosse le lendemain.


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Jour 104

Le 13/10/11, 7:20

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Comme tous les jours de cette semaine, je me lève tôt pour me mettre au boulot. L’idée est de boucler mon programme au plus vite pour pouvoir assister à une conférence organisée dans le cadre de CineSuyu, le festival du film régional péruvien. Les étudiants de la faculté d’anthropologie de l’UNSAAC sont conviés à échanger sur le thème de l’anthropologie visuelle avec le réalisateur cusquénien Federico García Hurtado ainsi que sa plus fidèle productrice Pilar Roca.

La rencontre commence par la diffusion de quelques scènes de l’œuvre phare de leur filmographie, le film Tupac Amaru. Celui-ci retrace la rébellion contre les colons espagnols de José Gabriel Condocanqui Nogera, figure mythique de la lutte péruvienne pour l'indépendance et pour la reconnaissance des droits des indigènes.

Les deux invités principaux prennent ensuite la parole pour nous faire part de leur expérience de près de quarante ans dans le cinéma. Motivés par l’ambition de montrer la réalité nationale d’un pays multi-ethnique où aucune culture ne devrait prévaloir sur les autres, ils nous racontent comment, à leurs débuts, ils ont fait l’objet de beaucoup de pressions mais aussi de censure pour avoir montré à l’écran des indigènes. Lorsque leurs films n’étaient pas tout bonnement interdits à la diffusion, ils étaient défendus aux moins de dix-huit ans. Ils n’hésitent pas à commenter que, de nos jours, même si la répression n’est plus aussi radicale, ils la côtoient toujours sous des formes plus subtiles.

Les deux intervenants expliquent ensuite leurs méthodes de tournage avec des communautés indigènes. Pour eux, toute la difficulté résidait dans le fait de diriger, pour faire jouer de façon naturelle, ces acteurs non-professionnels et ne parlant que le Quechua. Pour atteindre cet objectif, il fallait installer toute une dynamique de groupe où les membres de la communauté, loin de jouer un rôle sur base d’un scénario, étaient amenés à reproduire leur histoire à l’écran, quitte à filmer parfois en caméra cachée. S’ensuit une séance de questions-réponses entre les deux cinéastes et les étudiants.

L’après-midi, mon travail avance bien plus vite que prévu. Je décide donc de m’accorder une petite soirée ciné à l’occasion du festival. J’opte pour une projection de courts-métrages de réalisateurs cusquéniens. Le tournage de certaines œuvres frise parfois un peu l’artisanat mais c’est toujours intéressant, et à la fois un peu déroutant, de voir sur grand écran les rues que l’on fréquente quotidiennement.

Parmi les films programmés, se détache le reportage du réalisateur Luis Figueroa « rituales guerreros : el Tupay en Chiaraje ». Il a été tourné au cours de batailles rituelles qui ont lieu chaque année dans la région de Cusco et pendant lesquelles quelques six cents guerriers s’affrontent à coups de pierres. Les images sont impressionnantes, le combat est loin d’être feint. Chaque goutte de sang versé est considérée par les communautés participantes comme un don à la pachamama qui garantira une année agricole fructueuse. Il n'est pas étonnant que tous les ans, l’issue du combat soit fatale pour certains.

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Jour 103

Le 12/10/11, 7:06

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Après m’être à nouveau prise la tête tout la journée sur des travaux de traduction, je crois avoir bien mérité un petit break, la réunion hebdomadaire du Couch Surfing. Bien que diplômée en traduction, il est clair que je ne suis pas faite pour passer des jours entiers à plancher sur des problèmes étymologiques.

La question de la traduction des concepts Nord, Sud, Occident (the North, the South, the West) me refait penser à ma dernière conversation avec Carlos. Interloqué par mes propos, il m’avait demandé à quoi je me référais en parlant du Sud. La question m’avait un peu prise au dépourvu et mise mal à l’aise. Le « politiquement correct » des expressions « Nord » et « Sud » fait que j’en use et en abuse en toute bonne conscience. Cependant, la réaction de Carlos me rappelle que derrière ces mots se cache une vision dichotomique du monde avec d’un côté « vous, les pauvres » et de l'autre « nous, les riches ». Malgré la meilleure volonté du monde et une myriade de grands principes, il est difficile de se défaire de cette conception de dominant-dominé qui s’insinue, parfois sournoisement, jusque dans nos modes d’expression.

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Jour 102

Le 11/10/11, 7:01

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Deuxième journée de traduction intensive au bureau... Elle a intérêt à être productive car à 17h30, c’est promis, j’éteins le PC pour aller voir le match de football Chili-Pérou. La rencontre Pérou-Paraguay de la semaine dernière avait déjà été un évènement largement couvert par tous les médias du pays. Dès les premières heures de la journée, on ne parlait que de cela sur toutes les chaines de télévision nationales. Mais là, il s’agit du clásico del Pacífico, l’affrontement contre le Chili, le traditionnel rival du Pérou. Et cette rivalité footballistique dure depuis la fin de la guerre du Pacifique. C’est donc plus qu’une qualification à la coupe du monde qui se joue ce soir, c’est l’honneur d’un pays. Et les slogans ne manquent pas pour rappeler cet état de fait : « 11 en la cancha, una nación en la tribuna » (11 sur le terrain, une nation dans la tribune).


Pourtant, contrairement à vendredi dernier, le Norton’s est loin d'être bondé. Mais là, nous avons affaire aux supporters les plus acharnés, les vrais de vrais, ceux qui soutiennent leur équipe envers et contre tout, au-delà parfois de la mauvaise foi. Tout groupe de supporters a toujours un leader. Cela va de soi... Or, comble du hasard, ce soir ce leader est assis juste à côté de Frankie et moi. Alors, ça hurle, ça râle, ça gigote dans tous les sens... Et bien souvent, cela ne vole pas très haut « si es goal, chapoteo a las chicas », « Va Peru, Carajo ! ». Une fois de plus, c’est la démonstration par l’exemple qu’un match de foot est le meilleur endroit pour apprendre des gros mots dans une langue étrangère. Personnellement, cela me fait beaucoup rire. Les insultes ne sont-elles pas le sel qui donne la saveur à un parler ?

Engagé et plein de rebondissements, ce match est un véritable spectacle. A chaque action, le public trésaille et vibre avec les joueurs. Malgré les encouragements des fans du ballon rond, le Pérou s’incline sur un 2-4. Les joueurs de la Blanquirola n’ont pourtant pas grand-chose à se reprocher. Ils se sont démenés pendant toute la partie mais ont vraiment joué de malchance avec notamment trois tirs sur la barre transversale. Et ce, les supporters le savent. Malgré la défaite, tous applaudissent leur équipe en fin de match.

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Jour 99

Le 08/10/11, 6:49

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Quand mon réveil sonne à neuf heures du matin, je me laisserais bien tenter par une bonne petite grasse matinée. Je sais que les garçons ont décrété de manière non officielle que samedi serait aussi jour de congé. Le seul problème est que si je me laisse aller à la paresse, mon programme de travail sera tout décalé. J'ai toujours autant de mal à lâcher du lest. D’un autre côté, je n’ai aujourd’hui pas grand-chose d’autre à faire que d’attendre l’heure de ma sortie de ce soir.

Vers 21h30, je rejoins quelques Couch Surfers dans un pub irlandais, le O Grady’s. L’assistance est principalement féminine ce qui ne doit pas être pour déplaire à Henri l’organisateur de la soirée. Le seul renfort masculin est un petit Colombien plutôt mignon. Je retrouve une de mes comparses de la veille, Francesca (Frankie pour les intimes). Elle aussi est volontaire. Nous partageons donc nos expériences. Elle est très sympa et au-delà du volontariat je crois que nous avons pas mal de goûts en commun.

Nous prenons ensuite le chemin de The Muse où un groupe joue de la salsa cubaine. La musique est sympa mais il est presque impossible de discuter. Nous décidons donc de nous éclipser à l’entracte. L’endroit où nous nous rendons n’est pourtant pas plus propice à la discussion puisque nous échouons à « The Lek » une discothèque de la Plaza de Armas (apparemment prisée par les Israéliens aux vues des inscriptions en hébreu dans les toilettes). J’ai l’impression que cela fait un petit temps que je ne suis plus sortie danser. Cela fait un bien fou de se défouler sur la piste. Et puis il y a aussi notre cher ami colombien qui, lorsqu’il ne se laisse pas captiver le match de rugby diffusé sur un écran géant dans le fond de la boite, nous gratifie de quelques pas de danse. Deux ou trois mouvements de salsa et laissez le charme agir... Il n’y a rien à faire, un mec qui a le sens du rythme ça en jette. Vers 3h30 du matin, je décide finalement de laisser la petite équipe. Mine de rien, je me lève dans trois heures...



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Jour 98

Le 07/10/11, 6:37

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Ce soir a lieu le premier match qualificatif pour la coupe du monde 2014 au Brésil. Le Pérou affronte le Paraguay. A l’invitation de Juan Carlos, plusieurs Couch Surfers se sont retrouvés au Norton’s pour regarder la partie. Je les rejoins. Voir un match dans un pub est quand même plus sympa que devant la télévision en compagnie de Marco uniquement. En plus, le Pérou l’emporte avec les honneurs d’un deux-zéro.

Après le match, je fais la connaissance d’un certain Rhys, un Australien venu faire un volontariat ici au Pérou. Il a opté pour une de ces formules toutes organisées où de petits Occidentaux naïfs paient une fortune (1200.-$) pour faire un travail souvent inutile et pour lequel ils n’ont absolument pas été préparés. Rhys, par exemple, donne des cours d’anglais à des enfants avec qui il n’arrive presque pas à communiquer puisque qu’il baragouine à peine trois mots d’espagnol. Autant dire que dans une telle situation, tout le monde perd son temps. Surtout les enfants qui pourraient assister à d'autres cours qui leur seraient bien plus utiles. Cela m’énerve un peu. Je me demande comment les gens sont assez bêtes que pour alimenter ce genre de pratiques. J’essaie pourtant de ne pas trop faire part de mon jugement à Rhys. Je lui fais juste remarquer qu’il existe d’autres possibilités moins onéreuses et surtout mieux encadrées. Cela demande juste de la part du volontaire un peu plus d’implication dans l’organisation de son voyage et la préparation de son activité. C’est d’ailleurs peut-être là que le bât blesse, c’est tellement plus facile de trouver une formule où moyennant finance tout est prévu à l’avance, où la seule chose qu’on vous demande est devenir faire le guignol pendant quelque semaines pour vous faire une bonne conscience.

Nous discutons assez longuement jusqu’à ce que Juan Carlos nous convie tous à une "after" chez lui pour célébrer la victoire autour d'un "pollo a la brasa". Finalement, nous sommes huit à répondre à l'invitation. La fin de soirée est sympa. On refait le monde. Ruben, notre copain cuistot, maudit les végétariens. Rhys sort la guitare... Il est environ trois heures et demie lorsque Rhys me raccompagne à la Plaza de Armas.

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Jour 97

Le 06/10/11, 6:23

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Ce matin, nous retentons une randonnée VTT le long de notre route TURURAL. Compte tenu de nos précédentes mésaventures, nous avons un peu adapté le parcours. Nous commençons à Huarhuaylla pour éviter le premier tronçon plutôt pénible de la montée depuis Senca. Les VTT que nous avons loués cette fois ne sont plus de nouvelle génération comme lors de notre dernière expédition. Bizarrement, cela me convient mieux. Je suis bien plus à l’aise sur mon nouveau « destrier» bien moins léger que le précédent. Même si les conditions météorologiques semblent bien meilleures que lors de notre dernière sortie, je ne peux m’empêcher de guetter le ciel à tout instant. Pourvu que mère nature ne s’acharne pas sur nous à nouveau.

Mais il n’en est rien. Nous arrivons sans entrave à Cruzpata pour le repas de midi. Une fois de plus, la Señora Rosa a mis les petits plats dans les grands pour nous. Elle nous a préparé des papas rellenas. C’est délicieux. Un peu trop d’ailleurs. Lorsqu’il faut reprendre la route, j’ai l’impression de ne plus pouvoir décoller de mon banc. Je sens que je vais regretter ma gourmandise sur le trajet...

Et de fait, il avoir l’estomac bien accroché pour terminer notre circuit. En effet, entre Mahuaypampa et Maras, ça commence à se corser. Le parcours devient un peu plus technique tout en restant toutefois abordable. En raison de travaux sur la voie, il faut franchir à tout moment de petits monticules de terre. C’est assez fun. A partir de Maras, les choses sérieuses commencent vraiment. La pente est plus drue et le chemin se rétrécit. Les virages deviennent plus difficiles à négocier. Et il ne faut pourtant pas se rater car, au-delà, c’est le précipice... Cà et là, il y a de temps en temps de petites barrières de protection pour prévenir les chutes. Leur état laisse cependant penser qu’elles non pas toujours pu empêcher l’inévitable. C’est rassurant...


Le pire sont les derniers kilomètres. La pente est vraiment à pic et il y a de plus en plus de rocailles. Les vélos sont mis à rude épreuve. Assez logiquement, les incidents techniques commencent à se multiplier. Il est temps qu’on arrive à destination...


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Jour 93

Le 02/10/11, 14:35

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Nous avons rendez-vous avec les gens de Senca pour faire leur plan de développement touristique. D’habitude, les participants au projet réservent toujours le salon communal ou une salle de classe pour ce genre d’atelier sur le terrain. Mais pour une fois, nous sommes attendus à la maison d’un des bénéficiaires. On manque un peu de tables et le sol en terre battue n’est pas idéal pour préparer les grands tableaux à base desquels nous travaillons. En contrepartie, l’ambiance est plus conviviale. J’ai à ma disposition trois assistants de chic et de choc âgés de 6 à 11 ans, Ruben et ses deux petites sœurs, qui me donnent un petit coup de pouce. Les Señoras participent à l'exercice tout en pelant les légumes pour le repas de midi. Je suis même mise à contribution. Plus pour la photo qui paraitra sur notre site web que pour mes talents culinaires... Nous recevons pas mal de visites de gens qui vont, qui viennent, s’arrêtent un moment pour apporter leur contribution à l’ouvrage puis repartent. Nous terminons vers 13h, juste pour l’heure du repas, un bon bouillon de lizas.




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Jour 92

Le 01/10/11, 5:58

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Sur le chemin qui nous mène ce matin à la communauté de Mahuaypampa, j’écoute avec attention la conversation entre Indira et Erland qui échangent leurs points de vue sur les croyances traditionnelles. Ils parlent d’esprits, de phénomènes paranormaux. Tous deux semblent avoir expérimenté, à un moment ou un autre, des apparitions inexplicables et étranges. Et cela leur semble tout à fait normal. Pour ma part, je n’ai jamais connu ce genre de situation. Je ne peux donc que m’interroger sur le lien entre, d’une part, la culture ou le système de croyances et, d’autre part, le monde des esprits. Seraient-ce les croyances d’Indira et d’Erland qui leur font interpréter tout phénomène naturel sortant du commun comme la manifestation d’un esprit qui n’existerait pas en définitive? Ou serait-ce ma culture qui m’empêcherait d’avoir fait jusqu’à présent l’expérience de la présence d'âmes errantes qui est bien réelle et dont je suis incapable de déceler les signes ? Le débat est ouvert...

Lorsque nous arrivons à destination, Robinson, notre seul participant dans la localité, est uniquement accompagné de l’époux de la présidente de la communauté. Il n’est pas parvenu à faire se déplacer cette dernière. Pour Indira, c’est un problème car, selon elle, à deux, ils vont probablement manquer d’imagination quant à la façon dont le projet pourrait améliorer leurs conditions de vie. Mais je suis plus optimiste. Je pense que, dans ces conditions, nous ne rencontrerons pas le même problème qu'à Misminay et que nous pourrons plus facilement capter les aspirations de Robinson. Mais il est encore un tout jeune homme. Comme l’avait prévu Indira, les idées émanent surtout de l’adulte qui l’accompagne. Mais celui-ci s’éclipse assez vite. C’est maintenant à Robinson de jouer pour définir comment on pourrait mettre en œuvre les objectifs établis par son aîné. Au final, le fruit de cette collaboration est de plutôt bonne qualité.


Le samedi est un jour un peu spécial à Mahuaypampa. C'est le moment où les femmes du village se réunissent pour tisser. A la fin de notre atelier, Robinson nous emmène donc dans leur « antre ». D’immenses métiers à tisser sont installés de toutes parts, c’est impressionnant. Et c’est surtout autre chose que la petite démonstration à laquelle nous avions eu droit à Misminay. Mais je n’ai pas l’impression que notre intrusion soit très appréciée. Lorsqu’Erland tente d’expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons, les dames semblent montrer une certaine méfiance. Mais, au fil de la conversation, elles baissent un peu la garde et finissent même par accepter que nous prenions quelques photos de leurs « œuvres ». Nous n’allons évidemment pas laisser filer cette occasion de faire de superbes clichés. Enfin surtout dans le cas d'Erland car je suis nulle en photographie. Personnellement, ce qui me fascine le plus chez ces dames reste leur tenue : leurs multiples jupons superposés les eux sur les autres accompagnés de jambières en laine épaisse, leur chapeau-haut qui souvent semble tenir sur leur tête en dépit des lois de la gravité...






Nous sommes sur le point de partir lorsqu’on nous propose un peu de mote. Refuser serait un affront que nous ne pouvons pas nous permettre. Mais le mote n’est que l’entrée, il sera également accompagné d’un plat de résistance auquel il faut évidemment faire honneur. C’est cela l’hospitalité péruvienne, on accueille tout le monde à sa table, même les intrus.

Sur le chemin du retour, Goyo m’explique que tout n’est pourtant pas si rose qu’il n’y parait. Il y avait en compagnie des villageoises une dame qui travaille avec elles et leur permet d’écouler leur production via le site Internet de son ONG. Or, selon les informations de Goyo, sous le couvert de cette ONG, il semblerait que la dame aie surtout constitué une entreprise plus que rentable qui profite de la naïveté des artisanes et ne les rétribue pas de façon équitable.

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Jour 91

Le 30/09/11, 2:54

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Aujourd’hui, je reste au bureau pour boucler pas mal de dossiers. Et il ne faut pas que je traine car, en plus du cinéma que j’avais initialement prévu, j’ai finalement décidé d’aller boire un verre avec Lorenzo qui passe sa dernière soirée à Cusco avant de reprendre la route pour Puno puis la Bolivie.

Une fois de plus, le film diffusé au cinéclub Pukllasunchis est très poignant. Je deviens une vraie madeleine au cinéma: je sors de la salle les yeux tous rouges. Heureusement, j’ai une demi-heure avant de rejoindre Lorenzo et sa bande au Paddy’s Pub, The highest 100% Irish owned pub in the world (c’est leur slogan). Je flâne dans les rues pour me changer les idées et passe devant ce que j’appellerais « le mur des revendications ». Un mur de l’université où divers collectifs protestent ou défendent des causes au travers d’affiches. L’autre jour, il s’agissait d’une demande de libération du frère de l'actuel président Ollanta Humala, Antauro, qui purge actuellement une peine de prison suite à une prise d’otages qui a fait quatre morts. Aujourd’hui, les affiches interpellent les touristes sur l’impact environnemental de leur présence à Cusco. Comme quoi nous ne sommes pas les seuls à être préoccupés par ce sujet et, peu à peu, les gens se bougent.


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Jour 90

Le 29/09/11, 2:38

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Ce matin nous sommes priés de nous mettre sur notre 31 car nous avons un rendez-vous avec le coordinateur du projet Qhapaq Nan au ministère de la culture. C’est sans compter sur les petits aléas de la vie ici. Ce matin, il n’y a pas d’eau dans ma douche. «Pas de souci. Je vais t’arranger cela de suite », me dit le Señor Delfin en me proposant de l’accompagner sur le toit pour me montrer comment résoudre le problème s’il se présentait à nouveau. En effet, ce serait bien de ne pas avoir à dépendre de lui au moindre petit pépin mais je ne pensais pas que cela impliquerait que je m’improvise technicienne en panneaux solaires... Décidemment, ici, j’aurai vraiment fait de tout... Au final, le Señor Delfín était bien trop optimiste. Pour résoudre la panne, il faudra attendre l’arrivée de Miguel, un des ouvriers (maçon de son état mais, tant qu’à faire, on l’a aussi chargé de presque toute l’installation électrique du bâtiment. Raison pour laquelle, quelque mois après, on s’est rendu compte que nous n’étions pas aux normes et qu’il a fallu tout recommencer à zéro...). Quand l’eau coule enfin dans ma salle-de-bain, il est 8h50. Je n’ai plus le temps pour une douche. Tant pis, j’y vais comme ça. Pour l’occasion et pour la première fois depuis mon arrivée, j’ai sorti mes talons hauts, on va dire que cela compense mes cheveux gras...

Une fois sur place, je me rends compte que ces efforts je les ai fait pour rien. Le responsable n’est pas là et a délégué à une petite jeune, membre de son équipe, la tâche de nous recevoir. Erland est sur le point de sortir de ses gonds. Je ne l’avais rarement vu comme cela. Il est venu trois fois sur place pour préparer cette réunion et s’assurer que le coordinateur serait là. Comme on lui avait confirmé que ce serait le cas, il avait fait se déplacer toute l’équipe et Aurelio. Et nous voilà en face de cette demoiselle qui n’est évidemment pas en mesure de négocier un quelconque accord de partenariat. La seule chose qu’elle puisse faire est de nous fournir des informations que visiblement elle ne maitrise pas puisque qu’elle n’est capable de répondre à presque aucune de nos questions. De toute façon, nous nous rendons bien compte que leur projet n’est guère plus avancé que le nôtre. Et cerise sur le gâteau, lorsque la jeune fille qui s’occupe de nous veut nous remettre le peu de documents qu’elle a à sa disposition, sa collègue l’interrompt en lui signifiant que nous ne pouvons obtenir ces plans gratuitement. Le prix est exorbitant. Heureusement qu’il s’agit d’un service public... Ce fut là ma première véritable confrontation avec la tant décriée bureaucratie péruvienne. Pour ma part, je reste calme et me contente d’observer. Peut-être m’attendais-je à pire, en fait. Mais je comprends qu’à la longue cela doit user d’avoir affaire en permanence à ce genre de fonctionnaires. Mes collègues peinent à dissimuler leur rancœur envers cette administration lourde et totalement inefficace. Le pire est que, d’une façon ou d’une autre, nous devons travailler avec eux. Si nous nous permettons de faire une quelconque intervention sur le chemin Qhapaq Nan sans leur autorisation, nous nous exposons à de graves problèmes.

Histoire de nous remettre de notre déception, nous allons manger dans un petit restaurant. Quand l’appétit va, tout va. Et à ce niveau, mes deux collègues se défendent particulièrement bien. L’un comme l’autre sont maigres comme des clous mais qu’est-ce qu’ils mangent. Aujourd’hui, Erland a décidé de jouer (une fois de plus) les marieuses et d’essayer de me convaincre de devenir madame Goyo Mamani. Et le pire de tout, c’est que Goyo rentre dans son jeu. J’essaie de ne pas me laisser faire et répond à leurs allusions sur le ton de la blague. Mais lorsque je pique un phare, je ne suis guère crédible...

Cet après-midi Aurelio nous a convoqués pour une entrevue. Cela fait plus d’une heure qu’il parle et je n’ai toujours pas compris ni le sujet de la réunion ni la raison de notre présence. Les quelques idées que je dégage dans tout son bla-bla sont que le grand concurrent de CENPRODIC a essayé de copier voire de s’attribuer les mérites du projet de fruiticulture développé par notre association à Maras. Et cela met Aurelio hors de lui. Une fois de plus, je me rends compte que le milieu des ONG est loin d’être un monde de bisounours où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». Ici aussi la concurrence fait rage. Apparemment, l’autre ONG aurait beaucoup de pouvoir en raison de nombreux appuis politiques. Plusieurs de ses membres ou de ses partisans assument une charge politique. Ce serait monnaie courante ici au Pérou. CENPRODIC, par contre, est apolitique et subit de nombreux boycottes pour cette raison. C’est du moins ce qu’Aurelio veut que je retienne. Penserait-il que j’ignore qu’il a été par le passé alcalde de Maras ? Il y a pourtant un mur avec une inscription en grand « votez pour Aurelio Mora » pour me le rappeler à chacun de mes passages à Cruzpata...

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Jour 89

Le 28/09/11, 2:23

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Ma soirée est à la limite du speed dating. J’ai rendez-vous à 19h30 pour aller dîner avec un jeune homme hongrois au prénom imprononçable. Ensuite, nous allons au meeting du Couch Surfing où sont censés me retrouver un Américain, un certain Ignacio et un éventuel futur coloc’. Enfin, cette deuxième rencontre me semble un peu compromise car depuis que je lui ai communiqué le prix du loyer, Alvaro ne donne plus de nouvelles...

Le dîner en compagnie de Tshabee (puisque telle est la version simplifiée de son prénom) est plutôt intéressant. J’avais répondu à sa proposition de rencontre parce que j’étais intriguée par son projet « Kiss the world for Red Cross » (www.kisstheword.net). En fait, Tshabee parcours le monde pendant six mois pendant lesquels il partage son expérience via un blog. Jusque-là, rien de bien exceptionnel... La particularité de son blog réside dans son fil conducteur, à chaque endroit visité, Tshabee se fait embrasser (sur la joue) par des locaux. Il espère que cette petite touche d’originalité rendra son blog populaire et lui permettra de récolter des fonds pour la Croix Rouge (si le blog te plait tu peux exprimer ta satisfaction en faisant un don à l’ONG). Tshabee déborde d’idées et est déjà en train d’envisager d’autres projets pour le futur, notamment un nouveau concept de guide de voyage online pour lequel il me propose presque un job. Si cela se fait, cela pourrait en effet m’intéresser. Mais ne nous emballons pas...

Après le repas, nous nous rendons à l’Indigo bar. Il n’y pas d’Ignacio, ni d’Alvaro. Ce n’est pas grave, ce ne sont pas les gens sympas et intéressants qui manquent. Il a, par exemple, Jeremy, cet écrivain free-lance américain. Après avoir travaillé pendant plus de huit ans pour un cabinet juridique, il s’est décidé à voyager et à enseigner l’anglais. Comme malheureusement, les cours d’anglais ne lui permettaient que de vivoter, il a fini par trouver une opportunité bien plus rentable. Il offre ses services à une compagnie qui propose à ses clients des textes susceptibles de leur donner un plus grand succès sur les sites de rencontre et de leur permettre d’obtenir davantage de rendez-vous. Je suis sûre qu’il doit en voir des vertes et des pas mûres dans son job...

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Jour 88

Le 27/09/11, 2:14

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Comme la veille, je passe ma journée au bureau. En début d’après-midi, je sors manger et tombe sur ce qui, au premier coup d’œil, me semble être une énième procession patronale. Il n’en est rien car il s’agit en fait d’un cortège funéraire. La dynamique est pourtant la même : un orchestre, beaucoup de couleurs en raison des nombreux pétales de fleur lancés sur le cercueil. Comme dans la plupart des pays du Sud que j’ai visités, j’ai l’impression que la mort est moins taboue que chez nous. Ici, elle fait partie de la vie.

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Jour 87

Le 26/09/11, 2:12

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La journée commence par une réunion de staff. Nous avons à préparer un entretien important avec un représentant du ministère de la culture. Réunion à laquelle Erland n’a pas trop envie de m’emmener, je crois. Quand je lui demande qui va y assister, il me répond qu’il ne faut pas être trop nombreux. Il pensait y emmener Goyo, le Señor Javier et Aurelio. Bref, tout le monde sauf moi. Mais le Señor Javier, avec ses gros sabots, vient à ma rescousse en décrétant que toute l’équipe devait être présente. Peut-être Erland a-t-il peur que je fasse un scandale en voyant que nous allons devoir légèrement « arroser » le fonctionnaire avec qui nous avons rendez-vous pour obtenir des informations et un éventuel accord de coopération. Comme quoi, les préjugés sont à double-sens. Parce que je viens de Belgique, je devrais forcément m’offusquer face à la corruption... Erland a une vision un peu trop idéaliste des pays européens. Evidemment, en y repensant à froid, oui, cela me dérange un peu de devoir soudoyer un fonctionnaire. Mais sur le coup, cela ne m’avait pas vraiment choquée. Après tout, on est au Pérou...

Ce soir j’ai rendez-vous avec un couple de Français qui font partie du petit groupe d’amis de Rachel à Shanghai et sont actuellement en plein tour du monde. Rachel ne m’avait pas menti : ils sont très sympas. Nous discutons de mon travail, de leur voyage. Ce qui ressort notamment de la conversation est que, selon eux, des 5000 Français qui entreprennent chaque année un tour du monde, beaucoup le font en touchant les ASSEDIC. Je ne suis pas contribuable française, mais je trouve cela grave quand même.

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Jour 85

Le 24/09/11, 2:03

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Aujourd’hui a lieu notre première séance de planification participative. Nous allons faire avec la communauté de Mullakas-Misminay son plan de développement touristique. Comme c’est la première fois, j’appréhende un peu et me demande comment nous allons nous «dépatouiller » avec cette nouvelle méthodologie. Cependant, la plus grande difficulté à laquelle nous nous frottons aujourd’hui ne sera peut-être pas notre nouvel outil sinon l’hétérogénéité du groupe avec lequel nous travaillons. Ils ne sont que trois mais deux générations les séparent. D’un côté, il y a Buenaventura, leader charismatique déjà sensibilisé aux problématiques environnementales et aux bénéfices potentiels d’un tourisme durable. De l’autre, on a deux petits jeunes à qui on a enseigné depuis toujours le respect des ainés. La conséquence en est que, sans même le vouloir, Buenaventura impose sa vision des choses aux deux autres participants qui se contentent d’opiner du chef. Difficile de faire un travail participatif dans de telles conditions. Erland et moi-même essayons de favoriser la prise de parole des deux adolescents sans pour autant mettre Buenaventura de côté mais la tâche est ardue. Alors que Buenaventura monopolise le crachoir, il faut arracher les mots de la bouche aux deux autres.

En outre, nous remarquons que les membres de la communauté utilisent parfois des concepts qui s’avèrent, au final, vides de sens pour eux. Par exemple, ils nous disent qu’ils espèrent que l’activité touristique leur permettra d’avoir une maison plus confortable. Mais lorsque nous leur demandons ce que signifie pour eux plus de confort, ils ont l’air un peu désarçonnés par la question et ne savent pas vraiment nous donner d’explication. La vigilance est donc de mise. Nous devons les accompagner à chaque étape du processus pour être sûrs qu’ils expriment bien leur vision du projet et que, pour notre part, nous ayons bien compris ce qu’ils voulaient nous signifier.

Nous finissons notre travail en début d’après-midi. C’est parfait, cela me laisse quelques heures pour vaquer à mes occupations et je me réjouis d’avoir un peu de temps pour moi. Mais c’était sans compter sur le Señor Javier qui joue les guides et veut nous faire passer par un raccourci. Les raccourcis du Señor Javier, on commence à les connaître. En général, ils nous rallongent le chemin de moitié. Et à chaque fois, il nous sort la même excuse « oui, mais par ici, la vue est tellement plus belle... ». Comme Buenaventura semble soutenir la proposition, nous nous laissons convaincre une fois de plus. Après quarante minutes de trajet, il faut nous rendre à l’évidence : le Señor Javier et Buenaventura font la paire. Une fois de plus, nous nous retrouvons à chercher notre chemin au milieu de la pampa. Nous nous faisons la promesse de ne plus suivrela proposition du les conseils de notre collègue en matière d’itinéraire. A sa décharge, il n’est pas facile de s’orienter sur les pistes qui relient les différentes communautés où la signalisation est tout à fait inexistante.

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Jour 84

Le 23/09/11, 3:18

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De bonne heure, nous nous mettons en route pour Urubamba où nous devons passer prendre Goyo. Une arrivée matinale à Urubamba suppose évidemment un passage par le marché pour un petit déjeuner. C’est presque devenu une tradition. En retournant à la voiture, nous remarquons qu’un défilé se prépare. Encore un... La particularité de celui-ci est que seuls les enfants y participent. En effet, quelques jours après le 21 septembre, qui correspond ici au premier jour du printemps, on célèbre la fiesta de la juventud (la fête de la jeunesse). A cette occasion, les écoliers prennent part à un cortège ou à des activités récréatives. Les étudiants, eux, se consacrent à ce que beaucoup d’entre eux savent mieux faire, picoler.



Mais nous ne pouvons pas trop nous attarder. Notre programme de la journée est relativement chargé. Aujourd’hui, nous repérons des endroits pour organiser la pasantía de nos bénéficiaires. La pasantía n’est autre qu’une excursion organisée pour des étudiants en fin de formation. C’est un élément de motivation particulièrement important qu’on ne peut négliger. Les participants à notre projet ne parlent déjà que de cela. Seul petit hic, ils pensent que nous allons les emmener à Puno à presque 400 km d’ici alors que nous voulons nous contenter du Valle Sagrado, à 40 km de Cusco.

Notre premier arrêt se fait dans les environs de Pisac, dans un petit village qui vient à peine de se lancer dans l’activité touristique. Tout est fin prêt. Les habitants ont reçu une formation et les maisons ont été embellies. Tout, ou presque, a été fait avec les moyens du bord et c’est plutôt réussi. Le cadre des lits des visiteurs, par exemple, a été fait en un mélange de terre et de ciment. Lorsque j’en demande aux garçons le principal avantage, Goyo me répond qu’il s’agit d’un matériau local et peu onéreux. Mais aux yeux d’Erland l’avantage est autre : ce genre de lit, quoi que tu y fasses, ne grince jamais. Comme quoi, tout est une question de point de vue... Il y a aussi un atelier de bijouterie en argile prévu pour les visiteurs. La seule chose qui manque maintenant sont les touristes. La question du flux est tout sauf un détail insignifiant. Dans notre projet, nous allons devoir nous atteler sérieusement.








Nous prenons ensuite le chemin du Parque de la papa (le parc de la pomme-de-terre), une aire dédiée à la conservation de variétés indigènes de pommes-de-terre andines. Mais nous trouvons porte close car nous avons omis d’aviser de notre visite l’ONG qui gère le site. En effet, même si la publicité du parc vante l’implication de 6 communautés quechuas dans cette initiative, il est clair que c’est l’ONG qui a la main mise sur le projet. Les quelques villageoises qui travaillent sur place à empaqueter du mate de coca sont de la simple main d’œuvre. C’est l’ONG qui décide de tout. Ce petit détail n’a pas échappé à Goyo qui enfonce le clou en m’expliquant qu’il a vu à plusieurs reprises des ONG qui refusaient de se désengager d’un projet et de laisser les rennes à la communauté locale parce que l’initiative touristique s’était finalement révélée particulièrement rentable.

Goyo est le président d’un réseau local de tourisme rural. Ce réseau regroupe des particuliers qui se sont lancés de leur propre chef dans le tourisme rural. Il n’y a donc aucun apport de fonds extérieurs et l’organisation est 100% autochtone. L’organisation encourage l’utilisation de matériaux locaux et priorise l’amélioration des conditions de vie sur le développement de l’activité économique. En gros, l’association invite ses membres à améliorer leur maison d’abord pour accroitre leur propre confort avant de penser à la réception de touristes. Le premier projet que nous avons visité en est un bon exemple. Il n’y a pas de touriste mais la maison a déjà été remise à neuf. Le partage avec le visiteur est aussi mis en avant. Contrairement à ce que nous avions vu à Misminay où les vacanciers mangent à table et la famille hôte dans un recoin de la cuisine, tous les membres de l’organisme partagent leur repas avec les voyageurs de passage chez eux. Evidemment, Goyo prêche pour sa chapelle. Mais je trouve la démarche du réseau bien meilleure que certains projets d’ONG portés à ma connaissance. Et puis, il me semble vraiment intéressant que les membres se soient organisés sans chercher aucun appui étranger.

Après avoir visité d’autres gîtes ruraux à Lamay et Chumpe et après un obligatoire arrêt « ravitaillement » à Urubamba, nous nous rendons à Ollantaytambo pour visiter le musée de la biodiversité. Une fois de plus, il s’agit d’une initiative privée lancée par une jeune dame, Anabel, et son compagnon. Evidemment, la pomme-de-terre native est la star de l’exposition mais on ne parle pas que de tubercules. Il y a toute une section consacrée aux offrandes à la Pacha Mama. De fait, faire une offrande n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Il s’agit d’un art très codifiée. Le don varie en fonction des bienfaits que l’on veut recevoir. Ainsi, si l’on veut que la mère terre favorise les récoltes, l’offrande emballée dans un paquet cadeau que l’on brûlera sur un bûcher contiendra de nombreuses feuilles de coca. S’il s’agit par contre d’apporter prospérité à une nouvelle entreprise commerciale, on y glissera quelques billets. La visite se termine par un petit mate de muña (la menthe andine) dans une cuisine cusquénienne traditionnelle reconstitué dans le fond du musée. Il commence à se faire tard et la température est tombée, un thé bien chaud n’est pas de refus.

Comme Goyo vit à deux pas du musée, il nous propose de venir prendre un dernier café chez lui avant de prendre le chemin du retour. C’est l’occasion de rencontrer sa maman. Ce qui étonne Erland, c’est l’âge de cette dame qu’il imaginait bien moins jeune. Ce qui me frappe, moi, c’est son caractère et son énergie entièrement dévouée au tourisme viventiel et à l’artisanat. Elle ne parle que de cela. Pas étonnant que Goyo soit devenu le président d’un réseau de tourisme rural. Il a dû tomber dedans quand il était petit. Le seul moment où la maîtresse de maison change de sujet de conversation c’est pour me demander si je suis célibataire. Ah, les mamans et leur fiston, toutes les mêmes... Je réponds que oui mais que je ne sais pas peler la papa de la suegra. C’est un truc que je viens d’apprendre au musée. Traditionnellement, lorsqu’une jeune fille voulait se marier, elle devait se soumettre à cette épreuve et peler une pomme-de-terre complètement difforme appelée papa de la suegra (pomme-de-terre de la belle-mère) en veillant à ne faire qu’une seule pelure qu’elle devait ensuite remettre à sa future belle-mère. Goyo rétorque que c’est juste une question d’entrainement et que je peux y arriver. Il ne sait pas à quel point mon cas est désespéré. Et puis, qui a dit que je voulais me marier ? Ils vont me lâcher les baskets tous ces apprentis agents matrimoniaux péruviens...

Il est grand temps de se remettre en route. Nous avons encore près d’une heure et demie de trajet. Je viens de recevoir un appel de Juan qui s’inquiétait de ne pas me voir rentrer. En fait, il sera plus de 21h lorsque nous arriverons à Sta Ana. C’est ce qu’on appelle une bonne journée de travail.

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Jour 83

Le 22/09/11, 4:30

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Vers 14h30, j’ai rendez-vous en ville avec Lorenzo pour faire un « truc ». Comme n’y l’un ni l’autre n’a un budget illimité, nous nous contentons d’un petit resto bon marché et d’une visite (gratuite) au musée du chocolat. Il est clair qu’avec Lorenzo, on ne passe pas inaperçus. Premièrement, c’est une sacrée pièce d’homme(surtout en comparaison avec les Cusquénien) et puis il n’a pas sa langue dans sa poche. A peine sommes-nous arrivés au musée, qu’il « informe » notre steward que, nous, nous sommes Belges et que donc, en matière de chocolat, on ne nous la fait pas...

Mais ce genre de petites extravagances n’en rendent pas Lorenzo moins intéressant. Nous discutons beaucoup. Il me raconte comment il a tout abandonné pour se lancer dans son voyage autour du monde. Il m’explique aussi les difficultés rencontrées avec les autorités belges qui ont fini par le déclarer sans domicile fixe puisqu’il n’occupe pas effectivement son petit appartement en Belgique. Il me donne également son avis sur les relations entre Péruviens et Occidentaux. Et me fait remarquer qu’alors que, pour une fille, il est très facile d’avoir une aventure sans trop d’implication avec un Péruvien, pour un garçon, c’est un peu plus compliqué. « Les Péruviennes, il faut les payer ou les marier ». Il n’a peut-être pas tort.

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Jour 80

Le 19/09/11, 4:26

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En fin de journée, j’ai rendez-vous avec Carlos, le petit jeune, celui que j’ai rencontré au concert de Calle 13. Comme il travaille dans le domaine culturel, je lui ai proposé d’aller boire un verre pour qu’il me parle un peu plus de son travail. La demande est intéressée car j’espère qu’il va pouvoir m’apporter des éclairages utiles pour mon boulot. En fait, je cherche des gens qui puissent me guider un peu par rapport au thème de la préservation de l’identité culturelle car au sein de CENPRODIC ce n’est la spécialité de personne. Malheureusement, ce n’est pas non plus le domaine de Carlos. Tant pis, la discussion est quand même intéressante. En plus, avec quelques jours de retard, il m’offre quelques chocolats pour mon anniversaire mais aussi un livre dont il est l’auteur. C’est toujours la firme de connaitre l’auteur de ce que tu lis...

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Jour 79

Le 18/09/11, 4:24

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Comme bien souvent, c’est un dimanche de congé peu productif. En fin de journée, je reçois un SMS d’Anabel qui boit un verre en compagnie de quelques Couch Surfers au Paddy’s. Il est temps de se bouger un peu... Lorenzo, le compatriote belge que j’avais rencontré la veille, est présent avec toute sa clique : ces deux compagnons de voyages, Marie et Stefan, mais aussi deux autres petits jeunes qui voyagent également en van et les ont rejoints aujourd’hui, Arturo, le Liméen et Mateo, le Brésilien. Il est déjà tard et nos estomacs crient famine. Lorenzo et Arturo nous invitent tous (ou plutôt toutes car parmi ceux qui ne voyagent pas dans un des deux vans, il n’y a que des filles) à manger « chez eux ». Cela sent le plan foireux mais je suis trop curieuse, je veux voir ce qui est depuis plus de cinq ans la maison de Lorenzo. Il nous montre « la bête » devant laquelle il pose fièrement pour la photo. C’est à ce moment que je me rends compte qu’il a un peu des airs de François l’Embrouille.



Arrivés sur le parking de la station essence, c’est un peu le règne de la débrouille. Il faut trouver des sièges pour tout le monde, faire cuire des pâtes pour une dizaine de personnes sur un petit réchaud à gaz dans une casserole minuscule. Au final, c’est surtout drôle. Lorenzo emmitoufle toutes les filles dans des couvertures ou de grands ponchos, Arturo et Mateo assurent la sono. Le patron de la station râle un peu mais on s’en fout. Je crois que j’ai rarement mangé des pâtes aussi mauvaises, cela ne vaut pas les macaronis au Pélardon de l’Ardêche. Mais cela fait partie du trip et je pense que je me souviendrai longtemps de cette soirée en compagnie de ces fous du volant.


Après cela, nous décidons de redescendre au London Town où a lieu un concert. Nous entrons dans le bar avec notre propre bouteille de bière. Arturo file quelques pièces à la serveuse pour qu’elle nous fournisse quelques verres. En Belgique, on se serait déjà fait jeter il y a longtemps. Le groupe n’est franchement pas terrible. Le chanteur, surtout, laisse à désirer.

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Jour 78

Le 17/09/11, 4:09

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Une chose est sûre, on ne se bouscule pas pour assister à notre formation aujourd’hui. Il faut dire que la date semble mal choisie. Il y a une fête patronale dans une communauté, c’est la période des examens à l’université et surtout, le curé de Maras a décidé d’emmener aujourd’hui ses ouailles à Ollantaytambo. Et il est clair que contre le curé de Maras, CENPRODIC ne fait pas le poids. Nous, nous cherchons à aider nos bénéficiaires à prendre leur vie en main mais lui, il tente de sauver leur âme... Ce genre de situation a le don de m’agacer...

Ce peu d’affluence est bien dommage car le sujet de la formation aujourd’hui est des plus intéressants : nous allons parler des rêves de chacun... Tout un programme! En fait, l'Arquitecto va nous présenter la méthodologie à partir de laquelle nous allons élaborer le plan de développement touristique de chaque communauté. Il s’agit d’une méthode simplifiée qui part des désirs pour le futur de chaque participant. A la demande de l’Arquitecto, nous fermons tous les yeux. Il nous invite à un grand voyage imaginaire où nous grimpons dans une énorme montgolfière qui nous permet de faire un bond de 20 ans dans le temps. Le ballon s’arrête au-dessus de la maison de chacun. Tous doivent imaginer comment seront leurs habitations dans vingt ans après la mise en œuvre du projet TURURAL et quelles améliorations aura apporté l’activité touristique dans leur quotidien. La montgolfière prend un peu d’altitude pour pouvoir voir la communauté de chaque bénéficiaire puis son district. Il est temps de rouvrir les yeux et de noter ce que chacun espère pour sa famille, sa communauté et son district. A partir de ces idées, nous allons ensuite définir les objectifs de tout le monde et à partir des différents objectifs une vision. Une fois les objectifs et la vision déterminés, nous appliquons les une nouvelle grille d’analyse pour savoir comment les réaliser.




Mine de rien, l’exercice prend du temps. Ce que nous faisons aujourd’hui est fictif mais il n’est pas superflu de s’entrainer un peu avant d’appliquer la méthodologie dans chacune des communautés. Lorsque nous rentrons au bureau, nous sommes sur les genoux. Il faut dire que plus de la moitié de l’équipe est enrhumée.

Mais malade ou pas, aujourd’hui, j’ai décidé de profiter de mon samedi soir parce j'ai congé dimanche et que cela n'arrive pas si souvent que cela. Je sors avec Yann, un copain français. Puisque l’un et l’autre manquons un peu d’imagination quant au programme de la soirée, nous décidons finalement de nous joindre à d’autres Couch Surfers au Paddy’s, un pub irlandais. Comme la soirée a été organisée par Liz, une pure Cusquénienne, l’assistance est assez mixte. Il y a des étrangers mais aussi quelques Péruviens. Dans les petits nouveaux, il y a surtout Stefan, un Autrichien complétement aficionado du concept Couch Surfing. Il nous raconte quelques anecdotes sur les personnes qu’il a reçues chez lui ou les gens chez qui il a séjourné.

Le personnage le plus singulier est probablement mon cher compatriote originaire de Gent, Lorenzo. A bord de sa vieille guimbarde, un van VW de 1968 immatriculé en Belgique, il parcourt le monde depuis cinq ans et demi. Il a déjà sillonné toute l'Afrique, l'Europe, la Russie et presque toute l'Amérique. Toujours escorté par son fidèle compagnon à quatre pattes, Choco, il propose à qui le veut de faire un bout de chemin avec lui. Parmi les nombreux Couch surfers que j’ai rencontrés, beaucoup faisaient un tour du monde d’un an. Au début j’étais un peu impressionnée. Au fil du temps, cependant, s’en est presque devenu banal pour moi. Mais là, le personnage en impose vraiment.


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Jour 77

Le 16/09/11, 3:37

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Ce matin, je suis réveillée par les voix des employés de CENPRODIC. Je me dis que, décidemment, lorsque nous allons recevoir des touristes, nous allons devoir veiller à ce que le personnel de l’ONG respecte le sommeil des visiteurs. Mais lorsque je descends à l’étage inférieur, je me rends compte que la situation est un peu exceptionnelle. Une canalisation a sauté pendant la nuit et tout le rez-de-chaussée est inondé... Tu parles d’une bonne nouvelle... Il faudra toute la matinée pour tout éponger.

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Jour 76

Le 15/09/11, 3:35

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Cela faisait quelques jours que je sentais que je couvais un truc mais là, pas de doute, j’ai la crève. Je décide donc de rester à bosser sous la couette jusqu’à l’heure de mon rendez-vous de l’après-midi. Entre temps, je reçois un SMS de Joël qui me propose à nouveau de sortir. Mouais... A voir...

Mon rendez-vous a lieu dans une école d’espagnol appelée « Amigos Spanish School ». Je sens que je suis loin d’être en pleine forme mais j’ai tellement galéré pour obtenir cet entretien qu’il est hors de question de le reporter. Je compte sur mon expérience pour gérer la situation. J’ai déjà présenté le projet plus d’une vingtaine de fois. Je devrais m’en sortir.

Je suis accueillie par Jesús qui me reçoit en mini short hyper moulant, THE tenue à la Véronique et Davina (Toutouyoutou). Il est hyper speed. Apparemment, il compte expédier la présentation pour pouvoir aller faire son sport. En fait, cela m’arrange. Plus je parle, plus je me rends compte que je n’ai vraiment pas les yeux en face des trous. Mieux vaut abréger les souffrances. Par contre, là où le petit Jesús m’étonne, c’est lorsque il me demande de lui envoyer des documents pour le lendemain sans faute et lorsqu’il veut déjà fixer un nouveau rendez-vous pour revoir le projet et une éventuelle stratégie commune de travail. Je crois rêver. Celle-là, aucun Péruvien ne me l’avait encore faite. D’habitude, c’est moi qui dois pleurer pour fixer un deuxième rendez-vous.

Sur le chemin du retour, je dois me rendre à l’évidence, je ne suis vraiment pas en état de sortir ce soir. Joël va encore passer à la trappe ce soir...

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Jour 75

Le 14/09/11, 3:33

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Quand le réveil sonne, je me dis que cela doit être une erreur. J’ai l’impression que je me suis couchée il y a cinq minutes à peine. Et pourtant il est déjà 8h30, telle est la dure réalité. Il me reste trente minutes pour m’habiller, faire mon sac et me rendre à la gare routière. Ce n’est pas gagné.

Je ne sais pas si c’est dû au manque de sommeil ou si je suis encore sous les effets de l’alcool mais j’ai un peu de mal à ne pas zigzaguer dans la rue. J’ai mal à la tête et à l’estomac. A présent, je déteste la téquila. Je profite du trajet pour rassembler mes souvenirs un peu embrumés. Un détail me revient : le copain que Salim m’a présenté la veille. Dans un premier temps, Salim se garde bien de me dire que la personne en question est dealer mais le sujet était finalement arrivé sur la table. Le discours de Salim était « Oui, il vend de la drogue et alors ? Ce mec m’a pris sous son aile dès que je suis arrivé ici et ne m’a jamais trahi. C’est le meilleur ami que j’ai à Cusco ». Jusqu’à présent, je n’avais jamais été confrontée au monde de la drogue. Les dealers ne m’abordent jamais dans la rue. Je ne dois pas avoir le look... Je ne m'en plains pas. Si l’argument de Salim a sa logique, je ne peux m’empêcher de penser à ce que m’avaient dit respectivement Lucho et Manuel quelques jours auparavant : « Je suis complètement anti-drogue, la drogue a fait bien trop de mal à mon pays », « la pire chose qu’il puisse arriver à un étranger au Pérou est de se faire surprendre par la police en compagnie d’un vendeur de drogue ». Au final, le mec n’était pas du tout causant et je me suis contentée de lui faire la bise. Mais maintenant, j’ai une bonne raison pour garder mes distances...

Lorsqu’Erland me voit arriver, il n’a pas besoin de grandes explications. Ma tête en dit long. Je passe tout le trajet de Cusco à Urubamba à dormir. L’occasion est trop belle, Erland en profite pour prendre quelques photos de moi assez peu flatteuses...

A Urubamba, c’est au tour de Goyo de se payer ma tête. Mais je suis trop mal pour prêter attention à ses blagues. Nous prenons un nouveau bus en direction de Calca. Génial, je vais pouvoir dormir encore un peu... Mais une fois le bus arrivé, les choses sérieuses commencent. Il va falloir se mettre en selle. Heureusement, le parcours que nous testons aujourd’hui est beaucoup moins ardu que celui de la veille. Nous longeons la rivière Urubamba durant une petite vingtaine de kilomètres. Comme cette fois j’ai tout mon équipement de pluie à disposition, il fait évidemment un temps radieux. Le parcours est vraiment sympathique. Nous traversons quelques charmants petits villages. Par moments, nous longeons des canaux d’irrigation (c’est parfois un peu périlleux lorsqu’il n’y qu’un sentier de 50 cm entre deux canaux). Si ce n’était ma gueule de bois et le fait que mon popotin trouve ma selle un peu trop dure, je me croirais vraiment en vacances. Enfin, il y a encore un petit détail que me gâche quelque peu mon plaisir. Aujourd’hui, les garçons trouvent hilarant le fait de parler avec une voix hyper aigüe. Après un quart d’heure, cela commence vraiment à me taper sur les nerfs. Mais l’expérience de notre dernière randonnée à Maras me fait penser que je vais probablement devoir prendre mon mal en patience. J’envisage de leur apprendre quelques mots et expressions en français. Leçon 1 : les blagues les meilleures sont les plus courtes...

L’expédition se termine vers 15h. Cette séance de sport m’a permis de récupérer un peu même si je ne suis tout de même pas au mieux de ma forme. Après un passage éclair à l’Ecocat pour prendre quelques photos, nous décidons d’aller manger. Les garçons sont affamés mais mon estomac à moi est encore un peu mal en point. Il faut traverser toute la ville, mais Erland vient de crever un pneu. Il va falloir se taper à pied le trajet de 2 à 3 km. Quelle guigne.

C’est à ce moment que je reçois l’appel de Joël. Il a passé une bonne soirée hier et me propose de remettre cela. En tête à tête... Je commence à me fatiguer de mon succès ici... Je lui propose de le rappeler quand je serai de retour et qu’on avise à ce moment.

Le restaurant où nous emmène Goyo est une bonne adresse. Je commande des spaghettis et m’attend à recevoir comme à chaque fois une minuscule assiette de pâtes. Quel n’est pas mon étonnement lorsque l’on me sert une énorme plâtrée de tagliatelles dont finalement je laisserai la moitié.

Il est l’heure de reprendre le chemin du retour. Malheureusement le bus qui se rend directement à Cusco n’est pas équipé pour transporter des vélos. Il va falloir prendre celui qui passe par Calca. Cela rallonge considérablement notre trajet et en plus le terminal de ce bus à Cusco est très éloigné du centre. Nous arrivons en ville vers 20h. Le temps d’aider Erland à mettre tous les vélos dans un taxi et de rentrer à pied, il est presque 21 heures lorsque je rentre à Sta Ana. Je suis morte et n’ai qu’une seule envie : me mettre au lit. Tant pis pour Joël... La fiesta ce soir, ce sera sans moi.

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Jour 74

Le 13/09/11, 1:26

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Ca y est, le temps faisant inexorablement son œuvre, je passe aujourd’hui le cap des 29 ans. Je me suis bien gardée d’en parler à qui que ce soit au sein de l’ONG car j’ai décidé de faire à mes collègues la surprise du gâteau. Ce qui revient à faire les choses totalement à l’inverse des us locaux. On m’en tient d’abord un peu rigueur. Les anniversaires ici ne se prennent pas à la légère. Tous regrettent de ne pas avoir eu l’occasion de pouvoir préparer une petite fête à mon attention mais l’incident est de courte durée. Et je reçois de tous de chaleureuses félicitations et accolades (même de la part de gens que je rencontre pour la première fois).

Si je n’en ai fait qu’à ma tête pour l’instant, il est hors de question que je déroge au traditionnel vœu et soufflage de bougie. La coutume veut aussi que la personne qui fête son anniversaire morde dans le gâteau avec qu’on le partage entre les invités. Je m’exécute mais au moment où mes lèvres touchent la chantilly, Rosita soulève le gâteau pour « m’entarter ». Je me suis faite avoir comme une bleue, j’ai de la crème partout...




Après ces réjouissances matinales, Erland, Goyo et moi nous mettons en route. Nous avons décidé de tester aujourd’hui et demain certains parcours VTT. Aujourd’hui, nous comptons relier Cusco à Urubamba. Il y a environ 40 km. Cela devrait être l’affaire de quelques heures, pas plus. Du moins, c’est ce que je crois à ce moment-là.


La première partie du tronçon ne permet pas vraiment une adaptation en douceur à nos « montures ». Cela ne fait que grimper pendant des kilomètres. Et il est clair que mon style de conduite n’est guère adapté à nos vélos de location ultra légers. A la moindre difficulté, j’ai tendance à pédaler en danseuse. Or ainsi, je n’arrête pas de faire lever ma roue avant. La technique est donc assez peu efficace mais il est difficile de se débarrasser d’un coup de certains réflexes. Arrivés à Huaruaylla, Erland nous annonce que le plus dur est derrière nous et que nous allons enfin pouvoir profiter de quelques descentes. Profiter, c’est un bien grand mot... Pour une raison que je ne peux m’expliquer, j’ai vraiment peur de tomber. Serait-ce parce que les garçons ont déjà respectivement trois chutes au compteur ? Bref, j’ai le trouillomètre à zéro et descends à du 2 à l’heure. La seule solution serait de me détendre un peu mais je n’y arrive pas. Comme dirait Jose Luis, qui lui est un grand habitué des compétitions de descente en VTT, va falloir que je « retrouve mes couilles ». Mais je ne crois pas que cela sera pour aujourd’hui.

Notre petite équipée ne passe pas inaperçue en tout cas. Il est clair que les communautés avoisinantes n’ont pas l’habitude de voir se balader des touristes à vélo dans leur coin. Les garçons, qui roulent en tête, font déjà l’objet de nombreuses remarques mais, moi, je suis le clou du spectacle. J’entends les gamins s’exclamer sur mon passage GRIIIIINGA !

Lorsque nous arrivons à Koriquancha, je suis soulagée de trouver enfin des chemins un peu plus carrossables. Mais le soulagement est de courte durée. Nous sommes loin d’être au bout de nos peines, mère nature nous réserve encore bien des surprises. De gros nuages noirs s’amoncèlent au-dessus de nos têtes et très vite c’est le déluge. D’abord de la pluie, puis de la grêle. Impossible de continuer à rouler. Il faut se mettre à l’abri.

De temps à autres, nous profitons d’une accalmie pour reprendre la route mais celles-ci sont de courte de durée et nous devons nous arrêter à tout bout de champs pour nous protéger des fortes pluies voire des grêlons. Il nous faut un temps incroyable pour faire quelques kilomètres à peine. Nous finissons par arriver à l’entrée du village de Huila Huila où nous nous abritons sous la corniche d’une maison. Je n’en peux plus. Je suis frigorifiée et mon moral est au plus bas. Par chance, la propriétaire des lieux se rend compte de notre présence et nous invite à entrer chez elle. Je suis vraiment dans un état pitoyable et ne peux m’arrêter de trembler. La dame allume aussitôt un feu pour que je me réchauffe et part préparer un bon thé. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi je suis tant affectée par le froid. Certes, le fait de n’avoir aucun équipement de pluie et d’être déjà un peu enrhumée ne joue pas en ma faveur. Mais chez nous j’ai déjà connu bien pire. Comment se fait-il que je me sente si mal ?


Le thé que m’apporte la dame finit par me remettre d'aplomb. Et la pluie c’est enfin arrêtée. Il est temps de reprendre la route. J’avais l’espoir que nous suspendions la balade jusqu’à demain, que nous laissions nos vélos chez un des bénéficiaires de notre programme et que nous retournions à Cusco en bus. Mais Goyo me convainc de continuer encore un peu. Jusqu’à Cruzpata au moins. Arrivés au village, nous sommes à nouveau accueillis par des pluies torrentielles. Nous allons nous mettre à l’abri chez la Señora Rosa mais malheureusement il n’y a personne à la maison. Cette fois, les garçons également sont résolus à abandonner pour aujourd’hui la sortie VTT. La nuit va bientôt tomber et le postérieur d’Erland ne pourra, semble-t-il, pas supporter d’être assis une minute de plus sur une selle de vélo. Comme la Señora Rosa n’est toujours pas de retour, nous décidons d’aller confier nos vélos à un employé de CENPRODIC qui vit également au village avant de reprendre le bus pour Cusco. Il va encore falloir braver la pluie pour aller jusque-là. Mais en chemin nous nous faisons dépasser par un bus en route pour Urubamba. Le chauffeur s’arrête et nous propose de nous emmener. C’est une sacrée aubaine pour nous. En dépit du fiasco de cette journée, notre programme de demain ne sera au moins pas compromis.

Arrivés à Urubamba, nous déposons les vélos chez une tante de Goyo, puis, Erland et moi reprenons une voiture pour Cusco. Nous sommes épuisés et pour ma part, je n’ai toujours pas réussi à me réchauffer complétement. Erland me fait remarquer que c’est probablement un anniversaire dont je me souviendrai longtemps. C’est clair, à ce jour, je crois que c’est la pire randonnée VTT que j’ai jamais connue.

De retour en ville, je n’ai guère le temps de souffler. Aurelio m’a invitée à manger à l’occasion de mon anniversaire. Il m’attendait pour 18h mais avec toutes ces péripéties, il est 20h quand j’arrive à Cusco. Rosa se joint également à nous pour le repas. A table, on parle surtout boulot. A vrai dire, c’est un peu ennuyeux. Jusqu’à ce qu’Aurelio embraille sur le sujet de la réforme agraire et me donne sa vision des choses. Ça, ça m’intéresse.

Pour Aurelio, la réforme agraire est la pire des choses qui ait pu arriver au pays car la façon dont elle a été mise en œuvre est la cause de tous les maux que connait actuellement le Pérou. Avant la réforme, le système éducatif national comportait deux filières, le classique et le technique. La réforme agraire s’est accompagnée d’un remaniement du système scolaire. Au lieu d’encourager les paysans à suivre la filière technique afin de leur apprendre à mieux gérer leurs terres et en faire des spécialistes en agronomie, on a supprimé les instituts techniques et poussé les gens issus de la campagne à faire des études en droit ou en administration. Beaucoup sont devenus fonctionnaires ou avocats, souvent des avocats véreux qui se sont mis à exploiter les leurs au lieu de les défendre. A l’époque des Hacienda, les grands propriétaires terriens étaient souvent à la pointe de la technologie et appliquaient dans leur ferme des processus qui permettaient une productivité optimale. Par esprit de revanche, les paysans ont souvent mis à sac tout ce qui avait été mis en place par les haciendados. L’agriculture a commencé à péricliter. De plus, comme les grands propriétaires terriens n’étaient plus en mesure d’exercer un contrôle de la natalité sur les paysans, la démographie a explosé. Ainsi, le Pérou qui jusqu’alors était un pays exportateur a commencé à devenir un pays importateur s’enfonçant dans une terrible situation économique. Tel est le point de vue d’Aurelio, il nuance quelque peu ce que m’avait expliqué el Arquitecto.

C’est sur ces paroles assez peu réjouissantes que je quitte mes hôtes pour aller rejoindre quelques amis pour la partie plus festive de la soirée au bar the Muse. Il y a Anabel, Carlos, Joel et Sheilly et l’une au l’autre personne que je rencontre pour la première fois : Caroline, une Française, Salim, le serveur Egyptien du bar où nous nous trouvons, John, un Brésilien. A ma droite, la discussion est très sérieuse. Cela parle politique, religion, etc. A ma gauche, c’est nettement plus décontracté. Je saute d’une conversation à l’autre.

Vers minuit, Anabel et Caroline prennent congé de nous. Il ne reste plus que les Latinos qui, eux, ne sont pas prêts de rentrer. La nuit est loin d’être finie. Il faut dire que la plupart sont en vacances et ne travaillent pas le lendemain. Nous allons d’abord au bar The Frogs mais l’ambiance n’est pas vraiment au rendez-vous. Nous échouons donc au Mama Africa. C’est là que je découvre que mes 6 mois de cours de salsa n’ont finalement pas été vains. Contrairement à ce que je pensais je ne suis pas si nulle que cela, la seule chose qui me manquait c’était le partenaire adéquat : un Brésilien homosexuel. John est un super danseur. Nous faisons chauffer le dance floor. Salim nous rejoint également sur place et il paie tournée sur tournée. Je ne vois passer ni les verres, ni le temps. Il est plus de quatre heures du mat quand je rentre à la maison. Ce n’est pas bien raisonnable mais après tout, on ne fête ses 29 ans qu’une seule fois.

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Jour 72

Le 11/09/11, 0:32

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Dur, dur le réveil. Mais bon, une nouvelle journée de diagnostic se pointe à l’horizon. Aujourd’hui, nous allons à Huila Huila puis à CallKiaracay. Du moins c’est ce qui est prévu... A Huila Huila, Elias nous posé un lapin. Entre temps, nous recevons un appel des petits jeunes de Maras qui nous attendent pour la formation. Sauf que, dans leur cas, la formation, c’était hier... Il faut parfois faire preuve de beaucoup de patience.

Comme c’est sur notre chemin, nous décidons de passer de toute façon par Maras. Le Señor Javier a l’estomac dans les talons... Nous nous arrêtons donc pour qu’il puisse prendre son petit déjeuner. Erland et Indira l’accompagnent. Je suis donc la seule à ne pas manger. Prendre un repas complet à 10h du matin ne me tente guère (ici, le petit dej' est un repas comme un autre) mais le Señor Javier insiste lourdement pour que je me joigne au repas. Je refuse, du moins je crois. Les plats arrivent, un, puis deux, puis trois, puis... quatre. « C’est la serveuse qui a dû se tromper » me dit le Señor Javier. Mais oui, la serveuse a bon dos. J’ai compris, je n’échapperai pas à un deuxième petit déjeuner aujourd’hui. Mais, je me rends compte qu’en fin de compte j’avais également faim. Je termine l’assiette en moins de deux.

Nous nous rendons ensuite chez Juan Carlos, notre unique bénéficiaire de CallKiaracay. Son père a été président de la communauté pendant trois mandats consécutifs. Il connait donc relativement bien l’histoire de l’endroit et c’est de bon cœur qu’il nous confie son savoir en la matière.

Au cours de la conversation, il nous fait part du fait qu’il cultive encore quelques variétés de pommes-de-terre natives. C’est un fait assez rare que pour être noté. La grande majorité des agriculteurs ont abandonné ces produits traditionnels au profit de pommes-de-terre « standards » plus grosses, certes, mais moins goûteuses et souvent bourrées de pesticides et d’engrais chimiques. En outre, ces pommes-de-terre natives à la chair bleuâtre présentent des propriétés anti-cancérigènes non-négligeables. Si nous découvrons parmi nos bénéficiaires d’autres producteurs de ce type, nous pourrions leur acheter leurs produits pour les servir aux personnes qui séjournent dans nos infrastructures de Sta Ana et Urubamba. Je suis certaine que cela ferait un tabac. C’est un filon à faire exploiter par l’ECOCAT. Cette découverte est des plus intéressante, nous ne rentrons donc pas bredouilles.

De retour chez moi, je reçois un SMS inattendu. Chris, l’Américain qui nous a accompagnés la veille au concert, m’invite à dîner ce soir. Décidemment, c’est une mode ici... Mais qu’est-ce qu’ils ont tous ? Après quelques hésitations, je décide d’utiliser comme avec Lucho la tactique du café. Un café, cela ne porte pas à conséquence. Par contre, me faire inviter au restaurant me mets dans mes petits souliers. Après tout, je ne suis pas là pour me faire entretenir par des inconnus. En tout cas, avec Chris, une chose est sûre : ce ne doit être mon côté gringa qui doit motiver son initiative.

Nous allons finalement dans un bar à jus. A peine sommes-nous arrivés qu’un petit garçon propose à Chris de lui cirer les chaussures. Chris lui demande son prix et le petit répond que celui-ci est à l’appréciation du client. Le tarif habituel d’un cireur est d’un sole. Une fois le boulot accompli, le petit demande à Chris un jus de papaye. Ce jus, le moins cher de la carte, est à 2.50 soles. Cela me semble un bon deal. Mais Chris préfère donner au petit un billet de 10 soles pour qu’il s’offre ce qu’il veut. Certes, l’offre est généreuse mais elle me laisse perplexe. C’est exactement ce genre de comportement qui est montré du doigt par les critiques du tourisme traditionnel car il encourage la mendicité, détourne les enfants des écoles, déstructure les sociétés d’accueil, fait grimper en flèche l’inflation, entre autres... Et pourtant, je n’ose pas faire part à Chris de mes observations sur son geste. Une fois de plus, je me dis que la question du don est tellement difficile...

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Jour 71

Le 10/09/11, 0:19

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Nous sommes attendus à 9h00 à Maras pour une nouvelle séance de révision des diagnostics des communautés bénéficiaires de notre projet. Cette fois, nous décidons de travailler en ateliers pour être plus efficaces. Une fois de plus, je suis agréablement surprise par les participants du programme. Les communautés s’entraident pour mener à bien leurs tâches. C’est très positif car, étant donné que nous cherchons à travailler en réseau, une bonne entente intercommunautaire est un must. Je passe de table en table pour profiter des échanges dans les différents groupes de travail. C’est ainsi que j’apprends que le thème du cycle de l’eau est complétement ignoré dans les écoles ici. En effet, Buenaventura, qui est un fervent défenseur de l’environnement, tente d’expliquer aux jeunes de sa communauté comment se forment les nappes phréatiques et l’importance de la lutte contre l’érosion. Aussi inouï que cela puisse paraitre, les jeunes ne savaient pas d’où provient l’eau de leurs sources et pensaient qu’il y a avait une sorte de « fabrique d’eau dans la terre ». Si on ne leur donne pas la formation la plus élémentaire en matière d’environnement, il n’est guère étonnant que les communautés soient souvent hermétiques à toute sensibilisation à un comportement plus éco-responsable.

Ce soir encore, je suis de sortie. J’assiste à mon premier festival rock made in Peru. Je suis accompagnée de quelques autres Couch Surfers. Une fois de plus, nous formons un groupe bien hétérogène : trois Péruviens, une Vénézuélienne, un Américain, un Italien et moi, la petite Belge.

Evidemment, je ne connais aucun des groupes qui jouent ce soir. Je suis là surtout par curiosité. Un festival rock à la péruvienne, je me demande bien ce que cela peut donner. L’évènement a lieu au Jardin de la Cerveza, le jardin de la bière. C’est d’un poétique... En fait, le lieu appartient à la société brassicole La Cusqueña. D’où la référence à la bière. Le site n’a rien à envier à la plupart des scènes en plein air européennes. C’est immense, il y a des écrans géants partout. La fosse est divisée en trois zones : la générale qui s’arrête a environ 15 mètres de la scène, une zone intermédiaire qui s’arrête 10 mètres plus loin et la zone VIP qui aboutit aux pieds des artistes. A mes yeux, le fait d’avoir trois aires distinctement séparés casse un peu l’ambiance.

Lorsque nous arrivons, Daniel F., un chanteur liméen est déjà sur scène. Enfin, "chanteur", c’est peut-être un grand mot car j’ai l’impression qu’il parle plus entre les morceaux qu’il ne chante vraiment. Il est ensuite suivi par deux autres groupes liméens, Amén et Rio. Carlos m’explique que ces formations ne sont pas vraiment de nouvelle génération. J’aurais pu le deviner toute seule, cela s’entend. Je n’ai donc aucun scrupule à quitter ma place en plein concert pour aller aux toilettes avec les filles (comme quoi cela c’est international, partout dans le monde les filles se rendent au petit coin à plusieurs). Cela nous permet d’assister à la mini-émeute que provoque l’arrivée de la tête d’affiche du soir, Calle 13. Plus d’une centaine de jeunes filles se ruent vers eux à leur descente de voiture. Ils n’ont d’autre solution que de se réfugier à leur tour dans les toilettes.

Après la prestation de Rio, je ne suis toujours pas convaincue par le rock péruvien. Et je ne m’attends pas à être éblouie par Calle 13 qui, pour moi, est un OVNI Reggaeton dans cette programmation. A tort. Calle 13, c’est du lourd. Dès les premières notes, on se rend compte qu’on affaire à un groupe d’une autre carrure que les précédents. Ils mettent le feu en quelques secondes. Sur scène, ils sont au moins dix et font le show. Leurs rythmes expérimentaux, un mélange éclectique particulièrement réussi de divers genres (hip-hop, funk, tango, salsa, jazz, bossanova, etc.) et d’instruments non-conventionnels, leur permettent de se distinguer du reste de la vague reggaeton. Partisans du mouvement pour l’indépendance portoricaine, ils scandent des textes engagés et manipulent le sarcasme avec brio. L’esthétique visuelle est également soignée à travers les clips vidéo qui accompagnent chaque chanson. La foule est en délire.

Le moment phare du concert est pour moi l’interprétation du morceau « Latinoamerica » en duo avec la chanteuse afro-péruvienne et actuelle ministre de la culture, Susana Baca. Sur l’écran défilent de magnifiques paysages péruviens et dans ma tête résonne cette phrase « Soy América latina, un pueblo sin piernas pero que camina » (Je suis l’Amérique latine, un peuple sans jambe mais en marche). Le concert se termine par le tant attendu « Atrevete te te » suivi d’un rappel et d’un feu d’artifice.

Il est l’heure de rentrer. Je suis congelée et fatiguée. Nous faisons une partie du trajet à pied. Jamais l’Avenida del Sol ne m’a parue aussi longue. Mais je ne suis pas au bout de mes peines. Sur la Plaza de Armas, il faut se battre pour trouver un taxi. Et évidemment, comme la demande augmente, les prix explosent. C’est la galère. Lorsque je rentre enfin chez moi, il est plus de trois heures du matin.

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Posté par Scrat

Jour 70

Le 09/09/11, 1:28

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Ce matin, je me remets en route pour visiter les écoles d’espagnol et cette fois, fatigue ou pas, je me retrousse les manches. Je sens bien que je n’ai pas encore récupéré ton mon sommeil de retard mais mes rendez-vous se passent plutôt bien.

Je travaille principalement dans le quartier de San Blas. Au détour d’une rue, je tombe sur une manifestation d’un genre un peu particulier : des dizaines d’écoliers arpentent la rue pancarte à la main en scandant des slogans en faveur de la protection de l’environnement. Je trouve l’initiative assez drôle. Les petits sont adorables et mettent tout leur cœur à la tâche. Il est vrai que, si le réchauffement climatique doit être une préoccupation pour tous, le Pérou est une des zones les plus vulnérables à cette menace. Le pays est frappé de plein fouet par El Niño, un nouveau phénomène climatique qui apporte de fortes pluies et des inondations, mais aussi de longues périodes de sécheresse en fonction de la région. Dans les montagnes, le changement climatique se traduit par un net recul des glaciers qui engendre la diminution rapide des réserves d’eau et de terribles vagues de froid. La couche d’ozone se dégrade. Pas besoin d’être un génie pour s’en rendre compte. Ici, le soleil ne chauffe pas, il brûle.

J’ai rendez-vous pour prendre un café en fin d’après-midi avec Manuel, un Liméen de passage à Cusco avec qui je converse régulièrement sur un forum de voyage. Nous décidons d’un commun accord d’éviter les bars touristiques de la Plaza de Armas pour un petit restaurant de la Plaza San Francisco. Manuel ne roule pas sur l’or et moi non plus. Même si je n’ai vraiment pas à me plaindre de ma situation, je ne peux pas comme les touristes faire la tournée des grands ducs tous les soirs et dois surveiller quelque peu mon budget. C’est ainsi que Manuel me donne quelques combines pour faire des économies ici. Il m’explique, par exemple, qu’il voyage presque toujours en camion de marchandise, ce qui lui permet d’économiser la moitié d’un billet de bus. Nous discutons de choses et d’autres. Il est très intéressé par mon projet et me raconte que, pour sa part, il a travaillé pendant quelques mois pour une ONG américaine. Cette association faisait de l’assistanat pur et simple. Dégouté et persuadé qu’ainsi il faisait plus de mal que de bien, Il avait fini par claquer la porte. Ce n’est qu’après une bonne heure que Manuel m’avoue enfin que, depuis environ six ans, il vit près de 4 mois par an en France. A la lueur de cette confession, je me rends compte qu’en effet, depuis le début de notre conversation je n’ai pas trop ressenti de choc culturel. Nous parlons un peu de sa vie là-bas et il me donne sa théorie sur « la Grande Nation ». S’il reconnait devoir beaucoup à ce pays où, contrairement au Pérou, il peut vivre de sa musique et a un véritable statut d’artiste, il dit ne pas pouvoir se faire à la mentalité de là-bas. Pour lui, le plus gros problème de la société française, ce sont... les Françaises. Il ne comprend pas leur agressivité, leur ambition, leur permanente insatisfaction.

Manuel me raccompagne jusqu’à la Plaza de Armas. En chemin, il me fait remarquer une dame qui, en sortant de l’église de la Merced, porte directement la main au portefeuille pour donner de l’argent à un mendiant. « Elle est en train d’acheter son billet pour le paradis » me dit-il ironiquement. Personnellement, je ne donne jamais rien aux mendiants, par principe. Je pense que donner encourage ce genre de pratique. Mais en la matière, il est toujours difficile de savoir comment bien faire. Je me suis souvent demandé si mon attitude était la bonne, surtout lorsque je vois de nombreux Péruviens ne pas hésiter à donner quelques pièces aux quémandeurs. Mais Manuel, lui, est sur la même longueur d’onde que moi.

J’arrive vers 19hoo à la bibliothèque Pukllasunchis où, tous les vendredis, dans le cadre du ciné-club, un film d’auteur est projeté. Au programme ce soir, un documentaire du réalisateur liméen Javier Corcuera, « Invierno en Bagdad ». L’œuvre tente de présenter les effets de l’occupation américaine en Irak à travers le regard des habitants de Bagdad, dont de nombreux enfants. Les témoignages sont durs et poignants. A la fin de la séance, un débat est lancé mais je suis incapable d’y prendre part, le film m’a laissé sans mots.

Après une telle claque, je dois reprendre un peu mes esprits. Heureusement, j’ai quelques minutes avant mon dernier rendez-vous de la soirée. Lucho, le jeune homme d’Arequipa qui était présent à la dernière réunion du Couch Surfing, m’a recontactée pour m’inviter à dîner. Je ne suis pas certaine que l’invitation soit innocente mais il est plutôt sympa. Laissons-lui le bénéfice de doute... Je suis cependant un peu mal à l’aise lorsqu’il me propose d’aller à la Ciciolina, qui n’est rien de moins qu’un des meilleurs restaurants de la ville. Je tente de remettre les pendules à l’heure en lui faisant comprendre que mes intentions ne sont qu’amicales et lui propose d’aller prendre un café à la place. Quand je comprends, un peu plus tard dans la soirée, que de toute façon, ce n’est pas lui mais sa boite qui paie, je regrette un peu ce changement de programme. Tant pis, au moins, ma conscience est tranquille. Nous allons au Jack’s Café où nous discutons de tout et de rien, notamment de politique (OK, ça ce n’est pas rien). A travers les propos de Lucho, je me rends compte à quel point le peuple péruvien a une mauvaise opinion de son gouvernement. Aux yeux de Lucho, les gouvernants sont tous des bons à rien corrompus. Selon lui, si l’on veut faire avancer les choses ici, il faut obligatoirement se tourner vers le secteur privé. Cette vision des choses est un peu difficile à admettre pour moi qui vois l’Etat comme un défenseur du bien commun face aux intérêts commerciaux privés. Mais si ma conception de la politique peut déjà paraitre un peu naïve en Europe, au Pérou, c’est carrément une chimère.

Nous terminons la soirée dans un bar branché à la décoration surréaliste, le Fallen Angel. J’adore les tables-aquariums faites d’une vieille baignoire surmontée d’une simple vitre. Je passe une bonne soirée en compagnie de Lucho. S’il est clair qu’il a une petite idée derrière la tête, il n’a rien à voir avec un brichero. Il n’est pas trop insistant et il est plutôt drôle. Après un dernier verre, je rentre très sagement chez moi pour les douze coups de minuit.

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Posté par Scrat

Jour 69

Le 08/09/11, 23:36

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Après à peine 3h30 de sommeil, le réveil est un peu dur. Dire que je suis censée aller visiter de nouvelles écoles d’espagnol. Je prends mon courage à deux mains, une bonne douche et c’est parti pour une matinée de folie. Je suis sur le point de partir lorsque je reçois un SMS de Jack qui arrive dans quelques minutes à Sta Ana. Avant de partir à Puerto Maldonado, il m’avait confié quelques affaires qu’il vient récupérer avant de repartir pour Lima. Or, son bus pour la capitale ne part qu’à 18h00 et Jack me fait bien comprendre qu’il espère passer la journée avec moi. La perspective ne m’enchante guère mais d’un autre côté, c’est jusqu’à présent notre meilleur client. Il mérite peut-être un petit traitement de faveur. Finalement, après l’avoir forcé à prendre un maté de coca pour lutter contre son mal de l’altitude, j’envoie au lit ce pauvre Jack en lui promettant d’être de retour vers 13h00 pour passer l’après-midi avec lui. Vu les folies de la veille, je sais que de toute façon, je ne ferai pas grand-chose de bon une fois passées les premières heures de la matinée.

Je me remets donc en route. Mais, c’est un second faux départ. En sortant du bureau, je remarque la voiture de l’Arquitecto garée dans le parking. Visiblement, une réunion est en cours et je n’en ai pas été avisée. Ou l’aurais-je oubliée? Qu’à cela ne tienne, je me permets de m’y inviter.

Je finis par enfin prendre la direction de San Blas pour aller visiter quelques écoles d’espagnol. Mais arrivée sur place, je ne me sens pas les idées assez claires pour faire une présentation sérieuse du projet. Je décide finalement d’éviter la casse et rebrousser chemin. Ma matinée ne sera cependant pas tout à fait perdue. Sur le chemin du retour, je croise un groupe d’étudiants de l’Académie des Beaux-Arts en plein cours de peinture sur la petite place Sta. Teresa. Cela fait depuis longtemps qu’une idée me trotte dans la tête : proposer à ces jeunes artistes de nous donner un coup de pouce pour donner une touche plus cosy à notre logement de Sta. Ana (et par la même occasion, se débarrasser des horribles peintures avec lesquelles Aurelio veut décorer l’hospedaje). Erland à l’air de dire que c’est peine perdue, que je vais me heurter à un refus catégorique de la part des professeurs. Mais comme je ne suis pas du genre à me laisser abattre si vite et que cette idée ne me quitte pas, je décide de tenter ma chance quand même. J’attends la fin de la classe et y vais au culot. J’aborde le professeur et lui pose directement la question. Il me répond qu’en effet, l’école cherche des opportunités pour exposer les travaux des élèves et qu’elle a déjà collaboré avec des hôtels par le passé. Il est donc prêt à venir visiter notre infrastructure pour voir si nous pourrions travailler ensemble. Yes... Je le savais... Décidément, ces derniers jours sont riches en rencontres intéressantes.

Même si ma matinée a été tout sauf productive, je rentre assez contente de cette avancée inattendue. Comme prévu, j’emmène manger Jack dans un petit restaurant sans prétention mais en général très bon. Il est assez indécis quant au menu, donc ni une ni deux, il décide de se lever et de se promener entre les tables pour mieux voir ce qu’il y a dans l’assiette des gens. La honte... J’avais perdu l’habitude des bizarreries de Jack. Mais évidemment, lui, ne se rend pas compte de l’incongruité de la situation. Une dame péruvienne remarque très vite son petit manège et le renseigne très aimablement sur le menu. Une nouvelle preuve de l’accueil à la péruvienne. Ailleurs, je pense que les choses auraient pu se passer beaucoup moins bien.

Jack veut ensuite aller acheter du café péruvien pour sa famille. Aux alentours du supermarché, il y a un peu d’animation dans la rue. Les gens attendent quelque chose mais quoi ? Probablement une des nombreuses processions en l’honneur du St Patron de tel ou tel quartier. A force de voir ce genre de défilé presqu’un jour sur deux, j’en suis complétement blasée. Mais en ressortant du magasin, nous nous rendons compte qu’il y a de plus en plus de monde dans la rue. L’agitation sort un peu de l’ordinaire. Nous décidons donc d’attendre pour voir ce qu’il va se passer. Et il s’agit bien d’une procession, celle de la Virgen de la Natividad, mais celle-ci se fait en grandes pompes. Un défilé de plus de deux heures, des dizaines de groupes avec chacun leur propre orchestre, leur propre chorégraphie. Il y a de la musique, des couleurs de toutes parts, des centaines de costumes, du plus original au plus traditionnel, du plus austère au plus minimaliste. Un schtroumpf s’est même perdu dans tout ce petit monde... Mais surtout, quelle énergie! Les participants dansent, sautent, sans jamais s’arrêter.










Un certain nombre de petites vieilles profitent de ma gentillesse et passent devant moi. En somme, ce n’est pas bien grave. Elles m’arrivent toutes en-dessous de l’épaule. Et puis l’ambiance est bon enfant, à quoi bon la gâcher en râlant. Finalement, je ne regrette vraiment pas d’avoir fait l’ONG buissonnière cet après-midi.

Après avoir mis Jack dans un taxi, je prends le chemin de l’Alliance française où Pablo et Anabel m’attendent pour assister à la projection d'une des dernières œuvres des frères Dardenne, l’Enfant. Ce n’est pas moi qui ai choisi d’aller voir ce film belge, c’est Pablo. Moi, je sais à quoi m’attendre mais lui pas. Et sa mine déconfite à la fin de la séance en dit long. Il a trouvé la réalisation hyper chiante...

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Posté par Scrat

Jour 68

Le 07/09/11, 22:49

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Vers 17h30, j’éteins mon ordinateur pour me rendre à mon rendez-vous avec Carlos, un Péruvien qui a vu notre annonce de recherche de volontaire et veut nous aider dans notre travail de marketing. Il n’est pas vraiment le volontaire-type que nous recherchons et je n’attends pas grand-chose de cette réunion. Mais on ne sait jamais... Nous devons nous retrouver dans le restaurant italien où il travaille sur la Plaza de Armas. Arrivée sur place, je me rends compte que l’établissement est tout ce qui a de plus chic et que Carlos est loin d’être le petit pizzaiolo du coin. Il est gérant commercial de « Sabores Peruanos » à Cusco, un groupe de restaurants très prisés. Il a également travaillé plusieurs années à la Casa Andina, un établissement de renom. Sans le savoir, j’ai donc ferré un gros poisson. Carlos est un professionnel qui sait de quoi il parle. Si cette rencontre est tout à fait fortuite, je m’enorgueillis d’avoir cette prestigieuse carte de visite parmi mon réseau de contacts qui commence à s’étoffer peu à peu. Et puis il est vrai que ses conseils seront tout sauf superflus. Même si Erland et moi mettons tout notre cœur au travail, au niveau du marketing, pour l’instant, il nous manque une touche de professionnalisme.

C’est donc très satisfaite de mon premier rendez-vous de la soirée que je me rends au Real McCoy pour le pub quizz organisé par «las chicas dinamicas ». Venues directement des Etats-Unis, ces « Jeunes Filles Dynamiques » proposent des activités sportives à des petites filles issues de milieux défavorisés pour promouvoir leur développement personnel. Tout comme moi, elles sont volontaires mais, honnêtement, je préfère de loin ma situation à la leur. Elles sont toutes jeunes, ne sont que deux dans leur association et surtout, elles ne travaillent avec aucun partenaire local. Ce dernier petit détail ne semble en rien les déranger et ne mine pas leur enthousiasme débordant mais moi à leur place, cela me poserait question.

Notre équipe, auto-proclamée « les Couch Surfers », se compose de 6 membres : Diana, Pierre, Pablo, Anabel, un Américain dont j’ai oublié le prénom et moi-même. Et force est d’admettre que nous sommes plutôt bons. Nous l’emportons haut la main. Certes, nous trichons à l’épreuve du Blind test en utilisant l’application de reconnaissance musicale de l’Iphone de Pablo, mais après avoir analysé les scores, nous remarquons que de toute façon nous aurions gagné sans ce petit support technologique. Le prix n’est autre qu’une bouteille de vin rouge à consommer sur place. Nous nous attardons donc quelque peu au pub.

Nous sympathisons un peu plus avec les organisatrices de l’évènement. Magdalena, une Couch surfeuse polonaise nous rejoint. Le vin aidant, la conversation commence à faire place à quelques mauvaises idées. Lya veut me convaincre d’aller faire avec elle le marathon de Lima. Pablo, quant à lui, émet l’idée de rédiger un guide du Cusco pirate, soit un guide pour visiter Cusco sans rien payer. Je sais déjà comment faire pour entrer en fraude à Moray. Magdalena connait un moyen pour voir le Machu Picchu sans débourser un sole. Ce plan consiste notamment en la traversée d’un cours d’eau à la nage de nuit. Rien de bien exceptionnel... Nous avons également droit à une nouvelle perle de notre cher ami Pierre qui n’hésite pas à comparer la situation politique belge à ce qui se passe en Israël. J’en reste sans voix... Il y a aussi un serveur québécois assez sympa mais avec un accent à couper au couteau. C’est incroyable, je le comprends mieux en anglais ou en espagnol qu’en français.

Il est déjà 23h30 lorsque nous quittons le Real McCoy mais j’avais promis à Yann, le petit Français que j’avais rencontré au barbecue chez Caroline et Juan Carlos, de faire un tour à l’Indigo bar pour la rencontre hebdomadaire du Couch Surfing. Comme ce n’est pas mon genre de m’engager à la légère, je convaincs Anabel et Magdalena de faire une brève apparition à la réunion. Il est déjà tard, le comité à cette heure est assez restreint et Yann n’est déjà plus là. Les derniers rescapés sont pris par le suspens d’une immense partie de Jenga. Parmi eux, il y a un certain Lucho, Péruvien originaire d’Arequipa avec qui je sympathise.

Vers 0h30, Anabel et moi estimons qu’il est grand temps de rentrer car nous travaillons lendemain. Mais c’est sans compter sur les talents de persuasion de Magdalena qui est bien décidée à poursuivre la soirée à danser et nous entraine à la suivre au Groove, une boite à touristes. Enfin, pas uniquement réservée aux touristes, il y a aussi pas mal de « bricheros ». Le terme brichero ou bridgero vient de l’anglais « bridge », car, à leur manière, ces jeunes hommes tentent de construire un pont censé leur permettre de rejoindre les pays du Nord. Et cela se fait aux dépens de gringas un peu naïves qui s’amourachent de ces « serial lovers » aux techniques d’approches des moins discrètes. Personnellement, je ne suis pas tout à fait à l’aise dans cette faune et ne sais pas trop comment gérer mon « succès » auprès de tous ces prétendants plus collants les uns que les autres. Magdalena, elle, semble comme un poisson dans l'eau. Tout en gardant bonne humeur et sang-froid, elle les repousse un à un. Evidemment, cinq minutes plus tard, ils retentent à nouveau leur chance mais s’énerver de toute façon ne sert strictement à rien.

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Jour 67

Le 06/09/11, 22:30

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Aujourd’hui nous assistons à un séminaire, « políticas culturales y gestión cultural ». J’ai un peu l’impression de me retrouver à nouveau sur les bancs de l’école. Mais il est clair que, cette fois, je me frotte à un public que j’ai encore très peu côtoyé depuis mon arrivé, le milieu intellectuel cusquénien, le fin du fin. L’évènement est organisé par el Centro Guaman Poma de Ayala, une association dont le travail consiste à mettre en valeur la culture comme outil de développement et de changement pour une société moins inégalitaire et plus respectueuse des différences. En effet, si l’Afrique est le continent le plus pauvre au monde, l’Amérique latine est le plus inégalitaire. Le grand essor économique qu’a connu le Pérou ces dernières années n’a pas signifié plus d’égalité, plus de sécurité, plus de développement social. Au contraire... Les droits et les besoins de grandes majorités muettes (les populations indigènes, les femmes, etc.) sont encore bien trop souvent ignorés.

La vision des organisateurs du séminaire est donc de promouvoir à travers la culture une plus grande citoyenneté : faire découvrir aux Péruviens qu’ils ont des droits et des moyens pour atténuer ces inégalités et favoriser un système politique démocratique, non-corrompu, attentif aux intérêts de tous. De fait, puisque l’Etat ne remplit pas sa fonction en la matière, c’est à la société civile que revient la responsabilité d’élever la voix pour faire entendre les demandes des divers groupes sociaux. A ce niveau, les artistes peuvent porter leur pierre à l’édifice en fournissant à la société les moyens suffisants pour dialoguer et influencer la politique, en rendant visibles les exclusions et en donnant aux exclus la possibilité de s’exprimer.

La première conférence donnée par Victor Vitch a pour titre « Desculturizar la cultura : Retos actuales de las Políticas Culturales ». C’est de loin la plus intéressante de la journée. Il rappelle dans un premier temps que la culture ne se limite pas à représenter la réalité mais la produit également puisqu’elle est le dispositif socialisateur à travers lequel les êtres humains entrent en relation. En ce, elle ne doit pas être considérée comme une entité à part : toute manifestation humaine implique un aspect culturel. Ainsi, « déculturaliser la culture » signifie positionner la culture comme un agent capable d’intervenir sur la politique (en questionnant la société actuelle ou divers concepts tels que celui du développement, etc.). Cela signifie aussi mesurer la dimension culturelle des évènements qui ne sont a priori pas considérés comme culturels.

Dans la mentalité péruvienne, la culture n’est pas considérée comme un droit. Or, les ressources culturelles peuvent influencer énormément la société en vue de l’améliorer. La culture non seulement représente la réalité mais elle peut aussi changer la perception des gens en les faisant réfléchir sur leur monde et en leur faisant comprendre que d’autres possibilités de sociétés existent. Les politiques culturelles ne donnent pas de solutions aux problèmes de société mais elles modifient l’imaginaire à partir duquel s’est constituée cette société. La culture devient donc un nouveau pouvoir.

Pour se faire, il faut remettre la main sur les lieux publics de plus en plus menacés par la privatisation car ces endroits sont des espaces de démocratisation de la culture. Il faut qu’ils deviennent des lieux chargés de symboles culturels, des lieux où puissent se faire la critique de la société et la représentation d’autres possibilités.

Après cet exposé de plus de deux heures dans un espagnol « rapidisimo », j’ai l’impression d’avoir le cerveau qui fume. Une petite collation est donc la bienvenue. A l’occasion de cette pause, je rencontre Jaime, la personne qui travaille pour Rainforest à Misminay. Nous discutons de nos projets respectifs et il me fait quelques confessions « off the record ». Il m’explique qu’il y a beaucoup de dissensions au niveau du groupe à Misminay. De fait, des propres termes de Jaime, Rainforest a privilégié le matériel sur le « spirituel ». Certes, tous ont de belles maisons et ont bénéficié d’une formation pour recevoir les visiteurs mais il n’y a aucune dynamique de groupe. En cela, Jaime pense que notre manière de travailler est meilleure. Il explique également que l’arrivée de l’argent des touristes n’a fait qu’empirer la situation. Tant que les apports du projet n’étaient que matériels, tout allait bien. Maintenant qu’il faut se distribuer les devises issues de l’activité, les choses s’enveniment : la répartition n’est pas toujours équitable et les tensions s’accentuent. Cela prête à méditation. De notre côté, comment allons-nous gérer ce problème ?

La conférence suivante est moins intéressante. Il s’agit de la présentation d’un réseau d’associations qui travaillent dans le domaine culturel. La nouvelle conférencière parle encore plus vite que Victor Vitch. Pas facile de se concentrer, surtout lorsqu’on a à côté de soi un Erland qui passe son temps à soupirer, bouger dans tous les sens, jouer sur son téléphone portable.

Après une immense pause midi de trois heures, les cours reprennent. Erland n’est pas là, le contraire m’aurait étonné... A la pause, je sympathise avec un certain Juliver. Si je le soupçonne d’être-là avant tout pour profiter du buffet, il n’en est pas moins sympathique.

Le séminaire se termine à 19h00. Il était temps, je meurs de faim et me rends donc à ma cantine habituelle, un petit restaurant familial où je mange trois à quatre soirs par semaine. L’ambiance y est relaxe. L’accueil s’y fait sans chichi. Souvent, les enfants font leurs devoirs sur une table dans un coin. Quand la plus petite ne danse pas entre les tables dans sa robe de princesse... Il y a la serveuse qui s’occupe de vous sans pourtant quitter des yeux sa telenovela préférée. Je m’y sens un peu comme à la maison. De plus les prix sont modiques et il y a toujours une proposition de menu sans viande. Que demander de plus ? Ce soir, le restaurant est bondé. Si bien qu’un jeune homme me demande s’il peut s’installer à ma table pour prendre son repas. Il s’appelle Jefferson et, bien évidemment, il est guide touristique. Le guide touristique à Cusco est aussi original que le banquier à Luxembourg...

Lui aussi habite le quartier. Nous discutons un peu de choses et d’autres. Ce que j’apprécie le plus chez lui, c’est sa franchise. C’est une des rares personnes ici qui a osé me dire que les ONG c’est parfois du grand n’importe quoi. D’habitude, lorsque je dis que je travaille pour une ONG, on me dit « ah, c’est bien », certain vont parfois jusqu’à me remercier de venir œuvrer pour le peuple péruvien. Mais en fait, je partage tout à fait l’avis de Jefferson. Cusco est je crois une des Mecques de la coopération au développement. Pour le meilleur et pour le pire. Tous se disent associations à but non lucratif mais il n’est pas rare que sous les bonnes intentions de façade se cachent des objectifs moins louables. Et, même lorsque les associations sont sérieuses, personne n’est à l’abri d’un dérapage, CENPRODIC y compris. Il est très facile de se tromper et de prendre une mauvaise décision qui au final empire la situation des populations locales au lieu de l’améliorer. L’enfer n’est-il pas pavé de bonnes intentions ?

Après le repas, Jefferson me demande l’autorisation de me raccompagner chez moi. Evidemment, j’accepte. Même si je n’ai encore eu aucune mésaventure en rentrant seule le soir chez moi, je préfère ne pas tenter le diable et être accompagnée le plus souvent possible à la nuit tombée. Ce à quoi j’ai plus de mal à m’habituer c’est tout ce « cérémonial ». Me demander mon autorisation... Si on décrie beaucoup le machisme des hommes ici, il faut reconnaitre que le corolaire de ce sexisme est souvent la plus grande des galanteries. Les hommes vous ouvrent toujours la porte, ils refusent que vous payez au restaurant (et pourtant, ce n’est pas faute d’insister). L’autre jour, en sortant de boite, José Luis m’a prêté sa veste. J’ai cru rêver, moi qui croyais que ce genre de chose n’arrivait que dans les films. Mais en général, ce genre de comportement me met plus mal à l’aise qu’autre chose. Je suis pour l’égalité des genres. Qui dit égalité des droits, dit égalités des devoirs. Donc, j’ouvre ma porte toute seule comme une grande et je paie ma part au restaurant.

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Jour 66

Le 05/09/11, 22:08

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Ce matin, je m’habille pour notre habituelle réunion du lundi mais en voyant arriver Erland en jogging, je comprends bien vite que le programme sera autre. En effet, les habits de travail sont de rigueur car nous allons monter toute une série de lits à deux étages entreposés dans une réserve au fin fond de la propriété.

En fait, nous changeons un peu notre tactique commerciale. La saison touristique touchant à sa fin, nous comptons travailler avec des écoles qui pourraient nous envoyer leurs élèves en voyage de promotion. Pour ce genre de clientèle, nous avons donc besoin de dortoirs avec des lits superposés.
Après avoir enlevé les quelques centimètres de poussière accumulée sur chaque pièce de mobilier, nous montons le tout au troisième étage du bâtiment principal. Après cinq à six voyages, je n’en peux déjà plus...

Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. Encore faut-il monter tous les lits qui sont en pièces détachées. Pendant plus d’une demi-heure, nous tentons de comprendre le code de chiffres établi par le menuisier qui a construit les lits. En vain, c’est du petit chinois pour nous. Les garçons décident donc d’employer la manière forte. A grand coups de marteaux, ils parviennent à monter le premier lit mais nous nous rendons compte qu’il manque des pièces pour le sommier. Décidément, nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Finalement, nous abandonnons. De toute façon, Rogger vient de se souvenir qu’il aurait probablement besoin des lits pour recevoir un groupe à Urubamba. Il vaut donc mieux les laisser en pièces détachées pour les déplacer plus facilement. Il était temps d’y penser...

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Jour 65

Le 04/09/11, 22:02

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Après le repas de midi, je décide d’aller me promener un peu et de grimper jusqu’à l’entrée de Sacsayhuamán histoire de mieux me rendre compte à quoi ressemble le complexe archéologique. Etant donné qu’il est tout à fait impossible de pénétrer dans à l'intérieur du site sans payer les 80.-Soles d’entrée, je bifurque vers San Blas et prend la direction de la statue du Cristo Blanco. La montée des escaliers jusqu’aux hauteurs de la ville s’avère encore une fois être une épreuve. Je suis bien vite hors d’haleine. J’ai pourtant droit à quelques encouragements des plus sincères. Une dame est occupée à peler des pommes-de-terres sur la pallier de sa maison. En me voyant arriver à bout de souffle, elle ne peut que compatir. « Courage... Plus que deux volées d’escaliers... ».


Enfin arrivée au pied du Cristo Blanco qui veille sur la ville, je me rends compte que beaucoup de familles ont profité de leur dimanche pour pratiquer une activité récréative très en vogue ici : le cerf-volant. C’est impressionnant, le ciel est empli de centaines d’engins volant de toutes les formes et toutes les couleurs. Et il n’y pas d’âge pour s’adonner à ce hobby. Toute la famille s’en donne à cœur joie.




Après avoir flâné un peu en ville, je reprends le chemin de la maison et tombe par hasard sur Anabel et Pablo qui me proposent de les rejoindre boire un verre un peu plus tard. Cela ne pouvait pas mieux tomber. Je commence à en avoir marre des soirées en solitaire. Nous nous retrouvons donc vers 19h au Crossed Keys en compagnie de deux autres Couch Surfers, Diana qui est péruvienne et son petit copain français, Pierre. Pierre est au Pérou pour une raison bien précise. Il croit avoir fait une découverte qui pourrait remettre en question nombres de théories actuelles en matière d’architecture inca. En effet, la plupart des experts s’accordent sur le fait que les Incas donnaient à leurs villes des formes bien précises. Ainsi, Cusco a la forme d’un puma, le Machu Picchu celle d’un condor. Or, Pierre aurait trouvé une méthodologie qui permettrait d’identifier plus précisément la forme de chaque localité Inca. Il réfute d’ailleurs la forme de condor généralement donnée au Machu Picchu à la faveur de la forme d’un autre animal. Lequel ? Pierre refuse de nous le dire car il veut protéger ses recherches. A ce stade, il est difficile de dire si nous avons affaire à un véritable génie ou à un illuminé. En tout cas, Pierre ne passe pas inaperçu en société. Au cours d’une conversation des plus anodines, il est du genre à poser une question telle que « crois-tu que le monde va survivre au capitalisme ? ». Drôle de gars...

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Jour 64

Le 03/09/11, 21:40

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Nous sommes censés nous rendre à Kallcaracay et Mullacas-Misminay ce matin. Or les gens de Kallcaracay nous ont fait faux bond. Nous nous contenterons donc d’une visite au président de Mullacas-Misminay. Nous voulons lui poser des questions sur l’histoire de sa communauté. Ses connaissances sur le passé colonial de la localité sont impressionnantes. Ce qui ressort dans son récit est évidemment l’injustice totale avec laquelle les Espagnols traitaient à l’époque les populations indigènes. Comment ne pas se sentir révolté à ces paroles ?

Le reste de ma journée se poursuit dans mon lit. Non pas que je passe des heures à dormir mais sous ma couette reste l’endroit où je préfère travailler. Et oui, je souffre toujours du manque de chauffage. Et ce dont, je souffre ces derniers temps, c’est aussi du manque d’électricité. Des ouvriers sont venus démonter et remonter toute l’installation électrique. Je pense qu’il n’y avait pas de prise de terre dans l’installation précédente. Résultat, cela fait plusieurs jours que j’ai l’impression de camper sur un chantier géant. Les ouvriers vont et viennent et n’hésitent pas à entrer dans ma chambre sans prévenir. J’ai toujours un peu de mal à me sentir chez moi dans ce bâtiment. Vivement que j’ai enfin ma chambre définitive dans la casita verde.

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Jour 62

Le 01/09/11, 21:33

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Aujourd’hui, je chausse à nouveau mes bottines de marche pour ma toute première ascension en montagne. A vrai dire, je n’en mène pas large. Et une fois au pied du mur, soit au pied du Huaynaycorcor, le défi me semble de taille. Ma plus grande crainte : faire un malaise en raison de l’altitude. Il est donc hors de question de jouer les dures aujourd’hui. Je progresserai à mon rythme.


Nous décidons d’aborder le mont par son versant le plus escarpé. La principale difficulté étant qu’aucun chemin n’est tracé dans les hautes herbes sèches, nous adoptons la technique de la progression en zigzag pour atteindre notre objectif. Au début, la ligne droite étant à mon sens le chemin le plus court, j’ai un peu de mal à me soumettre à cette discipline. Mais, plus nous grimpons, plus la pente est abrupte. Je dois donc me résoudre à imiter l’exemple des garçons et suivre une trajectoire en lacets. A partir d’un certain moment, chaque sinuosité parcourue est une petite victoire en soi. Je commence à être essoufflée, j’ai un peu mal aux oreilles et surtout je dois multiplier les pauses. Et pourtant, je tiens le coup. Je ne suis pas mécontente du fait que les garçons soient une bonne centaine de mètres devant moi. Je peux ainsi progresser à mon rythme sans avoir l’impression d’être le boulet du groupe. Je ne rigole cependant pas lorsque je dois escalader seule un petit piton rocheux que je prends pour le sommet de la montagne. Mais je déchante lorsque je me rends compte que le véritable sommet se trouve en fait cent mètres plus haut encore. Heureusement, un petit sentier court sur la crête et rend la fin de l’ascension un peu plus aisée. Il me faudra en tout 1h05 pour atteindre le point culminant à quelques 4380m d’altitude.

Là-haut, les garçons testent un joujou flambant neuf qui nous sera bien utile dans notre travail, notre nouvel appareil photo semi-professionnel. Il faut dire que le panorama est impressionnant, il embrasse toute la vallée de Cusco et bien plus encore. Je ne suis cependant pas tout à fait tranquille. Même si j’ai essayé de ne pas y penser pendant la montée, une grande préoccupation occupe un recoin de mon esprit et se fait de plus en plus inquiétante: comment va-t-on redescendre ? Mais les garçons me rassurent : pour le retour, nous allons passer par l’autre versant qui est bien moins abrupte.


A l’approche du village de Huarahuaylla, nous croisons quelques bergères qui font paitre leur troupeau. Je marche en tête, les garçons sont cette fois cinquante mètres derrière moi. L’étonnement de ces dames en voyant débarquer de nulle part une petite gringa se lit sur leur visage.

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Jour 61

Le 31/08/11, 19:20

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Aujourd’hui est un jour de repos et donc une journée assez peu productive. Heureusement, la soirée est un peu plus animée en raison de la réunion hebdomadaire du Couch Surfing.

Je passe une bonne partie de ma soirée avec un groupe de Suisses qui "font escale " à Cusco dans le cadre d’un tour du monde d’un an. Ils ont participé aujourd’hui à une cérémonie de l’Ayahuasca, un rite chamanique censé les purifier de tous leurs maux. Durant ce rite thérapeutique, le chamane et le patient absorbent un breuvage à base de lianes et tous deux tombent dans un état de transe pendant lequel le chamane apprend les causes de la maladie et le moyen d’y remédier. Apparemment, les propriétés hallucinogènes de la plante ont fait grand effet à mes nouveaux compagnons de bar helvètes. C’est limite s’ils ne planent pas encore un peu.

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Jour 60

Le 30/08/11, 19:10

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Aujourd’hui est un jour férié, la fête de Santa Rosa de Lima. C’est un jour de repos pour tous y compris les policiers. Pour l’occasion, ce sont donc les scouts qui assurent la circulation en ville. Je ne peux m’empêcher de me demander ce que ce genre de choses donnerait en Belgique. A l’époque où j’étais scoute à Bastogne, nous laisser aux rênes de la circulation urbaine... Bonjour le massacre... Bref, c’est un jour de repos mais pas tout à fait pour tous. Nous, nous bossons.

Aujourd’hui, nous nous rendons à Maras pour une séance de révision des diagnostics que nous avons déjà établis dans les diverses communautés bénéficiaires. Moi qui m’attendais à une journée tranquille, je me suis trompée car il y a du boulot. Pendant qu’el Arquitecto Samuel révise les inventaires déjà effectués, Indira travaille avec les habitants de Mullacas-Misminay sur le cas de leur propre communauté. J’assiste à la révision des données recueillies sur Villa del Carmen. El Arquitecto en profite pour me donner une petite version personnelle de l’histoire péruvienne. Cela est très intéressant et éclaire particulièrement ma lanterne.



La plupart des communautés présentent un schéma d’évolution assez similaire. Au temps des colonies, les paysans cultivaient pour la couronne espagnole et recevaient en échange de leur labeur à peine de quoi subsister. L’injustice de cette situation atteignait son paroxysme avec un système d’impôts en argent auquel devaient se soumettre les indigènes. Après l’indépendance du pays, le système évolua pour prendre la forme d’un tissu de grandes haciendas au sein desquelles étaient concentrées toutes les terres. Les communautés travaillaient pour de grands propriétaires terriens qui avaient presque tous les droits sur elles. Les années 1970 marquèrent un incroyable tournant dans l'histoire.Le gouvernement révolutionnaire militaire de Juan Velasco Alvarado redistribua à la population les terres des haciendas. Mais, ce gouvernement qui était avant tout une dictature de gauche échoua dans la détermination d’un nouveau modèle de développement communautaire performant.

Beaucoup de communautés furent minées par deux phénomènes concomitants qui auront pour conséquence l’actuelle situation de pauvreté extrême et de fort exode rural. De fait, pour pouvoir écouler leurs produits sur le marché, les communautés avaient besoin d’un vecteur qui prit la forme des coopératives. Souvent corrompues, les coopératives feront en général plus de mal que de bien aux populations locales (augmentation de la pauvreté, baisse du niveau de vie, expulsion de certains membres privés de leurs terres). A ce premier phénomène, s’ajoutèrent les effets néfastes de la révolution verte qui après avoir offert de premiers résultats très prometteurs s’avéra n’être qu’un leurre. Après dix ans d’utilisation massive de pesticides et fertilisants chimiques, les sols devinrent de moins en moins fertiles. Il devint de plus en plus difficile de vivre de l’agriculture.

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Jour 59

Le 29/08/11, 17:51

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[align=justify]
A six heures du matin, je suis sur le pied de guerre. Erland m’a prévenue la veille qu’on allait parcourir ce lundi toute notre route d’une seule traite de Tica Tica à Maras. Je ne suis pas certaine d’être à la hauteur. Il y a environ 30 km et je ne crois jamais avoir marché une telle distance. En plus, depuis la randonnée en compagnie de jack, Erland n’arrête pas de dire à tout le monde que je marche super bien. Je préférerais qu’il s’abstienne, cela me fout la pression. Bref, je ne sais pas trop ce que cela va donner mais une chose est sûre, nous sommes sur le départ.

Nous quittons Tica Tica avec une heure de retard car nous devons attendre Goyo. Cela commence déjà bien. Beatriz et Erland en profitent pour prendre leur petit déjeuner le long de la route. Nous nous mettons en route vers 7h00. Le rythme est clairement plus soutenu que lorsque nous étions venus marcher avec Jack. Je me rends compte à quel point Erland est plus rapide que moi. Mais à part lui, je suis mes compagnons de marche sans trop de difficultés. Je suis juste un peu plus lente dans les côtes. Sonia m’avait dit que les peuples andins ont un demi litre de sang en plus que la moyenne des êtres humains et que, pour cela, ils sont moins affectés par l’altitude. A plusieurs reprises, je me dis que je me ferais bien faire une petite perfusion...

Nous parcourrons en un peu plus de 3h30 ce qu’il nous avait fallu 5h à marcher avec Jack. Jusque-là, tout va bien. Nous nous perdons quelque peu à hauteur des andenerías de Koricancha. Les garçons sont partis explorer un chemin de leur côté alors que Beatriz et moi sommes restées en retrait. Nous n’avons pas compris que nous devions rejoindre Erland et Gpyo à Koricancha. Alors nous attendons dix, vingt minutes en vain. Lorsque nous finissons par appeler Erland pour savoir où il est, il est visiblement fâché que nous lui ayons fait perdre du temps. Beatriz et moi laissons passez l’orage. Je suis heureuse qu’elle soit des nôtres et renforce les rangs féminins. Les garçons passent leur temps à se pousser dans le fossé, à jouer avec des pierres, etc. C’est drôle 5 minutes mais toute une journée, ce genre de petits jeux me gonflent vraiment.

Je ne suis pas mécontente d’atteindre CruzPata 2h30 plus tard. Les premiers signes de fatigue commencent à se faire sentir. Le repas est vite expédié. Nous repartons trente minutes plus tard. Même si nous laissons dernière nous la partie la plus escarpée, la pampa qui nous attend ne sera peut-être pas plus abordable. Sur ces grandes étendues planes balayées par le vent, le soleil est un adversaire de taille qu’il ne faut pas sous-estimer. D’ailleurs, histoire de ne pas se déshydrater nous faisons un petit arrêt à Mawaypampa pour une petite chicha.

De toutes les communautés bénéficiaires de notre projet, il semble que Mawaypampa soit celle qui soit le moins confrontée au tourisme. Les commentaires que j’entends sur mon passage le prouvent. Et d’ailleurs, lors de notre petite halte, alors que seuls les garçons veulent commander une chicha, on nous en apporte une troisième. Celle-ci est servie non pas dans un gobelet en plastique mais dans un verre et est offerte par la maison. Il est clair qu’elle est pour moi. Je m’en serai bien passé car ce n’est pas trop mon habitude de mélanger effort et alcool. Mais je me vois mal refuser le verre que j’accepte, comme le veut la coutume, à deux mains et en versant par terre quelques gouttes du breuvage pour faire le « pago » à la Pachamama.

Il nous reste environ une heure de marche jusqu’à Maras. Et je suis soulagée de voir apparaitre au loin les premières maisons de la capitale du district. Mais une fois arrivés à Maras, encore faut-il nous rendre à l’embranchement avec la route d’Urubamba, 4 km plus bas. Plus facile à dire qu’à faire, il n’y a aucun taxi pour nous emmener. Nous sommes assis sur un trottoir et attendons la bonne fortune. Heureusement, au moment où nous nous résignons à rassembler nos dernières forces pour prendre le chemin de l’embranchement à pied, une voiture fait enfin son apparition sur la petite place du village. Il s’agit d’un ami de Goyo. Nous ne sommes pas les seuls à le guetter et pour nous assurer une place dans son taxi, nous piquons un sprint jusqu’à lui. Comme si mes jambes n’en avaient pas assez enduré comme ça aujourd’hui... Nous parvenons à nous faire une place à bord mais l’ami de Goyo n’est pas du genre à laisser des clients sur le trottoir. Nous nous entassons finalement à neuf dans son break. Heureusement que le trajet est de courte durée.

A l’embranchement, nous trouvons assez rapidement un bus pour nous ramener à Cusco. Nous sommes tellement fatigués que nous somnolons pendant tout le trajet. Mais le réveil est dur. Après avoir laissé nos muscles se refroidir pendant plus d’une heure, le simple fait de se lever de sa banquette est un supplice. Dans cet état, je ne suis plus bonne à rien faire pour le reste de la journée. Je n’attends qu’une chose, retrouver mon lit.
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Jour 58

Le 28/08/11, 17:40

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Nous reprenons nos séances de diagnostic, à Maras cette fois. Sauf que pour moi, la séance ne commencera qu’en fin de matinée. Nous sommes sur le point de partir lorsque je reçois un SMS de Jack. Il est resté dormir la veille chez Caroline et Juan Carlos et est maintenant en route pour Sta Ana. Comme on est dimanche, il n’y a personne au bureau et je suis donc la seule qui puisse lui ouvrir la porte. Erland et Indira décident donc de partir pour Maras. Je les rejoindrai dès que je peux en combi.

C’est la première fois que je prends seule un combi pour une si longue distance mais a priori, cela ne me semble pas bien compliqué. Aujourd’hui, il y a un peu de grogne au guichet car la société de transport vient juste d’augmenter ses tarifs. Au départ, je suis la seule gringa dans le bus et j’ai pourtant l’impression de me fondre dans la masse. D’ailleurs, pendant le trajet, mon voisin me demande directement où je travaille et non quel site je vais visiter. Le fait que j’ai mon ordinateur portable avec moi y fait peut-être quelque chose. A Chinchero, deux touristes français montent à bord. Décidément, il ne me semble pas avoir grand-chose en commun avec eux. Tout est dans l’attitude... Ils ne savent pas vraiment où ils doivent descendre et sont assez nerveux pour la cause. Alors que moi, je suis relax. Je partage mes sucreries avec mes deux nouvelles voisines qui doivent avoir 5 et 6 ans, tout en sentant peser sur moi le regard interloqué de ces deux touristes. Mais ils ne m’adressent pourtant pas la parole. C’est con, parce que moi, je sais très bien où ils doivent descendre. Leur arrêt est en fait aussi le mien. Mais puisqu’ils ne sont pas en mode sympathique, moi non plus.

Arrivée au « ramal » à 4km de Maras, je suis censée appeler Erland pour qu’il vienne me chercher en voiture. Mon GSM faisant des siennes dès que je sors de Cusco, je dois emprunter celui d’un jeune homme qui cherche un taxi pour l’emmener à Maras. Erland ne répond pas. Je n’insiste pas car je sais ce que cela signifie : il va falloir se débrouiller toute seule. Le jeune qui m’a prêté son téléphone est accompagné par trois autres Péruviens venus de Cusco. Le groupe m’explique qu’aucun taxi ne veut les emmener à Maras car tous préfèrent travailler avec des touristes. C’est un comble ! Finalement, ils parviennent à trouver un chauffeur un peu plus conciliant et me proposent de les accompagner.

Lorsque j’arrive à l’école au point de rendez-vous, Indira est seule avec quatre jeunes gens. En effet, à Maras, il n’y a aucun adulte parmi les bénéficiaires du programme. Tous les participants sont des adolescents qui ont à peine seize ans. C’est un peu problématique parce que les jeunes ne savent pas beaucoup nous éclairer sur l’histoire de leur communauté et puis ils ne sont pas très concentrés. Enfin, après quelques heures de travail, nous obtenons quand même des informations satisfaisantes.

Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons à la Laguna de Piuray car la feria de Chinchero y a lieu ce week-end. Il s’agit un peu de « la Foire Agricole de Libramont » locale. Moins le stand Talbot... Plus les corridas... J’ai d’ailleurs droit à une petite photo avec un torero. Mais, il n’y a pas de quoi en faire tout un plat. C'est une demi-portion.




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Jour 57

Le 27/08/11, 17:08

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Etant donné que je ne sais pas quand sera le prochain, je compte bien profiter de mon jour de repos. Et, coup de chance, aujourd’hui a lieu le barbecue mensuel du groupe Couch Surfing chez Caroline et Juan Carlos.

Comme Jack et moi arrivons les premiers, l’après-midi commence en douceur. Mais, peu à peu, les autres invités nous rejoignent. L’ambiance est une fois de plus très sympa et très internationale.

Je discute avec un peu tout le monde, enfin surtout avec les mecs. Les conversations sur boucles d’oreille et autres m’intéressent moyennement. Heureusement, il y a Anabel, une Américaine d’origine mexicaine à qui ce genre de sujet de conversation passe aussi complétement au-dessus de la tête. Par contre, du côté masculin, il y a quelques personnages intéressants : Yann, un petit Français avec qui je suis contente de pouvoir un peu parler dans ma langue maternelle, Yohan, un magicien allemand qui voyage de villes en villes en faisant ses tours dans les bars et restaurants. Il nous fait d'ailleurs l'honneur d'une petite représentation VIP. Surtout, il y a Diarmuid, un Irlandais aux idées un peu décalées mais très drôles. Il est en convalescence ici après une très lourde opération au dos. Il compte apprendre les rites chamaniques pour tenter de soulager sa douleur. Il est vrai qu’il a l’air mal en point. Il se déplace très difficilement. Mais sa personnalité, qu’on adore ou déteste (perso, j’adore), et son charisme font très vite oublier son handicap.


Le soir, Anabel, Diarmuid, Jack et moi allons manger dans une polleria. Après le repas, les autres retournent à la fête mais je joue les filles raisonnables. Je bosse demain.Dommage...

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Jour 56

Le 26/08/11, 16:58

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Je pars tôt le matin pour aller à plusieurs rendez-vous dans des écoles d’espagnol. De retour de ma dernière entrevue de la matinée, je me rends compte qu’il y a une effervescence inhabituelle au bureau. En effet, en mon absence, il y a eu une réunion exceptionnelle avec l’équipe technique de Turural et celle d’Urubamba. Rogger qui dirige plusieurs projets à Urubamba et s’occupe notamment de la promotion de l’hospedaje de là-bas, va rejoindre l’équipe technique et travailler avec nous à Cusco. Il est clair que l’arrivée de Rogger va changer la donne dans le staff. D’ailleurs, nous revoyons ensemble tout l’aménagement de la casita verde.

Apparemment, à ce niveau-là aussi, les choses vont se mettre en place. Rogger me dit que tout sera prêt mardi prochain. Là, je crois qu’il rêve mais les choses vont bouger, c’est certain. J’obtiens aussi le feu vert pour chercher un colocataire dès que les travaux seront finis même si cette personne n'effectue pas de volontariat pour l'association. En effet, nous n’avons toujours pas d’activité à proposer aux volontaires et, en attendant, je n’ai pas envie de vivre toute seule.

Bref, la journée est plutôt porteuse de bonnes nouvelles et, cerise sur le gâteau, demain, j'ai finalement congé. Je passe une bonne partie de l’après-midi avec Jack qui a accepté de me donner un petit coup de pouce. Il corrige des documents que j'ai rédigés en anglais, notamment le profil de notre futur volontaire. Comme ce soir, je n’ai vraiment pas la tête au travail, nous décidons d'aller manger une pizza dans un petit restaurant en bas de la Cuesta Sta Ana. Le propriétaire est en grande conversation avec deux touristes argentins. Il explique les petites histoires du quartier. Comme dirait Jack, "c’est sympa : on a de la pizza et les ragots en prime. Que demander de plus?"

Nous regardons le journal télévisé en mangeant. La nouvelle du jour concerne un assassinat qui a eu lieu dans un magasin de la rue Platero, à deux pas de la Plaza de Armas. Apparemment, il s’agit d’un cambriolage qui aurait mal tourné. Les caméras publiques ont tout filmé. Là où le bât blesse, c’est que quelques jours auparavant, lorsqu’il y a eu une bavure policière dans le même quartier, les caméras étaient soit-disant hors service. En effet, après le dernier match du Cienciano, des jeunes un peu échauffés par la défaite ont fait du grabuge en ville. Les policiers sont arrivés et ont tiré en l’air 29 balles pour les calmer et les disperser. Un des supporters a reçu une balle perdue et est décédé sur le coup. Il avait à peine seize ans... Mais dans ce cas, il n’y aurait donc aucune image pouvant appuyer ou contredire la version de la police. C’est cela la justice au Pérou...

Après le repas, comme je l’avais promis à Jack, nous regardons sur mon PC un film de son choix : Orange Mécanique. Je n’ai jamais vu ce grand classique. C’est l’occasion de combler cette lacune. Mais j’avoue qu’Orange mécanique en version originale sous-titrée en espagnol, ce n’est pas toujours facile à suivre. Surtout pour les dialogues en argot.

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Jour 52

Le 22/08/11, 19:13

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Nous continuons notre travail de sondage des ressources des communautés, à Koriqancha cette fois. De nouveau, nous avons de la chance. Les bénéficiaires du projet ont invité comme personne-ressource un vieil homme qui est passionné d’histoire. Son témoignage est très éclairant. Le président de la communauté vient également apporter son aide.

Une fois de plus, le travail avec les communautés est l’occasion de goûter les bons petits plats locaux. Pendant le repas, nous discutons de la catastrophe qui a eu lieu au Pukkle Pop, en Belgique. J’explique au Señor Javier que si je n’avais pas été au Pérou, j’aurais sûrement accompagné un ami à ce festival. Pour lui, c’est un signe. Cela prouve bien que je dois rester et m’installer au Pérou après mon volontariat. Evidemment, Goyo et Erland renchérissent : « on va te trouver un mari ici comme cela tu n’auras plus envie de repartir. » Franchement, j’imagine trop bien le casting. Je suis persuadée qu’ils me présenteraient tous les cas désespérés de Cusco.


A la fin, de la journée, Tomas et David veulent absolument nous montrer des vestiges d’andenerías (des terrasses aménagées par les peuples incas pour leurs cultures) qui n’ont pas encore été restaurées. Evidemment, ce genre de choses nous intéresse... Je m’attends à quelques murets sans prétention. Mais le complexe qu’ils nous font découvrir est immense.



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Jour 51

Le 21/08/11, 16:24

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Aujourd’hui, nous travaillons à Villa Del Carmen. Mais lorsque nous arrivons au rendez-vous, notre programme de la journée semble compromis. Tous les hommes du villages sont réunis outils à la main. En effet, la communauté a prévu de réaménager sa place principale et tous ont été convoqués à participer aux travaux. Au moment où nous entrons dans la localité, les hommes sont en plein débat. Faut-il faire une ou deux rampes d’accès à la future place?

Mais nous avons sous-estimé les talents d’organisation des habitants. Cinq personnes ont été désignées au préalable pour travailler avec nous. Et parmi ces cinq personnes figure notamment le président de la communauté. Nous découvrons également que le passé de ce village est particulièrement bien documenté. Depuis des années, le compte rendu de toutes les réunions ou événements d’importance majeure est consigné dans un grand livre. Nous apprenons donc énormément.

Pour nous donner un peu plus de cœur à l'ouvrage, les bénéficiaires du projet ont prévu un peu de chicha à notre attention. Mais, étant donné qu’il n’y a qu’un verre pour tous, on n’a pas vraiment le temps de la savourer. Il faut boire cul-sec et passer au voisin.

En milieu d’après-midi, nous sommes à notre tour convoqués par le reste de la communauté qui veut en savoir un peu plus sur ce que nous «avons fabriqué » toute la journée. Nous laissons au Señor Javier le soin d’exposer notre projet. Les longs discours, ça le connait.

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Jour 50

Le 20/08/11, 19:17

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Nous nous rendons à Cruzpata pour notre deuxième jour d’inventaire. Indira est toujours des nôtres pour nous aider à réaliser cette tâche. Nous sommes un peu mieux organisés que la veille et les résultats se font sentir tout de suite. Le travail est beaucoup plus dynamique. Il faut dire que le groupe de Cruzpata est assez sympathique et se prête très aimablement au jeu de nos questions. Nous leur soumettons divers questionnaires et sondages. Pour que le « sondeo participativo » se fasse de manière plus didactique, ces questionnaires se font sous la forme de grands tableaux que les participants doivent remplir avec le plus grand nombre d’informations possible. Ainsi, nous leur demandons de nous raconter l’histoire de leur communauté aussi loin qu’ils s’en souviennent. Nous leur faisons dessiner un plan de leur village. Nous les questionnons aussi sur leurs relations avec d’autres institutions (Ecole, Eglise, municipalité, institutions financières, ONG, etc.). Nous les prions d’établir un calendrier des activités qui impliquent des entrées d’argent ou des dépenses mais aussi un calendrier des festivités. Nous les invitons à faire une analyse des tendances et des problèmes en matière de production, d’environnement, de culture et coutume, de services dont bénéficie la communauté (santé, éducation, accès à l’eau, etc.). Comme l’indique son nom, l’idée de ce sondage est qu’il soit le plus participatif possible. Nous voulons partir de la perception qu’ont de leur communauté les bénéficiaires de notre programme pour les aider, par la suite, à élaborer des produits touristiques qui tiendront compte de leur réalité et qui répondront vraiment à leurs besoins. Bien souvent, toutes ces informations existent mais sous forme de savoir oral qui peu à peu se perd. Les plus jeunes, par exemple, connaissent peu de choses sur l’origine de leur communauté. Il faut donc faire appel aux anciens pour en savoir plus. Dans certaines communautés, c’est donc la préservation du patrimoine historique et culturel qui est en jeu.





L’une des choses que je préfère à Cruzpata est probablement la cuisine de la Señora Rosa Quispe. Et une fois de plus, nous ne sommes pas déçus. A la fin de la formation, elle nous invite à prendre un café chez elle. C’est une des premières fois que je rentre à l’intérieur de la maison d’une des bénéficiaires de notre programme. C’est tellement nouveau pour moi que, lorsqu’on m’invite à entrer, je prends directement le chemin des chambres à coucher au lieu de celui de la cuisine. Et oui, je m’étais dirigée vers la partie de la maison qui me semblait la plus habitable. Pour moi, il n’était pas du tout évident que la cuisine était cette petite maisonnette à pars et au sol de terre battue.

La pièce est un peu enfumée. Dans leur enclos, les cuys poussent de petits cris aigus. L’un d’entre eux a réussi à prendre la poudre d’escampette et se faufile entre mes pieds... Même si, de mon point de vue, la cuisine ne paie pas de mine, l’accueil est toujours aussi chaleureux et par la froideur qu’il fait aujourd’hui, un bon petit café ne se refuse pas.

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Jour 49

Le 19/08/11, 5:03

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Nous nous rendons ce matin à Senca pour faire avec les bénéficiaires de notre projet l’inventaire de leurs ressources. J’apprécie beaucoup le groupe de Senca. Ils sont motivés et toujours présents aux formations même quand elles ont lieu très loin de chez eux. Malheureusement, leur communauté en périphérie de la ville manque de charme et se trouve tout au début de notre route. Il va donc être difficile d’y développer des activités touristiques intéressantes. De fait, dans un trek, ce qui intéresse tout le monde, c’est la destination pas le point de départ.


C’est la première fois que nous développons ce module de "sondeo participativo". Il y a quelques petits couacs. Certains outils préparés par Erland et Indira font double emploi. On perd pas mal de temps. En consolation, on a droit à une watia, un plat qui se prépare uniquement du mois de juin au mois d’août, soit en période de récolte des pommes-de-terre. Le mode de cuisson est des plus originaux. A l’aide de grosses mottes de terre séchée, on construit un four dans lequel on allume un feu de bois. On laisse les mottes de terre chauffer pendant plus d’une heure. Ensuite, il faut retirer du four toutes les bûches et les remplacer par les aliments, pommes-de-terre, hocas, fèves. Du moins, çà c’est la théorie. Mais notre four commence à s’effondrer car les mottes de terre ont chauffé un peu trop longtemps. C’est un peu la panique. Heureusement, les Señoras sont là pour rattraper le coup. Une fois les aliments placés dans le four, on utilise une pioche pour réduire en miettes toute les mottes. Les aliments se trouvent ainsi emprisonnés sous un monticule de terre brûlante. C’est ainsi qu’ils vont cuire. Après plus d’une heure, il ne reste plus qu’à déterrer toutes les victuailles et les déguster accompagnées d’un peu de fromage local. C’est pas mal du tout !







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Jour 48

Le 18/08/11, 4:41

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Chaque jour j’en apprends un peu plus. Je connais à présent la recette du fameux jus de fruit « spécial » vendu dans les petites échoppes des marchés, celui qui coûte quatre fois le prix d’un jus normal. Et, en effet, c’est spécial... Personnellement, je ne débourserai pas 12.- Soles pour cela. Il faudrait d’ailleurs me payer une somme astronomique pour que j’accepte d’en boire.

De fait, les ingrédients sont des plus étonnants : carottes et grenouille. Le tout est passé pendant de longues minutes aux mixeurs. Le pire, je crois que c'est le bruit de la machine qui s'acharne sur cette pauvre bête. Sous mon regard médusé, la vendeuse tente de me rassurer. Selon elle, le cuisses de grenouille ne se goûtent pas et cette mixture être très bonne pour la mémoire et la concentration. C’est la raison pour laquelle les plus grands consommateurs ici sont des étudiants.

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Jour 47

Le 17/08/11, 4:36

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Je continue mon travail avec les écoles d’espagnol. Toujours aussi contente de pouvoir voler de mes propres ailes, je me dis que ce travail est pour moi. En effet, c’est probablement la tâche où je suis le moins impactée par la différence culturelle. Lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes des expatriés, mes interlocuteurs ont l’habitude de travailler avec des étrangers et ont un mode d’organisation proche du mien.

Le soir, je me rends à la réunion hebdomadaire du Couch Surfing. Même si je revois quelques têtes connues, il y a beaucoup de nouvelles personnes. Ce soir, nous avons droit à une invasion australienne. Mon voisin de droite, par exemple, vient de Melbourne. Il vient de postuler pour un poste d’enseignant au sein d’une école de langues. Cusco est vraiment tout petit, mon dernier rendez-vous de la journée avait justement lieu avec son
futur patron...

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Jour 46

Le 16/08/11, 4:33

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Cette journée s’annonce chargée. J’ai presque une dizaine de rendez-vous aux quatre coins de la ville. Depuis qu’Erland m’a plus ou moins laissé « carte blanche » au niveau des contacts avec les écoles d’espagnol, je peux enfin m’organiser à ma façon et travailler à mon rythme. Je me sens plus efficace comme cela. Du moins, je bouge pas mal. J’adore... Je me sens un peu dans la peau d’une business women. Sauf qu’une vraie femme d’affaire a généralement à sa disposition une voiture avec chauffeur pour se rendre d’un rendez-vous à un autre. Moi, je mets un point d’honneur à tout faire à pied. C’est plus lent, mais je commence à vraiment bien connaitre la ville et me sens de plus en plus indépendante. Je ne suis cependant pas à l’abri de quelques couacs. Google Map n’est malheureusement pas infaillible. Je perds une heure à chercher de nouveau dans le quartier de l’université la rue Arequipa alors que celle-ci, de toute évidence, se trouve dans le centre...

A part cela, je suis relativement contente de ma journée et notamment de la découverte d’une petite école avec un véritable projet social.

En soirée, j’ai rendez-vous avec Sonia une Péruvienne rencontrée sur Couch Surfing. Nous allons boire un verre pour papoter. Cette discussion est très éclairante. Sonia est née et a vécu ici mais s’est installée en Espagne il y a presque 7 ans. Elle a donc une bonne connaissance de la culture péruvienne et européenne. C’est pour moi une sorte d’interprète culturelle. Elle éclaire donc ma lanterne sur quelques points sur lesquels je n’ose pas trop interroger les Péruviens.

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Jour 45

Le 15/08/11, 2:11

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Nous nous rendons aujourd’hui à Tiobamba pour assister à la procession de la Virgen Asunta. La localité de Tiobamba présente la particularité d’avoir été complètement désertée au fil des années. Suite au recours massif aux pesticides dans le cadre de la « révolution verte », les sols se sont peu à peu appauvris pour devenir totalement infertiles et les paysans ont fini par abandonner le village. Pourtant, on continue à célébrer la messe dans la petite église de style coloniale datant de 1562 et probablement construite sur un Huaca, un lieu sacré inca. Ce bâtiment solitaire au milieu de la pampa a quelque chose d’impressionnant.


Aujourd’hui, à l’occasion de la procession, l’animation est de retour au village. Les alentours du temple (et oui, ici, on parle également de temple) ont des allures de marché totalement improvisé. Nous arrivons pour midi. Dans les centaines de petites échoppes de fortune, les Señoras cuisinent au feu de bois dans de grosses marmites métalliques. Cela sent le graillon et l’endroit est bleu de fumée. Heureusement, dans l’enceinte du temple, l’ambiance est un peu plus calme et plus fervente même s’il y a quand même des vendeuses de gélatine jusque sur le parvis de l’église. Le prêtre célèbre la messe devant une assemblée assez fournie mais parfois dissipée. Tous sont debout car il n’y a aucune chaise. Il y a du mouvement, beaucoup de gens vont et viennent de toutes parts.


La cérémonie est suivie d’une procession dans l’enceinte de l’église. Un orchestre joue un hymne assez solennel, et, coïncidence ou pas, au moment où les porteurs sortent de l’église la statue de la Vierge, un terrible vent se lève. Le cortège passe d’un coin à l’autre du périmètre. Dans le premier coin, des représentants des autorités locales nous attendent car ils vont poser la première pierre d’un monument à la Vierge. La cérémonie prend alors une forme plus protocolaire. Si le syncrétisme religieux qui mélange folklore et foi catholique m’a toujours fait sourire, il me plait beaucoup moins lorsqu’il prend des airs de propagande politique.




Après la pose de la pierre, la procession reprend son cours. Les porteurs effectuent trois génuflexions devant l’emplacement du futur monument et se rendent dans un autre coin de l’enceinte. Et ainsi de suite. Bizarrement, le vent accompagne également le retour de la Vierge dans l’église. Alors coïncidence ou pas ? La procession touche à sa fin mais un nouveau rendez-vous est déjà pris pour dans huit jours. Et oui, pour l’octave, on remet cela. En attendant, sur le petit marché, la fête peut vraiment commencer. Ce genre de célébration est également le prétexte à de « sacrées » beuveries.

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Jour 43

Le 13/08/11, 4:18

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Je suis moyennement en forme au réveil. Les quatre verres de Pisco Sour de la veille n’y sont probablement pas pour rien (le Pisco Sour est un cocktail local à base de Pisco, jus de citron vert, sirop et blanc d'œuf. Un délice à condition qu’il soit servi bien frais...).).

Mais aujourd’hui, nous avons formation à Maras. Il va falloir gérer. Surtout parce que nous commençons la partie théorique du diagnostic des ressources de chaque communauté. C’est un moment clé. Nos bénéficiaires, même s’ils sont de moins en moins nombreux, sont fidèles à eux-mêmes, toujours aussi motivés. El Arquitecto a emmené une de ses collaboratrices, Indira, qui va nous aider dans cette tâche de diagnostic. Elle est très sympa.

Vers 17h, je suis contente de prendre le chemin du retour car depuis le repas de midi j’ai très mal au ventre. Il fallait bien que cela arrive, je ne fais vraiment pas attention à ce que je mange ici. Je compte me reposer un peu avant ma sortie nocturne. Et oui, ce soir, je rejoins les Couch Surfers pour une tournée des bars. Le « barathon » se fera au coca pour moi mais je ne veux pas rater cette occasion de mieux connaitre Cusco by night. Tant pis si je ne suis pas au mieux de ma forme.

Jack m’accompagne donc au point de rendez-vous, le pub The Cross Keys, un pub anglais très tranquille qui appartiendrait au consul britannique. Je fais la connaissance d’Anabel, une Américaine, et de Flavia, une Portugaise. La soirée est sympa mais Jack n’a pas l’air très à l’aise en société. Cela me préoccupe car je me sens toujours un peu responsable de lui. La soirée se poursuit ensuite au Paddy’s Pub puis au Mushroom, un bar électro. Je rencontre de quelques expat’s installés à Cusco. Mais Jack a vraiment l’air de trop s’ennuyer, nous ne la faisons pas longue. A une heure du matin, nous sommes de retour à la maison.

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