Petit bonhomme de chemin

Jour 181

Le 31/12/11, 16:04

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Moi qui m’étais autorisée une petite demi-heure de sommeil de rab, je me fais finalement sortir du lit à 5h00 du matin par un nouveau coup de fil « intempestif ». Le couple de la chambre 208 vient d’arriver à Cusco. Nouveau réveil en trombe... Le temps de sauter dans un jeans, je pars à leurs devants pour les accueillir comme il se doit au portail d’entrée.

Une heure plus tard, ce sont quatre petits Frenchies qui débarquent également de bonne heure. La troupe est enfin au complet. Mes 16 visiteurs du week-end sont tous arrivés. Je me dis « voilà une bonne chose de réglée », pensant pouvoir lever un peu le pied à présent.

C’est à ce moment que Juan José, mon dernier arrivant de la veille, m’invite à prendre le petit déjeuner avec lui sous prétexte qu’il n’a pas envie de manger seul. « En plus de nettoyer les chambres, voilà que je dois faire dans le social », me dis-je. Je préférerais vaquer à d’autres occupations. En effet, à notre première rencontre la veille, il ne m’avait pas fait très bonne impression. Il était arrivé avec beaucoup de retard et j’avais dû négocier assez fermement pour qu’il accepte la « chambre-placard à balai ». Mais la relation clientèle se soigne, je me vois donc mal refuser la proposition. Au final, je me rends compte que j’avais Juan José un peu durement. Il est de compagnie plutôt agréable.

Le temps d’un repas, j’oublie quelque peu ma fatigue et mon amertume en me rendant compte que, ce matin, j’étais seule à mener la barque de l’Hospedaje Sol Ayni. De fait, à 5 heures du matin, le portier de nuit n’était pas à son poste pour ouvrir la porte aux premiers clients. Je n’étais pas censée travailler aujourd’hui et le Señor Javier aurait dû me relayer à 8h30. Sauf qu’il est presque midi et que je n’ai toujours pas aperçu mon cher collègue. Erland profite de son jour libre mais lui, je ne lui reproche rien car il bosse comme un dingue les autres jours.

Finalement, le Señor Javier arrive en début d’après-midi. Je peux enfin prendre une pause bien méritée et m’adonner aux préparatifs de la soirée. De fait, un nouvel an à Cusco ne s’improvise pas comme cela. La tradition est particulièrement codifiée et il faut se plier à un grand nombre de règles pour commencer l’an nouveau sous de bons auspices.

Tout d’abord, il y a la tenue. Pour se donner de la chance, il faut porter ce jour-là des sous-vêtements de couleur jaune. A moins que vous ne souhaitiez trouver l’amour... Il faudra alors opter pour le rouge. Et si vous privilégiez l’aspect financier, il vous faudra choisir le vert. Personnellement, je compte mettre toutes les chances de mon côté et décide de porter non pas une mais deux petites culottes ce soir, une jaune et une rouge. Pour trouver mon bonheur, je me rends sur le marché en compagnie de Frankie car, détail important, les sous-vêtements doivent vous avoir été offerts. Vous ne pouvez pas vous les acheter vous-même. Nous allons donc nous offrir réciproquement nos « petites tenues » de la soirée. Sur place, nous rencontrons une connaissance de Frankie. Un type qui ne parle qu’anglais. Lui aussi cherche de quoi se vêtir pour l’évènement. Frankie lui propose de se joindre à nous. Au début, je vois d’un assez mauvais œil le fait d’acheter des dessous en compagnie d’un mec que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam. Mais finalement c’est plutôt drôle. Nous lui trouvons un magnifique caleçon jaune avec un Machu Picchu rouge.


Mais ceci n’est qu’une partie de l’équipement de base. Pour s’attirer la chance à nouveau, il faut également porter de façon voyante un peu de jaune dans sa tenue. Moi j’opte pour un collier de fleurs et un sifflet, Frankie pour un loup. Il y a aussi les 12 raisins qu’il faut manger aux coups de minuit. Un raisin et un vœu par coup. Autant dire qu’il faut de l’imagination. Bref, avec tout cela, pas étonnant que certains poussent la chose jusqu’à venir sur la Plaza de Armas avec une valise. Le but de la manœuvre est de favoriser de futurs voyages. Cette idée de valise me plait particulièrement mais je finis par y renoncer sur le conseil d’un ami en raison du grand nombre de pickpockets qui seront également de la fête ce soir.

Chacun évidemment se plie à ces exigences de façon plus ou moins assidues. Mais à voir le nombre de petites échoppes vendant des slips jaunes qui ont fleuri sur les marché ces derniers jours, il doit y avoir pas mal d’émules. Et parmi toutes ces traditions, s’il y en a une qui est particulièrement chère aux Cusquéniens, ce sont les 3 trois tours de la Plaza de Armas qu’il faut effectuer en courant à minuit.

Je rentre à l’hospedaje en peu avant l’heure à laquelle j’ai rendez-vous avec la Belgique via Skype. Et oui, là-bas, les 12 coups de minuit ont déjà retenti. Je suis sur le point de lancer l’appel lorsqu’on me sollicite pour régler un petit souci. Il semblerait qu’il n’y a plus d’eau dans la chasse des toilettes de la 207. Mes connaissances en plomberie étant limitées, j’appelle à la rescousse le Señor Juan. Et c’est là que nous nous rendons compte de l’ampleur du problème. La pénurie d’eau ne se limite pas à la salle-de-bain de mes clients français mais s’étend à tout le quartier. Beaucoup de choses s’expliquent alors. Notamment, le peu d’eau chaude qu’il y avait ce matin. En effet, la société des eaux a diminué le débit de distribution. Par conséquent, faute de pression, l’eau ne peut plus monter jusqu’au troisième étage de l’édifice et atteindre les capteurs solaires pour être chauffée. D’un côté, c’est un soulagement de savoir que nos installations ne sont pas en cause mais le problème reste là. Il n’y a pas d’eau et il n’y aura probablement pas de douche ce soir. Il va falloir annoncer la mauvaise nouvelle à tous les clients.

Tous sont des plus indulgents. Il faut dire que j’ai la chance d’avoir hérité de clients particulièrement sympas et absolument pas chiants. Les seuls avec qui j’ai un peu plus de mal sont les petits Français. J’affectionne assez peu leur genre « on est jeunes, on est trop cools et on vous em... ». Mais, même eux comprennent très bien que dans cette histoire d’eau, je n’y peux rien et que je suis les mains liées. La seule chose à faire est de prendre son mal en patience.

C’est donc tous crades que nous rendrons à nos soirées de nouvel an respectives. La mienne aura lieu à l’Indigo Bar où j’ai organisé le réveillon officiel du Couch Surfing Cusco. Apparemment, au niveau de l’organisation des soirées, je n’ai pas perdu la main puisque ils sont presque soixante à avoir répondu à l’invitation. Pas facile de gérer un tel groupe... Tant qu’on est dans le bar, tout va bien même si les serveurs ont l’air un peu dépassés.

Les choses se corsent lorsqu’il faut faire bouger tout ce petit monde pour se rendre à la Plaza de Armas. Des 60, seule une bonne vingtaine arrive à destination... Le pourcentage de perte est spectaculaire. Je rebrousse chemin et finis par remettre sur la bonne voie une vingtaine de « brebis égarées en route ». J’escorte notamment un groupe d’Anglais dont l’allure titubante me fait deviner qu’ils ont déjà commencé le réveillon de bonne heure. Tout laisse à penser qu’il sera impossible de maintenir le groupe bien longtemps. J’ai déjà perdu Ignaqui et ses potes, un groupe d’Espagnols particulièrement sympathiques et assez mignons. Dommage...

La place grouille de monde, il y a de la musique et l’alcool coule à flot. Mais le plus frappant sont sûrement tous ces pétards qui éclatent de toutes parts, souvent au mépris des règles de sécurité les plus élémentaires. Et plus on approche de l’heure fatidique, plus explosions et déflagrations se font intenses.

L’arrivée de l’an nouveau se fait de manière un peu bizarre. Traditionnellement, les cloches de la cathédrale sonnent les douze coups de minuit. Cette année, pour une raison qui m’échappe, ce n’est pas le cas. Faute de compte à rebours final, le passage à 2012 n’est pas aussi retentissant que je l’aurais souhaité. Pour la tradition des raisins à minuit, c’est un peu raté et puis personne ne sais vraiment quand est-ce qu’on peut enfin s’abandonner aux cris de « Feliz Año nuevo ». C’est un mouvement de foule autour de nous qui nous fait comprendre que le moment tant attendu est enfin arrivé.


Après quelques brèves embrassades, je me fais entrainer par Jackie, Paul et Darcy pour les traditionnels tours de la Plaza de Armas. Normalement, ils se font en courant mais vu la foule, tout le monde avance au pas (on se croirait au départ du Post Laaf, la musique de Village People en moins). A ce rythme-là, on n’aura pas fini nos trois tours avant l’aube. Mais Jackie et Darcy me rassurent, un tour est largement suffisant. Tant mieux parce que par endroit, là où cela n’avance vraiment pas, cela frise le supplice.

Par exemple, sur l’esplanade de la cathédrale, la municipalité a monté une scène où un groupe joue des airs apparemment populaires que tous les Péruviens reprennent en cœur. A cette hauteur, une foule s’est amassée pour profiter du spectacle. Nous avançons donc encore plus lentement et encore plus collés-serrés. Des mains baladeuses se perdent... Un petit coup de coude, aussi discret qu’efficace, pour signifier à leur propriétaire que le contact n’est pas du tout de mon goût permet de faire rentrer les choses dans l’ordre.

A l’issue de notre tour, la pluie décide de s’inviter à la fête. Il va falloir trouver un endroit pour continuer la soirée. Evidemment, toutes les boites du coin ont profité de l’évènement pour appliquer des tarifs presque prohibitifs. Payer 60.- Soles d’entrée dans une discothèque où, d’habitude, ce sont les rabatteurs qui essaient de t’attirer à coup de verres gratuits, cela fait mal. Nous sommes nombreux à refuser de nous soumettre à cette fatalité et préférons poursuivre les festivités chez Jeremy, l’écrivain américain, qui a un appart à San Blas. Et un appart parfait pour faire la fête, avec une terrasse incroyable...


Comme à l’accoutumée, il y a les habitués et les voyageurs de passage. Parmi eux, un certain Luis, un ami de Juan Carlos à qui apparemment j’ai tapé dans l’œil. Il n’arrête pas de vouloir prendre des photos avec moi. Au début, ça va mais plus la soirée passe et plus les verres défilent, plus je trouve cela lourd. J’en touche un mot à Frankie qui me répond « T’es sûre ? Tu sais, il a une copine... » Depuis quand ce genre de détail arrête un Péruvien ? Mais Frankie aussi a droit à son boulet : un gros lourdaud américain dont le sujet de conversation exclusif est le rhum. Bref, vers 4h00 du mat, il est temps de s’enfuir pour aller danser. Nous tentons le Mythology mais malgré l’heure tardive l’entrée est encore à 30.-Soles. Nous trouvons sur place trois de mes clients, David, Jessica et Cecilia. Et décidons d’aller ensemble au Muse où l’entrée est gratuite. Evidemment, cela sent l’arnaque. Pas étonnant que l’entrée soit libre, il n’y a personne. Frankie capitule et nous laisse là. Après un dernier verre, nous décidons également de rentrer sagement à la maison. Mais d’abord un dernier détour par l’échoppe d’une marchande ambulante pour un petit hamburger de fin de soirée. Là, nous retrouvons Juan José.

Je ramène donc toute l’équipe à la maison. En arrivant sur le pas de la porte, après les vœux de rigueur, je demande à Juan si tout le monde est bien rentré. C’est le cas, nous sommes les derniers qui manquions à l’appel. Parfait, je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles.

[ Voir les photos : Pérou - Cusco ]

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