Petit bonhomme de chemin

Jour 166

Le 16/12/11, 22:14

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Aujourd’hui est le premier jour de notre grande expédition de Cusco à Machu Picchu, ou Mapi comme disent les pros ici (et puisque je suis en passe de devenir pro, moi aussi, je dis Mapi même si Goyo me reproche mon manque de respect envers le patrimoine inca...). En effet, nous avons fait le pari un peu fou d’ouvrir une nouvelle route alternative à destination de la Cité Perdue des Incas. Celle-ci aurait l’originalité d’être la seule à partir directement de Cusco tout en étant économiquement plus accessible et, surtout, tout en passant par la zone où se développe notre projet. Sur le papier, la chose est faisable. Il ne reste plus qu’à vérifier sur le terrain.

C’est la raison pour laquelle, Erland, Rolando (un de nos participants de la communauté de Senca) et moi sommes ce matin dans un combi à destination de Cruzpata. En effet, nous faisons l’impasse sur le tronçon Cusco-Cruzpata qu’à présent nous connaissons presque par cœur car notre objectif du jour est déjà particulièrement ambitieux : relier en un jour Cruzpata et le kilometro 82, soit le 82e km de la voie ferrée qui va de Cusco au Machu Picchu. Cela revient à marcher en un jour ce que nous proposerons à nos touristes de faire en deux. Autant dire que nous n’avons pas une minute à perdre.

La première partie du trajet se passe relativement bien. Nous marchons à un bon rythme et, après un passage par Mahuaypampa et Moray, nous arrivons à Kallcayraccay vers 12h30 pour un pique-nique bien mérité. La maman de Rolando a pensé à nous. Au menu, riz, œufs et frites, un grand classique ici.

Nous ne tardons guère et prenons la direction de notre prochaine étape, Ollantaytambo. Nous empruntons un charmant petit sentier qui nous fait sillonner le long des crêtes montagneuses. Par endroits, cependant, le passage a été coupé par de la terre et des gravats en raison de petits glissements de terrain. Il faut donc se lancer sur ce qui ne ressemble plus vraiment à un chemin et ce, à quelques centimètres à peine du précipice. Tout ce que je déteste... Mais nous pouvons difficilement rebrousser chemin. Quand il faut y aller, il faut y aller...




Je me fais la même réflexion lorsque nous rencontrons deux taureaux à l’air peu affable et aux cornes acérées. Nous tentons de les croiser au plus vite mais les deux bestiaux ne semblent pas enclins à nous simplifier la vie. Au lieu de poursuivre leur route, ils font demi-tour pour nous ouvrir le chemin. Nous marchons ainsi plus d’un kilomètre derrière les deux animaux. A ce rythme-là, nous arriverons à Ollanta non pas à trois mais à cinq. Il est grand temps de sortir notre Joker, Rolando qui est clairement plus habitué qu’Erland et moi à faire paitre le bétail. Par un petit subterfuge, il parvient à nous faire fausser compagnie à nos nouveaux camarades.



Cette petite mésaventure nous a fait perdre pendant quelques instants la notion du temps mais mine de rien, cela fait un bon moment que nous marchons. Bien évidemment, les sinueux chemins de montagnes sont rarement les plus directs mais il serait maintenant grand temps que nous amorcions notre descente vers le Valle Sagrado. Après une demi-heure de marche supplémentaire, nous nous rendons à l’évidence : le chemin que nous avons choisi se contente de contourner le sommet. Il va donc falloir improviser...

Le plus prudemment possible, nous descendons à flanc de montagne. Sous nos pieds, la terre rougeâtre à l’aspect plutôt molasse a un côté plutôt rassurant. Si nous tombons, nous ne devrions pas nous faire bien mal. Mais il faut rester vigilant car ce ne sont rien de moins que 700 mètres de dénivelé qui nous attendent. C’est tout sauf une promenade de santé et nous ne sommes pas à l’abri d’un pépin ou l’autre. Surtout quand la pluie et le vent décident de s’en mêler comme c’est le cas aujourd’hui.

A mi-chemin, je connais ma première déconvenue. Je marche sur une énorme épine qui transperce la semelle de ma chaussure. Je serre les dents et n’en dis rien aux garçons. Notre situation me semble déjà assez critique comme cela. Pas besoin d’en rajouter. Même si cela fait un mal de chien... 10 mètres plus loin, je me prends les pieds dans un trou et m’étale de tout mon long. Je ne plaints toujours pas, mais il est grand temps que je me reprenne si je veux rentrer en un seul morceau.

Notre ambitieux objectif du kilometro 82, semble à présent encore plus inaccessible. Nous n’irons probablement pas plus loin qu’Ollanta. Nous reprenons un peu confiance en voyant que nous parvenons peu à peu à rejoindre le fond de la vallée mais mieux vaut ne pas se réjouir trop vite : en dessous de nous, les énormes pilonnes électriques semblent encore tout petits.

Après une bonne heure et demie, nous finissons par « toucher terre », non sans déception. En effet, la seule façon de descendre était en allant vers Urubamba, soit en repartant vers l’arrière. Lorsque je vois apparaitre la Curba del Diablo, un virage sur la route entre Urubamba et Ollanta tristement célèbre pour ses nombreux accidents, je déchante complètement. D’en haut, j’avais déjà repéré cet endroit trois heures auparavant. Retour à la case départ... Autant dire que nous avons donc marché trois heures pour rien... Et nous sommes maintenant épuisés. Erland veut prendre un taxi pour parcourir les derniers kilomètres jusqu’à Ollanta. Moi qui, en général, mets tout en œuvre pour atteindre mes objectifs, j’ai du mal à me résigner à cette décision qui a pour moi le goût amer de l’échec. Pourtant Erland a probablement raison. La route de demain est encore longue. Pas besoin de se fatiguer inutilement.

Ce qui me tracasse surtout est que, si la distance était aujourd’hui un obstacle de taille, la définition de l’itinéraire n’aurait pas dû en être un, surtout en comparaison avec ce qui nous attend le lendemain...

Lorsque nous arrivons à Ollanta, où nous devions de toute façon passer la nuit, nous trouvons porte close. Goyo a dû partir à Puno et sa maman est allée travailler au champ. Nous décidons donc d’aller manger un bout en attendant. C’est l’occasion pour moi de me rendre compte à quel point Ollanta est « touchée » par le tourisme : il n’y a pas un seul restaurant pour les locaux et les prix sont exorbitants. Quand on sait à quel point les Péruviens ont l’habitude de sortir pour manger, on se demande vraiment comment font les gens ici.

Lorsque nous rentrons, nous sommes accueillis par la maman de Goyo qui nous annonce que le repas sera servi dans une heure. Le regard effrayé de Rolando me fait sourire. Dans les communautés, il n’est pas rare qu’on nous serve à manger presque de force. Le village de Rolando ne fait pas exception à la règle. C’est donc un peu l’arroseur arrosé. Il va comprendre ce que c’est que d’avoir à faire deux repas complets en une heure.

Mais avant cela, une petite sieste s’impose... Je partage ma chambre avec Nelly, une Liméenne de passage dans la région pour venir en apprendre un peu plus sur le tourisme rural à Cusco. Elle veut s’inspirer de l’expérience cusquénienne pour mettre en œuvre un projet de ce type sur la côte. A ce titre, elle était venue nous faire un petit coucou à notre formation en housekeeping la semaine précédente. Nelly est sympa mais un peu trop grande gueule à mon goût. Et puis elle parle sans arrêt. Ses questions m’assomment, moi qui n’ai qu’une seule envie : dormir...

[ Voir les photos : Pérou - Cusco ]

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