Petit bonhomme de chemin

Jour 141

Le 20/11/11, 23:24

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Je compte consacrer cet après-midi à mon blog même si je sens que cela va être difficile, surtout si Lorenzo et Jimmy s’en mêlent. La motivation n’y est pas vraiment et je suis à plusieurs reprises détournée de ma tâche. Je reçois d’abord un coup de fil sur Skype de la part de Lorenzo. Cela me fait plaisir d’avoir de ses nouvelles, d’autant plus qu’il a l’air rayonnant. Il m’explique à quel point la traversée de la Bolivie a été éprouvante en raison du mauvais état des routes. Son van a énormément souffert et a fini par jeter l’éponge au Chili. Il a fallu plus de trois semaines pour le remettre d’aplomb. Mais ces mauvais souvenirs sont déjà derrière lui. En effet, il n’est maintenant plus qu’à 600 km d’Ushuaïa. Après avoir quitté l’Alaska il y a environ deux ans et demi, il touche enfin au but de son voyage sur le continent américain et il semble ravi à l’idée d’atteindre enfin son objectif. La prochaine étape sera le Japon...

Ensuite, c’est Jimmy que se charge de me distraire de ma mission initiale. Jimmy est très sympa, ouvert et intéressant mais qu’est-ce qu’il parle... Notre conversation ressemble plus à un cours magistrale où il m’expose son point de vue sur diverses réalités péruviennes et où je me permets de temps à autre de faire un commentaire. Cela ne me dérange pas vraiment, j’apprends beaucoup. Il m’explique notamment le phénomène de délinquance à Lima qu’il relie notamment à la natalité incontrôlée au Pérou. Comment des enfants peuvent-ils bien tourner si, dès la naissance, leurs parents n’ont pas de quoi les élever correctement ? Si Jimmy réprouve les stérilisations forcées effectuées sous le régime de Fujimori, il pense que le gouvernement devrait faire quelques choses à ce niveau. Pourquoi ne pas rembourser ce genre d’intervention si celle-ci est souhaitée ? Pour lui, l’insécurité qui fait de Lima un véritable enfer est aussi due au terrorisme des années 80-90. « Nous sommes la génération de la violence », beaucoup de jeunes n’ont connu que cela. Par conséquent, comment pourraient-ils s’exprimer autrement que par l’agressivité ?

Nous embrayons ensuite sur le thème du métissage. Selon l’expression consacrée, il m’explique à quel point le Pérou est « de todas las sangres » (de tous les sangs), comment le peuple inca s’est mélangé avec les conquistadores espagnols, puis les esclaves africains, puis les coolies chinois , une main d’œuvre docile venue travailler les terres agricoles une fois l’esclavagisme aboli, puis avec les Japonais qui remplacèrent les Chinois une fois que ceux-ci devinrent trop nombreux et firent planer un trop grand risque de rébellion face aux mauvais traitements dont ils étaient victimes. En écoutant parler Jimmy, je ne peux m’empêcher de penser à José Luis qui a en effet, un grand-père chinois, une grand-mère chola, deux autres grands-parents africains et dont la photo de famille ressemble étrangement à une pub pour Benetton.

Nouveau thème de conversation : l’éducation au Pérou. Jimmy reconnait que celle-ci est assez mauvaise mais que des efforts sont faits pour l’améliorer. Le gouvernement tente notamment d’augmenter le nombre d’heures de classe. D’autre part, il m’expose un paradoxe de l’éducation privée. Même s’il est reconnu qu’elle est souvent meilleure que l’éducation publique, elle n’est cependant pas à l’abri de certains travers. Le fait que ces écoles soient payantes et excessivement chères fait qu’il arrive que les étudiants achètent leur diplôme plus qu’ils ne le gagnent aux prix de leurs efforts.

Cela fait probablement deux heures que nous discutons et Jimmy ne se fatigue apparemment pas de parler. Il semble littéralement intarissable. Moi, je continue à écouter mais commence un peu à décliner. La conversation ressemble de plus en plus à un monologue. Le seul sujet sur lequel je ne peux m’empêcher de réagir est celui de l’exploitation minière que Jimmy considère comme un moindre mal. Il faut dire qu’en tant que géologue, il dépend beaucoup de cette industrie. Moi, je ne peux m’empêcher de penser au combat de nombreuses communautés indigènes latino-américaines face à ces entreprises qui polluent, s’accaparent les ressources et se croient au-dessus de lois. J’ai donc du mal à adhérer au point de vue de mon interlocuteur. Mais je n’ai pourtant pas la force d’entrer dans de grands débats. Du peu que je connaisse Jimmy, j’imagine que cela pourrait durer des heures encore. Mieux vaut trouver une excuse pour mettre fin à la polémique au plus vite.

[ Voir les photos : Pérou - Cusco ]

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