Petit bonhomme de chemin

Jour 90

Le 29/09/11, 2:38

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Ce matin nous sommes priés de nous mettre sur notre 31 car nous avons un rendez-vous avec le coordinateur du projet Qhapaq Nan au ministère de la culture. C’est sans compter sur les petits aléas de la vie ici. Ce matin, il n’y a pas d’eau dans ma douche. «Pas de souci. Je vais t’arranger cela de suite », me dit le Señor Delfin en me proposant de l’accompagner sur le toit pour me montrer comment résoudre le problème s’il se présentait à nouveau. En effet, ce serait bien de ne pas avoir à dépendre de lui au moindre petit pépin mais je ne pensais pas que cela impliquerait que je m’improvise technicienne en panneaux solaires... Décidemment, ici, j’aurai vraiment fait de tout... Au final, le Señor Delfín était bien trop optimiste. Pour résoudre la panne, il faudra attendre l’arrivée de Miguel, un des ouvriers (maçon de son état mais, tant qu’à faire, on l’a aussi chargé de presque toute l’installation électrique du bâtiment. Raison pour laquelle, quelque mois après, on s’est rendu compte que nous n’étions pas aux normes et qu’il a fallu tout recommencer à zéro...). Quand l’eau coule enfin dans ma salle-de-bain, il est 8h50. Je n’ai plus le temps pour une douche. Tant pis, j’y vais comme ça. Pour l’occasion et pour la première fois depuis mon arrivée, j’ai sorti mes talons hauts, on va dire que cela compense mes cheveux gras...

Une fois sur place, je me rends compte que ces efforts je les ai fait pour rien. Le responsable n’est pas là et a délégué à une petite jeune, membre de son équipe, la tâche de nous recevoir. Erland est sur le point de sortir de ses gonds. Je ne l’avais rarement vu comme cela. Il est venu trois fois sur place pour préparer cette réunion et s’assurer que le coordinateur serait là. Comme on lui avait confirmé que ce serait le cas, il avait fait se déplacer toute l’équipe et Aurelio. Et nous voilà en face de cette demoiselle qui n’est évidemment pas en mesure de négocier un quelconque accord de partenariat. La seule chose qu’elle puisse faire est de nous fournir des informations que visiblement elle ne maitrise pas puisque qu’elle n’est capable de répondre à presque aucune de nos questions. De toute façon, nous nous rendons bien compte que leur projet n’est guère plus avancé que le nôtre. Et cerise sur le gâteau, lorsque la jeune fille qui s’occupe de nous veut nous remettre le peu de documents qu’elle a à sa disposition, sa collègue l’interrompt en lui signifiant que nous ne pouvons obtenir ces plans gratuitement. Le prix est exorbitant. Heureusement qu’il s’agit d’un service public... Ce fut là ma première véritable confrontation avec la tant décriée bureaucratie péruvienne. Pour ma part, je reste calme et me contente d’observer. Peut-être m’attendais-je à pire, en fait. Mais je comprends qu’à la longue cela doit user d’avoir affaire en permanence à ce genre de fonctionnaires. Mes collègues peinent à dissimuler leur rancœur envers cette administration lourde et totalement inefficace. Le pire est que, d’une façon ou d’une autre, nous devons travailler avec eux. Si nous nous permettons de faire une quelconque intervention sur le chemin Qhapaq Nan sans leur autorisation, nous nous exposons à de graves problèmes.

Histoire de nous remettre de notre déception, nous allons manger dans un petit restaurant. Quand l’appétit va, tout va. Et à ce niveau, mes deux collègues se défendent particulièrement bien. L’un comme l’autre sont maigres comme des clous mais qu’est-ce qu’ils mangent. Aujourd’hui, Erland a décidé de jouer (une fois de plus) les marieuses et d’essayer de me convaincre de devenir madame Goyo Mamani. Et le pire de tout, c’est que Goyo rentre dans son jeu. J’essaie de ne pas me laisser faire et répond à leurs allusions sur le ton de la blague. Mais lorsque je pique un phare, je ne suis guère crédible...

Cet après-midi Aurelio nous a convoqués pour une entrevue. Cela fait plus d’une heure qu’il parle et je n’ai toujours pas compris ni le sujet de la réunion ni la raison de notre présence. Les quelques idées que je dégage dans tout son bla-bla sont que le grand concurrent de CENPRODIC a essayé de copier voire de s’attribuer les mérites du projet de fruiticulture développé par notre association à Maras. Et cela met Aurelio hors de lui. Une fois de plus, je me rends compte que le milieu des ONG est loin d’être un monde de bisounours où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». Ici aussi la concurrence fait rage. Apparemment, l’autre ONG aurait beaucoup de pouvoir en raison de nombreux appuis politiques. Plusieurs de ses membres ou de ses partisans assument une charge politique. Ce serait monnaie courante ici au Pérou. CENPRODIC, par contre, est apolitique et subit de nombreux boycottes pour cette raison. C’est du moins ce qu’Aurelio veut que je retienne. Penserait-il que j’ignore qu’il a été par le passé alcalde de Maras ? Il y a pourtant un mur avec une inscription en grand « votez pour Aurelio Mora » pour me le rappeler à chacun de mes passages à Cruzpata...

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